26 juillet 2006

Retour vers The Russian Futurists



The Russian Futurists - Let's Get Ready To Crumble (MP3)
The Russian Futurists - Our Pen's Out Of Ink (MP3)

Dans l'histoire de l'art, le futurisme russe était un groupe de peintres, parfois aussi surnommé mouvement du "valet de carreau", du nom d'une de ses premières expositions, organisée en décembre 1910. Dans cette année rock 2006, The Russian Futurists aura lui été mon joker.

Il y a quelques semaines, je faisais un tour sur un calendrier des sorties, histoire de chercher quelques disques pour relevr le triste ordinaire de mon année (je vous ai déjà dit que le troisième Strokes risquait de squatter mon futur top 10 ?). Parfois, il suffit d'un nom un peu intrigant pour donner envie de découvrir un disque. Va donc pour The Russian Futurists : Me, Myself & Rye. Depuis, j'ai découvert qu'il avait reçu un 8,1 chez Pitchfork (qui eux, plus malins, chroniquent The Russian Futurists depuis 2003).

Il faut dire que le disque (en fait, une compilation des trois premiers LP du groupe) est Pitchforkissime. C'est comme ça : chez ces gars-là, dès qu'un album est nord-américain (et encore mieux : canadien), un brin symphonique sans pomper outrageusement les classiques, avec des belles mélodies mais pas trop évidentes, il ne peut qu'être bien noté. C'est la jurisprudence Wolf Parcade Collective, qui risque à terme de nous donner une belle flopée de groupes surcotés. Là, non. Même si, au début, il faut faire un petit effort.

Me, Myself And Rye peut plaire aux amoureux des années 60 - d'ailleurs ils y trouveront même un single appelé Paul Simon. Mais il faut aussi, pour apprécier ce disque, aimer les années 80, leurs boîtes à rythmes et leurs synthés grisâtres. Me, Myself & Rye est un petit frère spirituel de La Fossette (Dominique A) et surtout de The charm of the highway strip (Magnetic Fields). Des disques cachant leur grâce sous la glace, dissimulant la voix derrière la musique, comme pour masquer le rêve de leur(s) auteur(s) (ici un homme seul, Matthew Hart) : faire du Burt Bacharach dans une chambre de bonne.

11 juillet 2006

Les diamants ne sont pas éternels


Syd Barrett - Dominoes (MP3)

"Remember when you were young/You shone like the sun"
(Pink Floyd, Shine on you crazy diamond)

Dans une vie de journaliste culturel ou de blogueur musical, il y a des rencontres impossibles. J'aimerait bien avaler un sandwich au beurre de cacahuètes avec Elvis (qui, comme chacun sait, n'est pas mort mais traverse l'Amérique, direction Tupelo) ou discuter littérature autour d'un whisky avec Pynchon ou Salinger, mais je sais bien que ça ne se fera jamais. J'aurais bien aimé aussi tomber sur Syd Barrett se baladant incognito dans un pub de Cambridge, mais je me doutais bien que ça serait difficile. Aujourd'hui, c'est devenu impossible : d'après le Guardian, Syd Barrett est mort vendredi.

On avait imprimé la légende (le reclus siphonné) et un peu oublié la discographie (le premier Pink Floyd, The Madcap Laughs, Barrett) : il est pourtant toujours temps de faire l'inverse et de retourner se balader dans les labyrinthes taillés par le plus surréaliste des jardiniers anglais. En attendant de lire les réactions de Roger Waters et de David Gilmour, qui doivent sûrement se sentir un peu orphelins, tout comme le Chapelier fou, Arnold Layne et Emily. Ainsi que tous les fêlés et les ébréchés du rock, ceux qui ont un petit grain de folie et un gros grain de génie (il en reste). "You and I in place/Wasting time on dominoes", chantait Barrett, avant de se murer dans le silence pendant des années. Syd Barrett est tombé. Kevin Ayers, Daniel Johnston et Dan Treacy, ses frères et fils spirituels, sont toujours debout.

03 juillet 2006

Eurockéennes : suite et (bonne) fin

Conclusion de mon compte-rendu live des Eurockéennes avec un léger différé. L'occasion de revenir sur trois concerts qui ont marqué ma fin de festival (retour précipité à Paris par le train de 19 h le dimanche).



