31 mars 2006

The Adam Green preservation society


Adam Green - Cast A Shadow (MP3)
Adam Green - C-Birds (MP3)

On aurait pu parler du nouvel album d'Adam Green en pilotage automatique, balancer vite fait mal fait de la repompe de dossier de presse (qu'on a pas reçu, mais qui doit contenir ce style de formules : "miniatures pop orfèvres", "Jonathan Richman sous acide", etc etc). Mais non, Adam Green a beau faire des disques légers, on ne veut pas les prendre à la légère. Quatre albums en groupe ou en solo, dont au moins deux grands disques (le Moldy Peaches et surtout Friends of mine) l'ont installé dans le petit cercle des songwriters contemporains de première classe.

Les premières écoutes de Jacketful of danger se révèlent pourtant décevantes. Ce nouveau disque n'a ni la splendeur et la simplicité de Friends of mine, ni la virtuosité mélodique de Gemstones (qui contenait déjà quelques creux). Surtout, elles révèlent le danger qui guette Adam Green, le "à la manière de...", entièrement contenu dans l'épaisseur prise par sa voix : il ne se contente plus de chanter, il joue avec, prend une grosse voix, gromelle, pastiche. Jacketful est donc un disque maniériste, souvent charmant dans les détails, mais décevant dans l'ensemble, ripoliné et vernissé d'une grande couche d'effets et d'imitations par un sale gosse qui a sûrement une connaissance très sûre de l'histoire du rock.

Sur les quinze chansons de Jacket, on a souvent la désagréable impression que Adam veut ressembler à quelqu'un d'autre, barrer d'un trait de Tipp-Ex le "Green" de sa carte d'identité pour devenir Adam Sinatra, Adam King Cole ou Adam Walker (C-Birds, avec son chant hanté et ses choeurs moyen-âgeux, ressemble à une face B de l'album Scott 4, référence casse-gueule s'il en est). En attendant sûrement, dans les années à venir, Adam Cohen, Adam Dylan ou Adam Morrison... Alors que nous, ce qu'on attendait, c'était des morceaux qui soient tous du charmant calibre de Cast a shadow. Ce qu'on espérait, et que l'on guettera sur les prochains albums, c'était le retour du jeune Adam, songwriter bucolique, drôle et naïf. Un peu vert, et c'est comme ça qu'on le préfère.

28 mars 2006

Poupées de cire, poupées de Boston


The Dresden Dolls - Backstabber (MP3)
The Dresden Dolls - Sex Changes (MP3)

Je ne connaissais pas les Dresden Dolls, groupe atypique originaire de Boston. Je les découvre à l'occasion de la sortie de leur nouvel album Yes Virginia qui sort en France le 18 avril. Et comme cette année, les découvertes ne sont pas à la fête, écrasés par la concurrence des deuxièmes albums, comme celui des Yeah Yeah Yeahs ou de TV On The Radio, arrêtons nous un instant sur ce nouveau retour réussi.

Si certains puristes semblent ne pas retrouver avec Yes Virginia la fraîcheur de leurs poulains, les novices, eux, découvrent un rock inédit pratiqué sans guitare, juste à l'aide d'un piano cinglant et d'une batterie claquante. Dans une ambiance de cabaret allemand des années 30, les poupées de Dresde sautent du comique au tragique en évitant le fossé du ridicule. Le ridicule, ils le gardent pour la pochette hideuse de leur disque qui rappelle aux branchouilles leur origine gothique.

Comme tout bon cabaret, ce sont les titres d'ouverture, Backstabber et Sex Changes, qui assurent le plus le show. A noter dans Sex Changes un superbe enchaînement avec les mots "girls" et "boys" qui rappelle les exploits de Blur : "Boys will be boys, will be boys, will be boys, will be boys, will be boys, will be girls with no warning / Girls will be girls, will be guys, will be boys that don't cry over toys that they use to beat girls they despise by the morning". Ouf, elle ne s'est pas étranglé !

