13 décembre 2006

Luke Haines a l'étoffe des champions


De gauche à droite : Nobby Stiles, George Best & Bobby Charlton.

Luke Haines - All The English Devils (MP3)

Luke Haines, c'est un peu l'instit' de la pop anglaise : on l'imagine bien, une blouse grise sur les épaules, en train de taper à coups de règle sur les mains des musiciens moins méritants (Damon Albarn ou les frères Gallagher, par exemple). C'est aussi le snob de la pop anglaise, féru de références aussi pointues que la Nouvelle Vague (le premier album de The Auteurs, New wave).

Et, pourtant, maintenant, Luke Haines écrit des chansons sur le foot. Sur Off My Rocker At The Art School Bop, premier album sous son nom seul, propulsé par un single discoïde et un clip ironique, il rend ainsi hommage à Leeds United, le club de son enfance. Cela fait bizarre, un peu comme d'imaginer son prof de maths dans le Kop Boulogne. Mais ce Leeds United est pourtant du pur Haines, assez classieux et accessible dans la forme (entre crooning et hymne pour le kop d'Ellan Road), acide et pervers dans le fond ("Leeds United/Leeds United/It's a 13-0 defeat on the front page of the Post").

Comme s'il voulait qu'on puisse passer son disque dans les pubs le samedi après-midi, Haines a même semé d'autres références au ballon rond. Here's To Old England cite ainsi George Best et s'ouvre sur un "God bless football, hooligans & 1966" qui rappelle le Village Green Preservation Society des Kinks. Le magnifique All The English Devils (la plus belle chanson de l'album) mentionne lui Nobby Stiles, le rugueux défenseur des champions du monde 1966. Et conclut surtout un couplet par "Your boys took one hell of a beating", formule culte Outre-Manche (un peu comme le "Tout à fait Thierry" français, mais en cent fois plus classe) depuis le délire nationaliste hilarant d'un commentateur norvégien (écoutable ici et visible au début de cette vidéo).

Bref, beaucoup de références footballistiques, aucune postérieure à 1981. Beaucoup de nostalgie, pas mal de perversité. Luke Haines est comme Ray Davies, dont il atteint plusieurs fois le niveau d'excellence ici : il aime à dire que c'était mieux avant, mais est trop fin pour ne pas savoir qu'il n'en était rien.