Un festival sans découverte, ce serait con. En fin de soirée samedi, alors que je trainaillais sur la scène de la Plage, j’ai eu le bonheur de découvrir ApSci, un curieux groupe américain de hip-hop. Je dis curieux car la mise en scène est pour le moins originale : à gauche, un DJ tout ce qu’il y a de plus classique mais à sa droite, un batteur balaye l'air à toute vitesse et ça change tout. Le set est une sorte de battle entre deux virtuoses du rythme. Là-dessus, deux MC’s (Ra Lamotta et une petite australienne d’origine philippine, Dana Diaz-Tutaan) s’en donnent à coeur joie. A la fin, on comprend pourquoi c’est aussi bon : le rappeur nous explique qu’il est signé sur Quannum, le label de DJ Shadow et Blackalicious. Fallait le dire avant...

On attendait beaucoup d’Animal Collective. Eux n’attendaient rien de nous. Trop occupés par leurs trips chamaniques, les Américains ne font que peu de cas de leur public. Il faut dire que c’est une vraie bande de nerds, probablement autistes. Comme des ingénieurs en informatique, ils recyclent leur mal de vivre dans une production effrénée et forcément folle. Les cris déchirants du chanteur se confondent avec les sons très particuliers qui sortent des guitares et de la batterie. C’est parfois magnifique, parfois épuisant. C’est en tout cas à voir.

Dernier concert pour mon compte : les Canadiens d’Islands, pour lesquels j’ai repoussé l’horaire de mon train. Et je n’ai pas été déçu. Autant leur premier album, Return To The Sea, est un peu trop contemplatif, autant leur live est complétement hédoniste et débridé, faisant honneur à la condition d’ex-Unicorns du chanteur. Sur une scène, les Islands ressemblent à des Go ! Team de la pop instrumentale : pléthoriques (ils devaient être au moins 7 sur scène), multi-raciaux (asiatiques, black, chanteur à mèche) et complétement bancals. Juste pour l'anectode, le violoniste prend à l'occasion son instrument comme une guitare, jamais vu ça !

Mon top 7 du festival :
1. Daft Punk sur la Grande Scène
2. France-Brésil en salle de presse
3. Islands sous le Châpiteau
4. ApSci à la Plage
5. La Caution à la Plage
6. The Strokes sur la Grande Scène
7. Poni Hoax à la Loggia

02 juillet 2006

Eurockéennes : sers-moi un demi (finale)

Un samedi aux Eurockéennes. Peu de concerts intéressants, un récital de Zidane et un but de Henry.



Comme l'année dernière, les programmateurs des Eurockéennes semble avoir oublié la journée de samedi. Une bonne idée : c'est le jour de France-Brésil. J'essaye quand même d'aller voir I Love UFO que Technikart a récemment placé aux côtés de Poni Hoax dans la nouvelle nouvelle nouvelle scène rock française. Ouais, bon. C'est juste bruyant et un peu vain.

Et on en arrive au match. En salle de presse, il est presque 21 h et la conférence de presse de Sébastien Martel n'est pas encore finie. On se dit qu'à 21 h pile, c'en sera fini. Et finalement pas. L'interviewer officiel des Eurockéennes, toujours aussi con, tient à continuer la conf' de presse, malgré une ambiance surréaliste : la salle de presse n'a jamais aussi pleine et tout le monde a les yeux rivés sur l'écran. Le malheureux Sébastien Martel parle complétement dans le vide. Heureusement, son calvaire prend fin au bout de 10 minutes. A la 56ème minute, Thierry Henry marque, on exulte. A la 93ème minute, la France a gagné, on exulte. Pas de prolongations, cool, on va pouvoir aller voir La Caution.

Caution intello du hip-hop français, La Caution ressemble à TTC, mais en plus gentil, plus appliqué et plus sérieux. DJ Fab, sosie de Claude Makélélé, est impressionant aux platines avec son hip-hop à dominante électro. Un jeu musclé et offensif à la Patrick Vieira.

01 juillet 2006

Eurockéennes : Daft Punk, le big-Bangalter

Il est 2h30 du matin. Il n'y a plus un centimètre carré de libre dans les cent cinquante mètres autour de la Grande Scène. Normal : Daft Punk est annoncé.



C'est l'événement des Eurockéennes, notre France-Brésil à nous. Le retour des guerriers, la fierté de la France. J'en perds la mesure des choses. Face à Daft Punk, je fonds. Et je ne suis visiblement pas le seul : il doit y avoir au moins 30 000 personnes massés devant la Grande Scène.