27 mars 2006

Sucre en plastique et extase swindonique


The Sugarplastic - Little Teeth (MP3)
The Sugarplastic - Dunn The Worm (MP3)

Chercher sur le Net des critiques françaises des disques des Sugarplastic revient plus ou moins à tenter de dénicher des étudiants en lettres favorables au CPE. A part Popnews, infatigable défenseur du groupe de Ben Eschbach, on ne se bouscule pas au portillon pour promouvoir ces XTC californiens, auteurs en 2005 d'un album (Will) et de sept (!!!) singles récemment regroupés sur un CD.

Pourtant, The Sugarplastic est loin d'être un indigne rejeton du gang de Swindon. Ces dernières années, on a entendu Franz Ferdinand pasticher Helicopter (le très moyen Tell her tonight) ou les sympathiques Dogs Die In Hot Cars faire quasiment un album entier "à la manière de..." (Please describe yourself), mais les Sugarplastic ne boxent pas dans la même catégorie. Ils visent plus haut, période Skylarking, le chef d'oeuvre d'Andy Partridge.

Charmants à la première écoute, leurs albums se révèlent toujours aussi jouissifs à la dixième. Dans les seuls Little teeth et Dunn the worm (extraits de Bang! The Earth is round et Resin), il se passe déjà plus de choses que dans un album entier du revival sunshine pop. En plus, ces types-là sont aussi drôles que cultivés : la pochette de Resin reprend ainsi le célèbre tableau de Magritte, Ceci n'est pas une pipe. Erudition et bonnes influences, mais aussi humour et personnalité : The Sugarplastic, ceci n'est pas un revival.

20 mars 2006

Qui ne Guillemots consent


Guillemots - Made Up Lovesong #43 (MP3)
Guillemots - Trains To Brazil (MP3)

Pour une fois, oublions un peu les groupes américains afin de parler d'une petite bande d'Anglais. Les Guillemots viennent de Londres et sont précédés d'une réputation flatteuse outre-manche. "Meet the most remarkable band in Britain", annonce ainsi le (toujours) nuancé Mojo à ses lecteurs. A ce stade-là, on se dit "Aïe, on a affaire à un nouveau Arctic Monkeys".

Et pas du tout. Guillemots esquamote le revival punk-rock en vigueur en Angleterre pour une pop plus émotionelle, plus tournée vers le mouchoir que vers le dancefloor. Si le chanteur Fyfe Dangerfield se perd parfois dans des envolées de lyrisme, son groupe rattrape le coup avec une pop catchy et rêveuse. Du coup, on pense un peu aux Américains de My Morning Jacket qui cumulent exactement les mêmes défauts et qualités : d'excellentes mélodies mais un peu trop d'emphase.

Il n'en demeure pas moins que leur premier mini-album From The Cliffs, qui sort le 9 mai en France, est extrêmement prometteur. Un peu faiblard sur la fin, il comprend quand même deux titres qui devraient définitivement asseoir la réputation de ces Anglais, Made Up Lovesong #43 et le single Trains To Brazil.

17 mars 2006

Clap Your Hands Say Yeah Yeah Yeahs


Yeah Yeah Yeahs - Way Out (MP3)
Yeah Yeah Yeahs - Fancy (MP3)

Pour moi, longtemps, les Yeah Yeah Yeahs se sont résumés à un article écrit par un ami pervers dans une obscure revue étudiante. Il y expliquait que Karen O, la chanteuse du groupe, était devenu le fantasme suprême du rock international. Je crois me rappeler vaguement qu'il disait vouloir écrire son nom sur des portes de chiottes. Enfin bref, sordide.

En ce qui concerne Yeah Yeah Yeahs, j'en étais resté là. Je n'avais même pas écouté leur premier album Fever To Tell me disant que la machine à fantasmes devait être plus visuelle qu'auditive. Rétrospectivement, je peux le dire, je me suis trompé. A l'écoute du nouvel album du groupe, Show Your Bones, qui sort le 27 mars, j'ai ravalé mon mépris pour presser le bouton "Play" encore et encore.

Contrairement à leurs compagnons de débauche new-yorkais (Liars et autres Black Dice), les Yeah Yeah Yeahs introduisent une bonne dose de pop dans leur art-rock bruyant. Contrairement à d'autres New-yorkais (les Strokes pour ne pas les citer), ils n'ont pas perdu la salissure qui fait le charme de leurs guitares. Brut, pop et très énergique : le cocktail est imparable. Et puis, Karen O est toujours aussi sexy (cace-dédi aux nouveaux lecteurs qui nous ont rejoints suite à ce post).

