27 février 2006

Vidcast or not ?



Suite à mon déjeuner avec Renaud Donnedieu de Vabres, le ministère de la culture me contacte à nouveau pour jouer mon rôle de petit bloggeur MP3 cool avec des cheveux. Cette fois-ci, c'est sur lestelechargements.com, un site monté par le ministère de la Culture. Le but de ce site est de réunir les points de vue des différents intervenants du débat sur le téléchargement (pour, contre, bof, mouais...etc). On me demande donc de réaliser une petite vidéo où j'exprime mon point de vue sur la question.

A priori, pas de problème. Dans un débat aussi compliqué, il n'y aucune raison de repousser une invitation à défendre ses idées devant autant de monde. Mais voilà, j'entends ici ou là que lestelechargements.com ne respecte pas la règle qu'il s'était fixé au préalable, à savoir d'être un vrai lieu de débat ouvert à tous. Les commentaires ont ainsi été virés du site ce week-end. Ils ont depuis réouvert. Bref, je ne sais pas trop quoi faire.

Je vous demande donc, chers lecteurs, s'il vous paraît utile ou pas de réaliser ce vidcast, au risque de passer pour un vendu au ministère. "Lâchez vos comms", comme disait mon frère sur son Skyblog.

20 février 2006

Chuck Klosterman, le rock et nous



« La guerre nucléaire, l’économie ou la nécessité d’établir un Etat palestinien ne m’inquiètent pas l’ombre d’une seconde, mais je passe un paquet de temps à me soucier de savoir si j’ai besoin d’acheter, pour des raisons de catalogage, tous les albums moins-que-foudroyants sortis par les Rolling Stones dans les années 80 ». Non, cette phrase n’est pas extraite du High Fidelity de Nick Hornby, mais vous n’êtes pas tombé loin : un océan plus à l’ouest, mais dans la même zone littéraire, celle de l’exploration minutieuse du cerveau d’un fondu de rock.

Chuck Klosterman, critique américain, auteur du largement autobiographique Je, la mort et le rock’n’roll, récemment traduit en français, partage nombre de caractéristiques avec le Rob Fleming de High Fidelity : une discothèque à faire pâlir son banquier, un humour acide et une certaine propension à analyser ses histoires amoureuses à la lumière de choses aussi essentielles que les albums solo des membres de Kiss.

Ce sont donc les différences avec son alter ego anglais qui font tout le prix de ce livre, au point de le rendre sans doute encore plus jouissif que High Fidelity : un panel de goûts baroque (de Def Leppard à Radiohead) et donc plus amusant ; un projet qui parvient fidèlement à mêler les petitesses de la vie ordinaire et le Mythe (le livre se présente sous la forme d’un voyage d’Est en Ouest, à la recherche des lieux ou des rock-stars plus ou moins célèbres sont mortes) ; enfin, une propension au délire absolument incontrôlable, à l’image du moment où l’auteur explique comment la 3e minute 42e seconde de The National Anthem, de Radiohead (Kid A, 2000), reflète le crash du deuxième avion sur le World Trade Center, le 11 septembre 2001.

Accessoirement, Chuck Klosterman décrit parfaitement, sans le connaître, le quotidien d’Interprétations diverses. Ecoutez le parler de son journal, Spin : « La première fois que j’ai mis les pieds dans ces bureaux, trois types parlaient de J. Mascis sans raison apparente, et l’un deux qualifiait son jeu de guitare d’« incisif ». Ils venaient juste de rentrer déjeuner. Il était 15 h 30. J’étais la troisième personne la plus âgée dans toute la rédaction. J’avais 29 ans ». Jeunes, glandeurs, prompts à parler des heures d’une chanson, d’un musicien, d’un blog musical : qui sait, peut-être sommes-nous voués à devenir rock-critics, nous aussi.

16 février 2006

"Pitchfork" s'explique sur ses choix

Inviter Wolf Parade à se produire pour sa fête d’anniversaire, c’est classe. Un petit caprice que Pitchfork pouvait bien se permettre : dix ans après sa création, le webzine musical de Chicago revendique 160 000 lecteurs par jour et quelques jolis coups éditoriaux (Arcade Fire, Clap Your Hands Say Yeah). Interview exclusive de Ryan Schreiber, fondateur et rédacteur en chef du webzine qui retourne la hype.




Comment est née ta vocation de critique musical ?

Je suis fan de musique depuis ma naissance ! J’ai littéralement appris à lire grâce aux pochettes d’albums et j’ai passé ma jeunesse dans ma chambre à écouter des disques ou la radio, et regarder MTV. Au lycée, j’ai commencé à lire beaucoup de presse rock… Mais je n’y ai jamais vu de chroniques réellement critiques. Quand un journaliste n’aimait pas un album, il le disait souvent en des termes extrêmement prudents. Je n’aimais pas du tout ces critiques qui se retenaient de dire du mal !

