26 mars 2007

Love them they're liberal


The Strange Death Of Liberal England - Mozart On 33 (MP3)
The Strange Death Of Liberal England - Motor In The Sky/On Oil The City (MP3)

Les groupes anglais actuels ne sont sans doute pas d'accord avec la musique de The Strange Death Of Liberal England (d'ores et déjà rebaptisés sur leur MySpace "TSDOLE", soit "TSChômage" - humour volontaire ?) et ne se battraient pas jusqu'à la mort pour qu'ils aient le droit de la faire. A part le nom, très long et assez oscarwildien, pas grand-chose chez ces types de Portsmouth ne rappelle la scène anglaise dominante, et ses idées courtes camouflées sous un son gonflé aux hormones. Sur son Myspace, le groupe s'attribue comme devise "We are Bandini", et en effet sa musique sent plutôt la poussière. Une superposition de sécheresse et de mélancolie, d'agressivité et de laconisme. Guitares rageuses et rêverie de boîte à musique...

Alors que le clip du premier single, A Day Another Day (qui rappelle un peu l'esprit Wolf Parade ou Animal Collective), n'est pas très arty, le groupe est connu en Angleterre pour un concept : ne communiquer sur scène qu'au moyen de pancartes (résultat, le Guardian, toujours inspiré, les a interviewés en échangeant questions et réponses sur de petits bouts de papiers). Ca prend du temps, mais le message passe, comme sur leurs morceaux, longs, tout en intensité rentrée, en frustration contenue, en noirceur toujours prête à tendre vers la joliesse, ou l'inverse. Avec un peu de temps, de travail et de de chance, leur rock à la météo incertaine, toujours entre orage et accalmie, pourrait devenir un bon équivalent anglais de Slint et des Liars.

(Pancarte dans la foule) OU PAS. CE N'EST QU'UN PREMIER SINGLE.

[P.S. : Aujourd'hui plus qu'hier vantait les mérites du groupe il y a déjà plus d'un an]

23 mars 2007

Détruisons le rêve arcadien

Leurs apparitions publiques suscitent une ferveur incroyable, leurs productions sont plébiscitées, ils sont la meilleure chose qui soit arrivée dans leur domaine depuis les années 60... Mais non, pas les centristes : Arcade Fire. D'ailleurs, ils ont eu l'honneur suprême de passer commande à la Blogothèque d'un Concert à emporter. Aujourd'hui, tout le monde les vénère, il faut donc leur trouver plein de défauts. Faites le compte : si vous faites dix sur dix à ce test, c'est que vous êtes pires que moi et que vous pouvez lancer un anti fan-club.



1. Ils ne savent pas produire leurs disques. En rock, le lyrisme n'exclut pas obligatoirement la finesse. Si Arcade Fire est un peu le Radiohead des 00s, ils est loin d'en avoir l'intelligence de production. Si Win Butler a quelque chose de David Byrne, il n'a pas encore trouvé son Eno. Résultat: Funeral était génialissime à la première écoute, seulement génial à la dixième. Et à la vingtième ?

2. Ils font du rock comme à l'église. La religion est l'opium du peuple, elle est aussi le Valium du rock. Devant les grandes orgues d'Intervention, que nous reste-t-il à faire ? Se signer, se prosterner, mettre quelques euros dans la corbeille ? Tout ça sent l'autodafé collectif façon David Koresh dans dix ans. Ou encore pire : l'utilisation d'Arcade Fire à l'entrée de tous les mariages des années 2010.

3. Ils ont trop de musiciens sur scène. Quand on ne sait pas trop comment défendre un argument, on fait appel à l'argument d'autorité. Allons-y : "You can't beat two guitars, bass, drums" (Lou Reed).

4. Ils sont canadiens. Les Canadiens sont les petits cousins des Français, on aime les groupes canadiens comme des petits cousins : gentiment. On a beau ironiser souvent (et lourdement) sur l'Amérique et les Américains, n'oublions pas qu'ils resteront longtemps au centre de nos imaginaires musicaux. Pendant ce temps-là, Arcade Fire tiendra un stand au salon de la Francophonie.

5. Ils font partie des "groupes qui prennent toute leur dimension sur scène". Ce qui nous fera une belle jambe dans trente ans quand un mauvais concert de reformation aura lieu au stade de France devant un panneau Sony. Heureusement qu'à ce moment-là, il nous restera les disques pour oublier cette pauvre soirée passée avec des bières coupées à l'eau à la main.

6. Il y a un couple qui se passe le micro. Pas de mixité ou de féminisme qui tienne dans le rock. Après tout, Lou Reed et John Cale ont bien couché avec Nico, ça ne les a pas empêché de tout faire pour la priver du micro. Le rock est fasciste, disait (je crois) Lester Bangs : vive les chanteurs-dictateurs, surtout quand ils chantent mieux que leur femme.