Je ne pouvais pas mettre Gold Lion, le single de l'album, Clara m'apprenant qu'il est en très forte rotation sur MTV2. Si ce n'est la plage 1, ce seront donc la 2 et la 3 : Way Out et Fancy, au moins aussi efficaces.

15 mars 2006

Pipettes show


The Pipettes - Your Kisses Are Wasted On Me (MP3)
The Pipettes - Simon Says (MP3)

Ce blog est souvent critiqué - à juste titre - pour son absence de bonnes meufs. Et c'est vrai qu'on est con de ne pas y recourir plus souvent. Avec un lectorat globalement masculin et célibataire (puisque bêtement devant son ordi), des photos de jolies filles pourraient nous permettre d'augmenter et de fidéliser notre audience.

Aujourd'hui, je ne peux m'empêcher de recourir à ce procédé. Déjà parce que les Pipettes sont vraiment mignonnes et qu'à elles seules, elles ont réhabilité la robe à pois blancs et relancé le vieux débat "blonde ou brune : que choisir ?". Ensuite parce que musicalement, ces Anglaises sont aussi pétillantes que leurs courbes peuvent le laisser penser. De charmants hymnes échappés des années 60 et retapés à la va-vite pour coller à la mode 00's.

Ca n'a pas grande prétention mais ça fait quand même bien plaisir au milieu de la bouillie un peu chiante que nous servent quotidiennement nos amis de l'indie américain. Your Kisses Are Wasted On Me, tube imparable, sort tout prochainement en single. Simon Says est un autre de leur single, plus ancien mais tout aussi collant. Par contre, toujours pas d'album de réalisé pour nos amies Pipettes.

PS : J'ai bien conscience que le titre de ce post est scandaleux. Pour autant, je vous demande de ne pas en informer les organisations féministes. Merci de votre compréhension.

14 mars 2006

TF1 sur Europe 1


TV On The Radio - I Was A Lover (MP3)
TV On The Radio - Snakes And Martyrs (MP3)

Dans la plus pure tradition des previews, voici aujourd'hui un des albums les plus attendus de l'année, celui de TV On The Radio, Return To Cookie Mountain, prévu pour le 25 avril. Ce n'est pas le Retour à Brockeback Moutain, mais niveau chef d'oeuvre émotionnel, ça pourrait s'en rapprocher.

TV On The Radio, c'est ce groupe si particulier qu'on avait découvert en 2004 à la faveur de l'extatique Desperate Youth, Bloody Thirsty Babes. Un vrai coup de pied dans la fourmillière du rock renaissant. Dans une époque de recyclage (Strokes et autres Raptures), New York prouvait qu'elle gardait son pouvoir de création. TV On The Radio proposait alors un curieux mélange de rock, de soul et de gospel : une vraie ferveur électrico-névrotique.

Pour ce que j'ai pu entendre du nouvel album, c'est à dire 5 titres, TV On The Radio reste sur des bases élevées. Pas évident en bouche, comme à son habitude, mais toujours aussi prenant, pourvu qu'on se laisse prendre par la vaguelette acide qui déferle des guitares des New-Yorkais. Il faut quand même attendre pour crier au chef d'oeuvre mais tout ça semble bien parti.

I Was A Lover est le titre le plus impressionant parmi ceux que j'ai pu écouter : un beat old-school du meilleur effet, de drôles de sonorités et une chanson bancale qui tient glorieusement la route. Snakes And Martyrs et sa rythmique martiale illustre, quant à lui, la face la plus mélodique de TV On The Radio.

13 mars 2006

Paul Quinn, the soul of young Scotland

Paul Quinn & The Independent Group - Born On The Wrong Side Of Town(MP3)
Paul Quinn & The Independent Group - Should've Known By Now (MP3)

Il y a des disques qu'on aime avant même de les avoir écoutés. Souvent ceux de nos artistes favoris, avec qui on entretient une relation spéciale. C'est aussi le cas des disques qu'on a cherchés longtemps, sur lesquels on a peiné à obtenir des informations. Qui passent pour rares, mythiques, introuvables. Dont on a l'impression, en déchirant le cellophane, qu'il n'en existe qu'un exemplaire, le nôtre.