Comment as-tu créé Pitchfork ?

Un ami m’a fait découvrir Internet, au milieu des années 90. Je rêvais d’avoir un endroit où balancer mes opinions tranchées, donc j’ai lancé mon site en février 1996, alors que je vivais encore chez mes parents, à Minneapolis. A l’époque, Internet en était à ses balbutiements. Il y avait peu d’informations sur les artistes indépendants. On pouvait taper «Fugazi» ou «Built To Spill» dans des moteurs de recherche, sans résultat. Ce que je voulais, c’était interviewer des artistes que j’admire, et écrire des chroniques râleuses, impertinentes, mais surtout honnêtes.

Pourquoi ce nom, Pitchfork, qui signifie « la fourche » ?

Au début, le site s’appelait Turntable (mot qui désigne une platine vinyle, ndlr). En juillet 1996, nous avons changé le nom en Pitchfork. La fourche évoque le diable, et historiquement, était également l’arme des gens qui ne pouvaient pas se payer des vraies armes. Moi, j’ai choisi Internet parce que les coûts d’un site, en temps et en argent, étaient minuscules par rapport à ceux d’une publication papier.

Comment êtes-vous passé d'un petit webzine à ce qu'est Pitchfork aujourd'hui ?

En 1998, j’ai embauché quelques chroniqueurs qui ont accepté d’être payés en CD gratuits. Un an après, j’ai déménagé de Minneapolis à Chicago, dans un studio sordide. Je vendais mes CD promotionnels sur eBay pour payer mon loyer. Je ne sais pas comment j’ai survécu à cette année : je n’avais pas d’argent, pas de quoi me payer le bus ou à manger… Les années suivantes, le lectorat a régulièrement augmenté [de 5 000 visiteurs par jour en 2000 à 160 000 en 2006, ndlr] et, en juillet 2003, j’ai pu embaucher un premier permanent.

Les chroniques de Pitchfork ont deux particularités : elles sont très longues et surmontées d’une note de 0,0 à 10,0. Pourquoi ?

Quand nous avons commencé, nos critiques faisaient un paragraphe. Et puis nous avons recruté des critiques plus chevronnés, qui avaient plus de choses à dire, plus intéressantes. J’aime bien que nos critiques puissent écrire leurs chroniques comme s’ils écrivaient un essai.
Pour ce qui est des notes, j’apprécie leur côté précis. Si un disque obtient environ 7 sur 10, je veux savoir quel genre de 7 c’est : un petit 7, ou quelque chose qui se rapproche d’un 8 ? Ceux qui ne sont pas obsédés par la musique trouveront cela excessivement pointilleux, mais moi, je veux savoir !

Que penses-tu de l’état de la presse musicale papier actuellement ?

Globalement, les magazines déclinent, même si les plus résistants ont toujours beaucoup de lecteurs fidèles. C’est le cas de Rolling Stone, par exemple, même si tout le monde sait que ce qui s’y fait depuis trente ans est à jeter à la poubelle. Mojo écrit pour la même génération avec plus de dignité et d’intelligence, même si tous les numéros ressassent plus ou moins les cinq même groupes.

Et le NME ?

C’est un cas plus complexe. 90 % des groupes dont il parle relèvent de la fumisterie, mais les potins imbéciles sur eux m’attirent. C’est très amusant de lire qu’un des Kasabian a reçu une bouteille dans le visage pendant un concert, et de les voir en parler comme si c’était d’une importance vitale ! Mais le problème général avec la presse rock, excepté The Wire, est que leurs journalistes semblent avoir perdu, depuis une dizaine d’années, leur exigence d’intégrité et de regard critique. Il y a toujours beaucoup de merveilleux critiques musicaux, mais où la majorité d’entre eux font-ils le mieux leur travail ? Sur les blogs et les webzines.

Justement, quelle est ton opinion sur les MP3 blogs, qui mettent - souvent illégalement - des titres à disposition du public ?

J’ai toujours eu plus d’estime pour les fous de musique – tant qu’ils encouragent les ventes d’album – que pour les gens de l’industrie du disque. Globalement, je crois que les blogs musicaux peuvent être une force extrêmement positive pour les musiciens et leurs fans. Ceux que je lis essaient de promouvoir des artistes intéressants, qui sans eux resteraient peut-être méconnus. Je suis un chaud partisan de cette pratique quand elle est faite dans de bonnes intentions : j’aime l’idée d’une démocratie directe parmi les mélomanes.

