23 mars 2007

Détruisons le rêve arcadien

Leurs apparitions publiques suscitent une ferveur incroyable, leurs productions sont plébiscitées, ils sont la meilleure chose qui soit arrivée dans leur domaine depuis les années 60... Mais non, pas les centristes : Arcade Fire. D'ailleurs, ils ont eu l'honneur suprême de passer commande à la Blogothèque d'un Concert à emporter. Aujourd'hui, tout le monde les vénère, il faut donc leur trouver plein de défauts. Faites le compte : si vous faites dix sur dix à ce test, c'est que vous êtes pires que moi et que vous pouvez lancer un anti fan-club.



1. Ils ne savent pas produire leurs disques. En rock, le lyrisme n'exclut pas obligatoirement la finesse. Si Arcade Fire est un peu le Radiohead des 00s, ils est loin d'en avoir l'intelligence de production. Si Win Butler a quelque chose de David Byrne, il n'a pas encore trouvé son Eno. Résultat: Funeral était génialissime à la première écoute, seulement génial à la dixième. Et à la vingtième ?

2. Ils font du rock comme à l'église. La religion est l'opium du peuple, elle est aussi le Valium du rock. Devant les grandes orgues d'Intervention, que nous reste-t-il à faire ? Se signer, se prosterner, mettre quelques euros dans la corbeille ? Tout ça sent l'autodafé collectif façon David Koresh dans dix ans. Ou encore pire : l'utilisation d'Arcade Fire à l'entrée de tous les mariages des années 2010.

3. Ils ont trop de musiciens sur scène. Quand on ne sait pas trop comment défendre un argument, on fait appel à l'argument d'autorité. Allons-y : "You can't beat two guitars, bass, drums" (Lou Reed).

4. Ils sont canadiens. Les Canadiens sont les petits cousins des Français, on aime les groupes canadiens comme des petits cousins : gentiment. On a beau ironiser souvent (et lourdement) sur l'Amérique et les Américains, n'oublions pas qu'ils resteront longtemps au centre de nos imaginaires musicaux. Pendant ce temps-là, Arcade Fire tiendra un stand au salon de la Francophonie.

5. Ils font partie des "groupes qui prennent toute leur dimension sur scène". Ce qui nous fera une belle jambe dans trente ans quand un mauvais concert de reformation aura lieu au stade de France devant un panneau Sony. Heureusement qu'à ce moment-là, il nous restera les disques pour oublier cette pauvre soirée passée avec des bières coupées à l'eau à la main.

6. Il y a un couple qui se passe le micro. Pas de mixité ou de féminisme qui tienne dans le rock. Après tout, Lou Reed et John Cale ont bien couché avec Nico, ça ne les a pas empêché de tout faire pour la priver du micro. Le rock est fasciste, disait (je crois) Lester Bangs : vive les chanteurs-dictateurs, surtout quand ils chantent mieux que leur femme.

7. Leurs clips ne sont pas très intéressants. Flou pas très artistique (Rebellion (Lies)), conte dessiné un peu plat (Neighborhood #2 (Laïka))... bref, rien qui n'accroche vraiment la rétine, même chez nos amis érudits de la Superette.

8. Ils réaccomodent les restes sur leur nouvel album. OK, No Cars Go est sans doute une des meilleures chansons de Neon Bible. De Neon Bible ? De l'EP sorti en 2003, en fait. Aveu de faiblesse et de déclin. Et si on nous avait menti ? Et si toutes les chansons de l'album dataient de 2003 ? Vertige.

9. Ils sont bayrouisés jusqu'à la moëlle. Sans commentaires.

10. Ils sont le groupe symbole de la blogosphère. L'arbre qui cache la forêt. Derrière eux, de magnifiques suicide commerciaux (le Clap Your Hands Say Yeah), des disques suintant la classe de partout (le Shins), tout le monde le dit, mais personne ne le crie. Parfois, quand même, quelqu'un ose inverser l'échelle des valeurs, car c'est peut-être ça, la pire transgression (tranquille) de notre époque : mettre seulement 8,4 à un disque d'Arcade Fire.