Depuis que j'avais lu un papier de Magic! sur The Phantoms And The Archetypes, de Paul Quinn, je traquais ce disque. eBay, rien. Amazon, nothing. Les bacs "Q" des grands disquaires, nada. Et le peer-to-peer, zéro. Accessoirement, le disque n'est même pas référencé sur Allmusic et il est pratiquement impossible d'en trouver la pochette sur Internet. Pourtant, il y a une semaine, je l'ai enfin déniché, sur (attention, pub) Priceminister.

La déception aurait pu être à la mesure de l'attente. Pas de coup de foudre dès les premières notes, mais c'est bien normal : The Phantoms... est un disque de soul velvetienne. Or, la soul n'est pas une musique de coup de foudre (ou alors il faut de la soul très pop, les Supremes par exemple) mais de séduction. Il faut laisser la musique infuser, le charme agir, avant d'être captivé. Pareil pour le Velvet : une musique infectieuse, insidieuse, doucereuse.

Le Velvet, la soul : on aura reconnu deux des grandes obsessions du label écossais Postcard Records (Orange Juice, Josef K, les Go-Betweens...), dont la devise était d'ailleurs "The Sound of young Scotland", en référence à celle de Motown ("The Sound of young America").

Avant de devenir un fantôme (la succincte biographie d'Allmusic s'arrête en 1995), Paul Quinn était l'archétype de l'artiste Postcard, fasciné par le Velvet (il sortit en single une reprise de Pale blue eyes en duo avec Edwyn Collins d'Orange Juice), par la soul et par les crooners (Scott Walker en tête). Pour son album, il fit d'ailleurs appel au gratin du label (des musiciens d'Orange Juice, d'Aztec Camera, des Commotions de Lloyd Cole, et le big boss Alan Horne himself) et mit Edwyn Collins aux manettes.

Le résultat : une soul urbaine soyeuse, habitée, veloutée. A écouter dans une voiture sous la pluie la nuit, en s'imaginant visiter les faubourgs de Glasgow au son de Should've known by now. Dès le deuxième morceau, Paul Quinn chante qu'il est Born on the wrong side of town. Né du mauvais côté de la ville, mais pas seulement : de l'Atlantique, aussi, du temps, sans doute, vingt ans trop tard au moins. Tombé du mauvais côté, à côté des bacs à solde même, où croupissent pourtant tant de disques médiocres. A priori, vous ne trouverez The Phantoms & The Archetypes nulle part, mais vous pourrez en apercevoir le spectre ici. Avant de lancer une pétition pour une réédition...

07 mars 2006

Fiery Furnaces, retour en grâce


The Fiery Furnaces - Nevers (MP3)
The Fiery Furnaces - Teach Me Sweetheart (MP3)

On commence à y être habitué : avec Internet, deux mois avant la sortie commerciale d'un album, on peut déjà le goûter sur les réseaux peer-to-peer. C'est le cas du nouvel album des Fiery Furnaces, prévu pour la mi-avril. Après une enquête pas bien poussée, j'ai pu m'en procurer une copie. Et autant le dire tout de suite, ce Bitter Tea est un excellent album.

Après le chef d'oeuvre Blueberry Boat, après l'inattendu EP, après le controversé Rehearsing My Choir, on ne savait plus quoi attendre des Fiery Furnaces. Allaient-ils s'emprisonner dans leurs compositions détricotées comme un Code du Travail ou laisser de nouveau la pop s'insinuer dans leurs folies ?

Bitter Tea est clairement plus accessible que l'album précédent. Les Fiery Furnaces y trouvent un plus juste équilibre entre déconstruction et mélodie. Si Eleanor and Matthew Friedberger ont toujours quinze idées par titre, une seule prévaut : celle de composer de vraies chansons, où l'émotion a une chance de prendre le pas sur l'expérimentation.

Nevers est un monument à lui tout seul. Un reggae atomisé à coup de craquements electroniques et sublimé par la voix toujours désarmante de la charmante Eleanor. Teach me Sweetheart est une ballade à la sauce Fiery Furnaces qui rappelle les meilleurs moments de leur EP, quand les mélodies des deux Américains nous laissaient, dans les synapses, l'impression d'une insomnie moite et rêveuse.