Certains vous reprochent de tenter, comme la presse traditionnelle, de créer sans cesse de nouvelles hypes, par exemple avec Love Is All

Ceux qui disent cela envisagent les choses de manière purement cynique. Pour moi, la hype est quelque chose de pernicieux : du marketing, de la publicité, voire de la corruption, par exemple quand un label paye pour faire parler en bien de ses artistes. Des groupes comme les Vines, les Kings of Leon, Jet ou Morningwood sont hype : hyper stylés mais sans talent, ils reprennent des choses déjà faites par des gens plus indépendants, et bénéficient de la force de frappe d’un gros label. Certains journaux, hélas, adhèrent à ce système. Ce que nous faisons à Pitchfork est très différent. De toute façon, si l’alternative est juste d’attendre de voir ce qui devient populaire, et d’en parler alors, je préfère encore avoir une réputation de faiseur de hype.

Es-tu d'accord avec ceux qui affirment que Pitchfork a révélé Arcade Fire (photo) ou Clap Your Hands Say Yeah ?

Dire que nous les avons «révélés» est un peu exagéré. Ce qui est sûr, c’est que, en étant la première publication majeure à s’enthousiasmer pour leurs disques, nous les avons aidés à percer, nous les avons fait découvrir à un public plus large. Mais pour qu’un groupe réussisse comme Arcade Fire ou Clap Your Hands, il doit non seulement être fantastique, mais aussi plaire à des types d’auditeurs très différents.

Autre critique qu’on vous fait parfois, celle d’être trop pro-américains…

Je ne vois pas d’où vient cette réputation. Beaucoup de nos groupes favoris sont britanniques - Belle & Sebastian, The Go! Team, M.I.A., The Clientele, Art Brut, The Streets… Et nous défendons des artistes de pays très différents, comme Boris, Dungen, Serena Maneesh, Isolée, Architecture In Helsinki ou M83. La nationalité d’un groupe n’a jamais été un critère de jugement pour nous. D’ailleurs, Broken Social Scene, Arcade Fire et Wolf Parade sont canadiens, pas américains !

Ne penses-tu pas que Pitchfork manque d’interactivité, par exemple en n’autorisant pas ses lecteurs à réagir, contrairement aux blogs et à beaucoup de webzines ?

J’aime bien cette façon que nous avons d’affirmer que nos opinions sont définitives. Pas de discussion. Si vous en voulez, allez ailleurs ! Je ne suis pas sûr qu’ouvrir un dialogue avec les lecteurs soit toujours une bonne décision, spécialement pour un site comme Pitchfork. Introduire les commentaires sur les articles avec autant de participants tournerait vite à la bagarre générale.

14 février 2006

The Undertones, so underrated


The Undertones - Mars Bars (MP3)
The Undertones - Wednesday Week (MP3)
The Undertones - When Saturday Comes (MP3)
The Undertones - The Sin of Pride (MP3)

Au chef-d'oeuvre inconnu, la nation pop reconnaissante. Personne (à part peut-être John Peel, deux-trois courageux et votre serviteur) ne classe Positive touch des Undertones dans ses albums préférés. Les classiques officiels de ses années-là (London calling, Closer, Imperial bedroom...) font de l'ombre au grand disque des jeunes Irlandais. Et pourtant, s'il fallait un groupe pour résumer les années 76-83, les Undertones feraient des candidats idéaux. Jeunes hommes énervés, rockers érudits, soulmen en quête d'âme : ils ont grandi en même temps que leurs auditeurs, de Teenage Kicks (le I bet you look good on the dancefloor de l'époque ?) à The Sin of pride (auquel, pour le coup, on peut difficilement trouver un équivalent aujourd'hui).

Le nom, The Undertones, sonnait comme Ramones, comme Stones : la classe pop, rock, punk. En quatre étapes, les Undertones allaient défricher ce territoire. The Undertones (1979), c'est la machine à singles où on met dix pence pour récupérer une Mars Bars sucrée et énergisante. Hypnotised (1980), c'est l'entre-deux, le moment où Feargal Sharkey abandonne son débit colérique pour une voix de soulmen blanc, bouleversante (Wednesday week). Positive touch (1981), c'est l'âge adulte, le temps où on fait des progrès sans faire des compromis, où semaine rime avec travail et samedi (When Saturday Comes) avec week-end. The Sin of Pride (1983), c'est le départ en fanfare, en symphonie, la montée au ciel sur le dernier titre éponyme, époustouflant.

Bien sûr, ça fait beaucoup d'hyperboles et d'éloges pour un seul groupe, tellement has-been qu'il n'a pas été invité au Live 8 et qu'il a accepté une reformation indigne en 1999. Mais si vous ne me croyez pas moi, croyez tous ces critiques qui ont un jour été jeunes : "Le meilleur disque jamais sorti" (John Peel, à propos de Teenage Kicks), "réussi sur tous les plans" (Michka Assayas, sur Positive touch), "ils avaient les moyens d'être autre chose qu'une marotte de rock-critics" (dixit François Gorin). Aujourd'hui, on aimerait bien que les Undertones deviennent une marotte de bloggers et de lecteurs de blogs - de jeunes, en fait. Teenage dreams, so hard to beat.

