11 avril 2006

Chaos, confusion, savon


Le vrai Howard Devoto dans le film 24 hour party people (2002)

Magazine - Shot By Both Sides (MP3)
Magazine - Permafrost (MP3)
Magazine - Because You're Frightened (MP3)

Pour feuilleter en trois étapes la carrière de Magazine, je ne vois rien de mieux que le slogan du film Fight Club. La musique du groupe mancunien était un combat, mais, en bon mélange de punk, de new wave et de glam, on ne savait pas très bien contre qui : tout le monde ? Soi-même ? Personne ? La beauté ? La laideur ? Peter Gabriel ?

Chaos (Real life, 1978). L'un avait un nom de poète anglais (Shelley, Pete). L'autre un patronyme étrange qui faisait penser à "dévot" (Devoto, Howard). Ensemble, ils fondèrent les Buzzcocks et composèrent, le temps d'une courte carrière avec le line up originel, Shot by both sides. Le titre, urgent, immédiat, aurait pu devenir un hit des Buzzcocks. Mais entre-temps, Howard avait quitté le groupe pour former Magazine avec un guitariste virtuose, John McGeoch, qu'on reverra notamment avec Siouxsie. Un musicien anglais (impossible de me souvenir qui) a dit de Magazine "Je les adorais. Leur guitariste était incroyable, même si on entendait que les synthés...". Rendons quand même grâce à ces claviers omniprésents : ils ajoutent la petite touche aigre qui fait de Shot by both sides la grande chanson acide du punk-rock.

Confusion (Secondhand daylight, 1979). La grande glaciation. Est à Real life ce que Closer est à Unknown pleasures ou Seventeen seconds à Three imaginary boys. Le tempo se ralentit, les lueurs se font rare dans le brouillard. Une lumière du jour d'occasion ? L'album se déroule effectivement comme au travers d'une vitre sale ou d'une lumière grisâtre d'aquarium. Sordide comme les paroles psalmodiées de Permafrost : "I will drug you and fuck you/On the permafrost". Promoteurs de l'amour courtois, passez votre chemin : le punk et la new wave ne sont pas pour vous. Un titre lent et martial comme une exécution capitale.

Savon (The correct use of soap, 1980). Il est arrivé un moment dans l'histoire du rock où on s'est mis à vendre des disques comme des savonnettes, et Devoto le savait bien. Il qualifia donc The correct use of soap d'"album commercial". Logique : sur ce disque, la fusion Buzzcocks (commercialisation de l'énergie juvénile punk)/Cure (commercialisation du mal de vivre existentiel)/Roxy Music (commercialisation du glamour arty, ce qu'on appelle chez la brigade des moeurs les putes de luxe) est à son paroxysme. The correct use... est un disque commercial déprimant et culpabilisant - un peu comme l'achat d'un objet dont on aucun besoin. Se frictionner de The correct use of soap ne fait pas se sentir plus propre, au contraire. Magazine cochon ?