19 avril 2005

Quand Lester Bangs causait MP3 blogs...



Sortez vos dictionnaires d'argot américain : une nouvelle anthologie des oeuvres du critique Lester Bangs, sobrement intitulée Fêtes sanglantes et mauvais goût, vient de sortir (voir la chronique de Libération). Cette publication m'a donné envie de me plonger enfin (en VO !) dans le premier volume de cette compilation d'articles, Psychotic reactions and carburetor dungs.

Dans l'excellente préface rédigée par Greil Marcus, on trouve deux passages qui, vingt ans plus tard, semblent définir l'intérêt et la difficulté qu'il y a à parler musique aujourd'hui, dans un journal ou sur un MP3 blog :

Lester Bangs : "Mon rêve d'enfant le plus mémorable était de vivre dans une maison construite sur des catacombes qui contenaient, rangés par ordre alphabétique dans des couloirs sans fin, tous les disques jamais sortis"*. Un rêve qui, avec le peer-to-peer, paraît aujourd'hui devenir réalité. Pour le meilleur - la sensation grisante de pouvoir trouver des disques rares et épuisés, des bootlegs et des curiosités en pagaille - et le pire - accumuler une quantité invraisemblable d'heures de musique et, au final, ne même plus savoir choisir quoi écouter.

Greil Marcus, à propos de Bangs : "En face d'un artiste dont il aimait et respectait le travail, Lester écrivait souvent dans un style pauvre, passif : il se contentait de citer les paroles plutôt que dire ce qu'il pensait, en remplaçant les idées par des adjectifs"*. Problème qui concerne aujourd'hui toute les critiques rocks et les bloggers, face au défi du format court : comment défendre correctement un disque qu'on aime en quelques centaines de signes ? Comment éviter d'aligner les platitudes, d'accumuler les adjectifs, d'empiler les références ("un mélange de X et de Y joué par Z") ?

Ce que nous rappelle la lecture des papiers de Bangs du temps de Creem, c'est que la rock-critic peut sortir du champ de la chronique convenue. Parler musique, c'est aussi délirer et digresser et, pour cela, il faut parfois de la place. Dans la presse musicale française, celle-ci se fait rare. Heureusement, Rock'n'folk (les inégales "Vies en rock" de Patrick Eudeline et les très bonnes bios de Nick Kent) et Télérama, via les papiers du meilleur critique rock français, François Gorin (lire celui-ci sur Scott Walker), misent encore sur le long format.

* Traduction libre !