04 octobre 2005

Elliott Murphy, like a Great Gatsby


Elliott Murphy - Graveyard scrapbook (MP3)
Elliott Murphy - History (MP3)
Elliott Murphy - Diamonds by the yards (MP3)

"Dans Ballad of a thin man, en 65, une sorte d'élégie rythmée par un piano lugubre, Dylan parle d'un "Mr Jones" - un nom d'homme de la rue - qui a lu "tous les livres de F. Scott Fitzgerald". Or voilà comment se présente Elliott Murphy à des yeux qui ne peuvent plus être innocents : c'est un Brian Jones qui aurait lu Fitzgerald. C'est une imagerie , un temps déjà vécu , qui inspirent ces chansons où on relève des noms, voire même des phrases, un style".

Les lignes ci-dessus ne sont pas de moi. D'abord, parce que l'homme qui les écrit a découvert Elliott Murphy en vinyle - et raconte avec un plaisir presque physique le parcours du saphir dévoilant successivement une, deux, trois chansons, le long du cylindre noir. Ensuite, parce que ce portrait fulgurant est de François Gorin, dans Sur le rock (1990). Utiliser les mots d'un autre pour aborder Elliott Murphy, c'est très approprié. Car le New-Yorkais ne s'est s'en doute jamais remis de ne pas avoir écrit Ballad of a thin man ou Heroin, et a donc préféré, plutôt que se faire un nom, rendre hommage à celui des autres. C'est pourquoi ses disques (notamment les superbes Aquashow, Lost Generation ou Night Lights, publiés de 1972 à 1976) constituent un bon Who's who des sixties, où l'on peut retrouver Brian Jones ou Marylin Monroe.

Sa musique, poignante, légèrement décadente, a parfois un air de famille avec le Berlin de Lou Reed. La folie en moins, les regrets en plus. Un parfum de lendemain de fêtes et d'occasions manquées en imprègne les moindres notes. La gloire est passée, et Elliott Murphy n'a plus qu'à tendre à l'auditeur, à sa génération (une génération perdue, donc), le miroir des eaux de l'Hudson. Histoire qu'elle se mire une dernière fois dans la nuit new-yorkaise, à la fois somptueusement attifée et complètement défaite, coincée entre un futur sans grande promesse d'avenir et un passé glorieux mais destructeur. Elliott Murphy, qui chantait Like a Great Gatsby, avait dû méditer avec mélancolie les dernières lignes du roman du Fitzgerald : « Gatsby croyait en la lumière verte, en l'extatique avenir qui d'année en année recule devant nous. Il nous a échappé ! Qu'importe ! Demain nous courrons plus vite, nos bras s'étendront plus loin... Et un beau matin... C’est ainsi que nous avançons, barques luttant contre un courant qui nous rejette sans cesse vers le passé. » Toujours nostalgiques, jamais franchement rétro, les albums d'Elliott Murphy sont anciens, mais n'ont pas pris une ride supplémentaire en trente ans.