7. Leurs clips ne sont pas très intéressants. Flou pas très artistique (Rebellion (Lies)), conte dessiné un peu plat (Neighborhood #2 (Laïka))... bref, rien qui n'accroche vraiment la rétine, même chez nos amis érudits de la Superette.

8. Ils réaccomodent les restes sur leur nouvel album. OK, No Cars Go est sans doute une des meilleures chansons de Neon Bible. De Neon Bible ? De l'EP sorti en 2003, en fait. Aveu de faiblesse et de déclin. Et si on nous avait menti ? Et si toutes les chansons de l'album dataient de 2003 ? Vertige.

9. Ils sont bayrouisés jusqu'à la moëlle. Sans commentaires.

10. Ils sont le groupe symbole de la blogosphère. L'arbre qui cache la forêt. Derrière eux, de magnifiques suicide commerciaux (le Clap Your Hands Say Yeah), des disques suintant la classe de partout (le Shins), tout le monde le dit, mais personne ne le crie. Parfois, quand même, quelqu'un ose inverser l'échelle des valeurs, car c'est peut-être ça, la pire transgression (tranquille) de notre époque : mettre seulement 8,4 à un disque d'Arcade Fire.

22 mars 2007

Malajube, la branlitude canadienne


Malajube - Pâte Filo (MP3)
Malajube - La Monogamie (MP3)

A Paris, niveau fiasco, on a le PSG et les concerts à la Flèche d'or. Quatre groupes par soir, six soirs par semaine, ça fait 24 groupes par semaine, soit environ 20 à 22 bonnes raisons de squatter le bar. La soirée d'hier soir ne faisait pas exception à la règle : on arrive vers 23h et le groupe Bikini Machine et son inélégance naturelle nous pètent les oreilles. Mais à 23h45, miracle, les groupies sont parties et Malajube arrive sur scène. Bêtement, je hurle à mon compagnon de concert que c'est "mon groupe préféré du moment". En fait, je me trompe à peine.

Déjà, Malajube, c'est la coolitude (NDLR : un groupe est dit cool à partir du moment où l'on ne comprend pas ce qu'ils disent pendant les pauses entre les chansons). Ils sont québecois, fier de l'être, oublieux du triste héritage musical de la province (le trident Dion/Fabian/Garou) et parlent donc québecois. On ne comprend strictement rien à leurs blagues mais on perçoit le message derrière : "on est des branleurs, on repartirait bien avec une française ou deux, mais on est des romantiques quand même". C'est d'ailleurs une assez bonne définition de leur musique : du rock branleur, mais romantisé par un clavier omniprésent et un chanteur à la limite du breakheart. Malajube, c'est un peu comme si interpretations diverses et fluo kids tentaient une joint venture pour séduire les métalleux qui skatent en bas de l'immeuble.

Et puis comment parler de Malajube sans évoquer le français ? Oui, du rock en français. Oui, du rock élégant en français qui passe comme un e-mail sur Outlook (NDLR : comme une lettre à la poste, pour nos amis qui n'ont pas le haut-débit). Au début, on se dit, ils sont juste géniaux. Certes. Mais ils jouissent également d'un gros avantage : le québecois est une langue élastique comme l'anglais, une langue qui fait vibrer la basse avant même qu'elle soit branchée, une langue qui donne envie de molester Garou avant même qu'il ait chanté. La langue idéale, quoi.

L'excellent album Trompe l'oeil, dont sont extraits ces deux MP3, est disponible.

14 mars 2007

Clip Commander Cohen


Je prête mes disques mais, généralement, on me les rend. Il m'arrive de déménager mes disques mais, généralement, je n'égare pas un carton en route. Les seuls disques que j'ai perdus, ce sont ceux de Leonard Cohen. Six d'un coup, dans un train reliant les bonnes villes de Lille et Rennes, dans un vieux range-CD à l'ancienne.

Depuis, mes boîtiers CD de Cohen prennent la poussière, et je dois aller grappiller ma dose à gauche à droite. Bien sûr, je pourrais retélécharger l'intégrale du Canadien errant, mais ça prend du Go que je peux consacrer à des choses plus neuves. Restent donc Radioblogclub et Youtube. Youtube sur laquelle la première vidéo consacrée à Cohen est une petite merveille. Tout y est vieux : l'effet "page qui se tourne" pour introduire le clip, les zooms arrière viscontiens, le pauvre décor de carton-pâte, les ados qui débarquent comme dans un clip contre la faim dans le monde. Et Cohen qui chante, moitié de dos, et qui parvient à garder un semblant de classe dans un univers qui en manque totalement. De quoi donner limite envie de racheter ces futures rééditions.