06 mars 2006

Scott Walker, fin du silence radio


Scott Walker – Mathilde (MP3)
Scott Walker – 30th Century Man (MP3)
Scott Walker – Rawhide (MP3)

Après une chanson de Scott Walker, le silence qui suit est encore de Scott Walker. Neuf années de silence depuis son dernier disque, Tilt (1995), auquel 4AD vient d'annoncer un successeur pour mai, The Drift.

« C’était un petit con, mais il était beau quand même, et il avait la classe », a écrit de lui le critique rock Nik Cohn, en 1969. Aujourd’hui, parler de Walker à l’imparfait est toujours d’actualité : l’homme s’est déjà donné la mort deux fois. En 1967, chanteur au sein des adulés Walker Brothers, il plaque tout pour se lancer en solo, façonnant en trois ans quatre splendides albums de pop symphonique et intellectuelle, simplement titrés Scott, Scott 2, Scott 3, Scott 4. Dans les années 80, il tire définitivement un trait sur la carrière de chanteur pour femmes finissantes, type Tom Jones, qui l’a parfois guetté. Et livre deux disques hantés, Climate of hunter (1984), puis Tilt.

Derrière ces ruptures artistiques, de vraies fêlures : un accident de voiture simulé pour éviter les tournées et leur cortège de fans transies, un sérieux penchant pour la bouteille et une tentative de suicide, en 1966. Des fêlures que Noel Scott Engel a caché derrière un nom de scène et des masques. Ceux des musiciens qui l’ont inspiré, Burt Bacharach, Tim Hardin et Brel, surtout, qu’il a été le premier à reprendre en anglais, pour un résultat parfois sublime (Mathilde, sur Scott).

Ce n’est pourtant pas en « faisant du Brel » que Walker a trouvé sa voie. Sa patte est ailleurs. Dans le contraste saisissant entre des orchestrations grandioses et un chant étonnamment froid, qui laisse le silence filtrer à travers la mélodie. D’où l’impression de malaise, de gâchis, qui saisit parfois l’auditeur déconcentré. La musique de Walker ne tolère pas l’oreille distraite.

Un goût du silence qu’il a poussé à son paroxysme à partir des années 80. Sa carrière est devenue plus compliquée, le temps entre ses albums s’est allongé : « Pendant des années, je suis resté assis dans des pubs à regarder des types lancer des fléchettes ». Ses ventes, énormes au début de sa carrière, ont dégringolé : une légende tenace veut que Climate of hunter, qui s'ouvre sur le sombre Rawhide, soit la pire vente de toute l’histoire du label Virgin.

Le chanteur ne se produit plus en concert. Cet Américain, chassé de son pays par la guerre du Vietnam, est exilé en Angleterre depuis 40 ans. Baladé de labels en labels et mûr, forcément, pour le statut d’artiste maudit : « Pour l’industrie musicale, je suis Orson Welles. Tout le monde veut m’emmener déjeuner, mais personne ne veut financer mes films ».

Rien d’étonnant alors à ce que ce cinéphile se soit acoquiné avec un cinéaste maudit, Leos Carax, pour qui il réalisa la B.O. de Pola X, en 1999. L’an dernier, c’est Wes Anderson qui lui a rendu hommage en incluant un de ses morceaux, 30th Century Man (extrait de Scott 3), dans son jouissif La vie aquatique. Côté musique, Walker, qui avoue son peu de goût pour le rock actuel, a pourtant influencé le meilleur de la scène anglaise récente (Pulp, Tindersticks…), qui lui voue un véritable culte. La beauté de ses disques n’a d’ailleurs qu’un rapport lointain avec le commerce des singles ou l’impact d’un « message » : le chanteur n’a engendré ni militants ni suiveurs, plutôt des disciples isolés. L’un deux, Julian Cope, lui rendit hommage dès 1981 par une compilation dont le titre résume bien la place du bonhomme, très haute mais isolée, dans les livres d’histoire du rock : Fire-escape to the sky, the godlike genius of Scott Walker.