13 février 2006

Video killed the (acoustic) radio stars

Dans le jargon journalistique, on appelle "marbre" ce genre d'articles. Pourquoi ? Parce que ce sont de vieux posts en attente d'être publiés et qui servent à remplir les trous en période de vaches maigres. La disette est à l'ordre du jour, JM et moi étant en stage pour encore une petite semaine. Retour des nouveautés lundi prochain si tout va bien.


Animal Collective - The Purple Bottle (MP3, acoustique)
HAL - What A Lovely Dance (MP3, acoustique)
Low - Monkey (MP3, acoustique)

Il y a parfois des sites qui sortent de nulle part. Des sites dont le webmaster est d'un goût très douteux, des sites qui nous font imaginer ce que serait la RDA à l'ère numérique. Celui de Planet Claire est de cette veine : design naze, nom pourri et concept flou.

Pourtant, derrière cet habillage cheap se cachent des petites merveilles. On ne sait trop pourquoi mais des artistes qu'on aime ont accepté l'invitation de Planet Claire, qui semble être une émission hebdomadaire diffusée sur Aligre FM (?). La liste des invités est impressionante : Animal Collective, HAL, Editors, Art Brut, Cat Power, An Pierlé, Low, Gris Gris... Tous y ont été de leur petite session acoustique et de larges extraits sont disponibles sur le site. Voici donc une sélection de trois titres, tubesques dans leur version d'origine, touchants dans cette version acoustique.

09 février 2006

Tortoise + Bonnie Prince Billy = un grand disque


Tortoise & Bonnie Prince Billy - Thunder Road (MP3)
Tortoise & Bonnie Prince Billy - Love Is Love (MP3)

Dans le monde de la musique, l'arithmétique est toujours hasardeuse. Quand des mecs de prépa scientifique nous expliquent qu'1+1+2, on peut toujours rétorquer que non, les talents ne s'aditionnent pas toujours. Et que souvent, 1+1 vaut le bac à soldes.

Il y a pourtant des contre-exemples. Tortoise + Bonnie Prince Billy = la grande classe. Les coulées post-rock de Tortoise et la folk ténébreuse de Bonnie Prince Billy se marrient à merveille sur The Brave and The Bold, un album entièrement constitué de reprises. Les expérimentations soft des Chicagoans transfigurent nombre de chansons, portant par exemple très haut le Thunder Road de Bruce Springtseen, vanté sur ces pages il y a quelques temps. Au rayon grandes réussites, on peut aussi parler du Love Is Love de Lungfish, que Tortoise redessine avec des contours électroniques inquiétants. Histoire peut-être de justifier la gueule apeurée des malheureuses biches sur la pochette du disque.

07 février 2006

L'Allemagne allumée et hallucinée de Faust


Faust - Meadow Meal (MP3)

Le rock, c'est comme le collège : pour choisir allemand LV1, il faut être un peu maso/vraiment snob/très très fort (cocher la bonne réponse ou envoyer une lettre d'insultes à la rédaction, qui transmettra). Les vrais fans de krautrock sont souvent des gens admirables.

Il y a quelques années, j'ai voulu faire comme eux. Je me souviens, les Inrocks avaient sorti un bon dossier sur le krautrock, à l'occasion de la sortie de Neon Golden de The Notwist. On y vantait des "marathons de percussions tribales interminables", des "lignes de fuite synthétiques", et une formation méconnue était qualifié par Brian Eno de "groupe le plus important au monde". La classe.

De quoi m'inciter à jeter une oreille sur Can, Neu! ou Amon Düül. Depuis, j'écoute du krautrock très régulièrement - une fois par an, environ. Pour 2006, c'est déjà fait : je viens de découvrir le premier album de Faust. Le genre de disque qui plaira d'abord à un fan des Ramones (durée : 30 minutes) avant de lui faire prendre ses jambes à son cou (nombre de morceaux : 3). Sur Meadow Meal, on entend la pluie qui tombe, des espèces de prières païennes étranges, des distorsions sans fin... Bref, ce qui fait aujourd'hui la beauté des disques d'Animal Collective. D'ailleurs, Faust avait répondu par avance aux New Yorkais qui, dans un single de 2004, se demandaient : Who could win a rabbit ?. Lapins pourchassés, écoutez le conseil donné par le groupe allemand dès le premier titre de cet album de 1971 : Why don't you eat carrots ?