On a tous en tête les images impressionantes du live des Daft à Coachella il y a deux mois. Et on ne sera pas déçu : Daft Punk a décidé de faire une mini-tournée (pas plus de 10 dates) mais a voulu assurer une maxi-scénographie. Aucun doute : ils en tireront un DVD qui sera le hit de Noël. Je n'ai simplement jamais vu ça : d'une superbe pyramide, émergent deux robots dont les masques scintillent au milieu de l'impressionant jeu de lumières. A côté, Chemical Brothers et ses lasers lumineux, c'est la Foire du Trône. Les Daft donnent dans le gigantisme, mais aussi dans l'esthétique. Ce n'est pas pour rien qu'ils font aussi du cinéma.

Niveau musical, le début est un peu décevant. Les Daft Punk s'acharnent à balancer les beats de leur troisième et dernier album, le plus mauvais. Dans le public, on tire un peu la moue quand les basses agressives de Technologic viennent nous saper les tympans. Mais rapidement, le duo français reprend le dessus et joue ce que tout le monde attend, les tubes monstrueux de Homework et Discovery.

On succombe quand on entend les premières notes de Da Funk, Around The World, Face To Face ou Aerodynamic. On croit mourir quand les Daft lâchent One More Time, la plus fabuleuse montée d'adrénaline des 10 dernières années. Thomas et Guy-Manuel, cachés derrière leurs masques, mixent leurs titres comme de vrais DJs (qu'ils sont). Le public est dans un véritable état de transe collective, c'en est fini des derniers restes de pelouse autour de la Grande Scène. C'est un peu comme si les festivaliers avaient intégré le nouvel hymne des supporters français, le pathétique "Qui ne saute pas n'est pas Français".

De toute façon, à côté d'un concert des Daft Punk, il n'y a guère que le 12 juillet 1998 qui fasse le poids.

Eurockéennes : minimum syndical pour les Strokes

Les Strokes sont les initiateurs de la vague des groupes en "The". C'est donc à cause d'eux qu'on se tape The Sunday Drivers en concert samedi : une bonne raison de leur en vouloir.



Revoir les Strokes, c'est un sacré plongeon dans mon adolescence. Refaire, comme en décembre 2001, le chemin qui m'avait mené de Nancy au Zénith de Paris pour le premier vrai concert de ma vie. Ben oui, revoir les Strokes, c'est comme aller sur Copains d'avant, revoir de vieux amis qui nous ont peu déçus mais qu'on aime toujours un peu.

Dès les premières notes de Juicebox, je me sens comme un vieux con qui regrette le bon vieux temps et qui regarde, sceptique, les djeun's pogoter sur le dernier album des Strokes : jamais mes héros new-yorkais n'auraient dû franchir le Rubicon et passer de Rock'n'Folk à Europe 2 !

Le concert est bon, sans plus. Les Strokes sont devenus un groupe de stades qui enchaînent titres récents et vieux tubes comme des moneymakers désintéressés. Peu d'émotion mais encore pas mal d'efficacité. Les vieux tubes d'Is This It sont toujours aussi formidables, même sacrifiés aux exigences d'un live sur une très grande scène. Seule chanson à sauver du dernier album, You only live once, me fait toujours autant sauter. Je prends vraiment du bon temps mais voilà, je suis devenu un vieil agri.

Eurockéennes : exotismes en tous genres

Les Eurocks savent être exotiques. J'ai raté l'afrobeat de Seun Kuti, je ne raterais pas les vibrations jamaïcaines de Damian Marley et les japanimeries de Polysics.



Damian Marley, le fils de Bob, a pris ses quartiers au Châpiteau des Eurockéennes. Je ne m'attarde pas, le show a l'air assez fameux. Du reggae classique, simplement. A côté du beau Damian, un mec agite le drapeau de la Jamaïque et c'est son seul rôle sur scène. Je le prends comme un hommage à Bez, le mythique danseur des Happy Mondays, et m'en vais tester les sandwichs à 2 euros proposés par Cora.

Le ventre abîmé par un mauvais sandwich au saucisson, je rejoins la scène de la Loggia pour une belle surprise, Polysics. Pour faire simple, c'est un groupe de rock japonais qui a repris l'attitude et le look de leur héros, les Américains de Devo (un peu le look qu'on retrouve dans la Vie Aquatique de Wes Anderson). Leur concert, d'une efficacité redoutable, ressemble un peu à ces vidéos japonaises qu'on trouve sur YouTube et où l'on voit des hommes d'affaires se mettant à hurler dans une rame de métro du Tokyo à 7 heures du mat'. Les Polysics possédent cette folie à la japonaise, le souffle punk d'une civilisation aliéné par l'hyper-urbanité.