11 mars 2007

Le Party des fusilleuses


You Say Party! We Say Die! - Teenage Hit Wonder (MP3)

Le communisme, c'est les soviets plus l'électricité, disait John Lénine. S'il vivait encore aujourd'hui, le brave homme aurait sûrement aimé le nom du premier morceau de Lose All Time, le nouveau You Say Party! We Say Die! : Five Years Plan. Et il m'aurait sans doute aidé à trouver une formule fulgurante de ce genre pour résumer le son du disque. "Le punk, plus les girl groups" ? "Le bubblegum, plus les épingles à nourrice" ? "Les tailleurs blancs, plus les camps de redressement" ?

Tant pis : de toute façon, Lose All Time se défend très bien tout seul. Attaque bille en tête, plein de bravitude, récite des vieux tracts de l'époque thatchérienne (B-52s, Raincoats), et ne lâche qu'après douze titres, le coeur battant, en ayant bien pris soin de disposer deux morceaux un peu plus calmes en fin de piste pour apaiser la tachycardie (Quiet World et surtout le bien-nommé Dancefloor Destroyer). Dix danses pour deux pauses sur un vieux sofa : une moyenne de soirée plus qu'acceptable, idéale pour faire la fête heureux en attendant la mort.

07 mars 2007

Y a de l'Electrelane dans l'air

Pour un blog, perdre sa bannière, c'est comme finir à poil dans une soirée, c'est honteux mais un peu stylé. Quoiqu'il en soit, Interprétations Diverses est à la recherche de sa bannière bêtement perdue sur Flickr ; si vous l'avez aperçu quelque part, n'hésitez pas à nous contacter ; allez, pour oublier, Electrelane.


(photo de Vincent Ferrane)

Electrelane - Tram 21 (MP3)
Electrelane - Cut and run (MP3)

Elles nous avaient fait le coup de l'album expérimental. On avait fait semblant d'être enthousiastes : "belle prise de risque", "leur meilleur album", "c'est vachement bien de jouer un titre à la Yann Tiersen mais avec du talent"...etc. Sauf qu'en secret, tout le monde gardait sous son oreiller l'album précédent, l'extatique The Power Out en se disant que quand même, un peu, c'était mieux avant.

Ce qui est bien avec No Shouts, No Calls (prochain opus prévu pour le 25 avril) c'est que même si on a revendu The Power Out ou que nos MP3 ont crashé avec notre vieux Mac, on retrouve le souffle des débuts, des vraies chansons, des mélodies, des envies de lever la tête au ciel après chaque couplet.

Exemple de ce retour aux sources, Tram 21. L'agence de com' qui a réussi à vendre un tramway à la ville de Nancy devrait vite entamer une collaboration avec Electrelane : ils partagent ce même talent pour vendre l'invendable, pour rendre poétique un voyage entre Gare Mazagran et Place du marché, pour faire monter très haut le terre-à-terre. Pour sa peine, Tram 21 est élue chanson à écouter dans le métro de l'année.

Cut and run est d'un autre genre. Une pop song de rien du tout, sauf qu'avec Electrelane, rien du tout, ça veut déjà dire beaucoup.

03 mars 2007

Wilcome back, Jeff Tweedy !


Wilco - Either Way (MP3)
Wilco - You Are My Face (MP3)

Sky Blue Sky
, le nouveau Wilco, attendra la mi-mai pour émerger sous nos latitudes, mais commence déjà à rayonner sur le Net. Ses deux premiers morceaux, Either Way et You Are My Face, montrent un groupe en voie de cristallisation, de passage définitif de la rubrique indie aux pages adult-rock.

Ne jamais oublier que la plus belle chanson de Wilco s'appelle Jesus, etc. Pendant longtemps, Wilco a copié les saintes écritures façon Gram Parsons (Being There), Alex Chilton (Summerteeth) ou Neil Young (tout le temps). Puis a inventé son propre évangile, post americana, sur Yankee Hotel Foxtrot et A Ghost Is Born. Aujourd'hui, le groupe semble plus s'intéresser au etc., ces infimes différences qui séparent chaque chanson, qui distinguent le modèle de l'artiste, le moine copiste du groupe avec sa personnalité.

A première vue, Sky Blue Sky risque de ressembler plus que jamais à un tribute to the young Neil (mélancolie pianistique, goudronnages de guitares, cordes discrètes et classieuses), mais avec l'émotion dans la voix de Tweedy et la production impeccable et inventive qui annoncent autre chose : un grand disque de Wilco, sans surprises mais sans reproches.