Deux Français et les confidents
Daniel Darc – Je Me Souviens, Je Me Rappelle (MP3)
Jean-François Coen – Ulysse Et Pénélope (MP3)
Parmi les nombreux reproches adressés aux rédacteurs d’Interprétations diverses (jeunistes, futurs suppôts du grand capital médiatique, utilisateurs invétérés de mots qui feraient tache Quai Conti comme « hype » ou « buzz »), il y en a un qui est plus justifié que les autres : nous ne parlons pas assez des artistes français. Nous sommes l’anti-France réincarné en blog MP3.
Nos étagères ne débordent de pas de disques tricolores. Il faut attendre un post sur Scott Walker pour voir surgir le nom de Brel, et il faudra sans doute guetter un futur texte sur le Gun Club pour que celui de Noir Désir (bon groupe pourtant, mais a-t-on vraiment envie de vous en parler ?) apparaisse. Bien sûr, on adore Gainsbourg, mais lui ne compte pas, c’est le Bowie français. Et tout le monde sait que Bowie n’a pas vraiment de nationalité - anglais un jour, américain le lendemain, allemand ou japonais s’il le faut.
Le rock, lui, a une nationalité (double et transatlantique), une langue, et ce n’est pas le français. Comme disait (je crois) John Lennon, « le rock français, c’est comme le vin anglais ». Aujourd’hui, il expliquerait sûrement que la « nouvelle chanson française » est de la piquette infâme, et il aurait raison. Heureusement, certains rockeurs français vieillissent bien. Des survivants. De grands crus, qui ont payé dans leur chair la difficulté de « faire du rock » en France, et qui montrent discrètement leurs cicatrices, inscrites dans leurs chansons (du sang sur les pistes, comme disait l’ami Dylan).
Jean-François Coen et Daniel Darc ont un itinéraire proche. Enfants du punk, chefs de groupes aux noms jumeaux (Modern Guy/Taxi Girl), puis portés disparus dans les années 80 et 90, annoncés comme mort artistiquement. La faute à la drogue pour Darc, à un énorme clash avec sa maison de disques pour Coen (une erreur de distribution de son premier album, pourtant orné d’un single sublime, La Tour de Pise, dont on avait parlé ici).
En 2004, les deux ont fait leur retour en solo, avec Crève-cœur et Vive l’amour. Et leurs chansons racontent leurs absences. Daniel Darc fait sonner une fanfare à la Amélie Poulain et nous rappelle sa conversion au catholicisme (« Une croix trop lourde pour moi/Un bois qui pèse et m’écartèle/Pourtant comme j’aimais cette croix»). Le temps d’un duo, Jean-François Coen se glisse lui dans la peau d’un Ulysse façon Gainsbourg (« Pénélope, tu es la dernière des salopes»).
La nouvelle chanson française enrobe la banalité de son quotidien dans un vernis culturel BCBG ; Coen et Darc, eux, revoient leur douloureuse histoire personnelle en l’élevant direct à la hauteur du mythe, la Bible ou Homère. Troublante gémellité entre deux artistes passionnants, aux disques parfois inconfortables mais indispensables. Crève l’amour ? Vive le cœur, plutôt.
Nos étagères ne débordent de pas de disques tricolores. Il faut attendre un post sur Scott Walker pour voir surgir le nom de Brel, et il faudra sans doute guetter un futur texte sur le Gun Club pour que celui de Noir Désir (bon groupe pourtant, mais a-t-on vraiment envie de vous en parler ?) apparaisse. Bien sûr, on adore Gainsbourg, mais lui ne compte pas, c’est le Bowie français. Et tout le monde sait que Bowie n’a pas vraiment de nationalité - anglais un jour, américain le lendemain, allemand ou japonais s’il le faut.
Le rock, lui, a une nationalité (double et transatlantique), une langue, et ce n’est pas le français. Comme disait (je crois) John Lennon, « le rock français, c’est comme le vin anglais ». Aujourd’hui, il expliquerait sûrement que la « nouvelle chanson française » est de la piquette infâme, et il aurait raison. Heureusement, certains rockeurs français vieillissent bien. Des survivants. De grands crus, qui ont payé dans leur chair la difficulté de « faire du rock » en France, et qui montrent discrètement leurs cicatrices, inscrites dans leurs chansons (du sang sur les pistes, comme disait l’ami Dylan).
Jean-François Coen et Daniel Darc ont un itinéraire proche. Enfants du punk, chefs de groupes aux noms jumeaux (Modern Guy/Taxi Girl), puis portés disparus dans les années 80 et 90, annoncés comme mort artistiquement. La faute à la drogue pour Darc, à un énorme clash avec sa maison de disques pour Coen (une erreur de distribution de son premier album, pourtant orné d’un single sublime, La Tour de Pise, dont on avait parlé ici).
En 2004, les deux ont fait leur retour en solo, avec Crève-cœur et Vive l’amour. Et leurs chansons racontent leurs absences. Daniel Darc fait sonner une fanfare à la Amélie Poulain et nous rappelle sa conversion au catholicisme (« Une croix trop lourde pour moi/Un bois qui pèse et m’écartèle/Pourtant comme j’aimais cette croix»). Le temps d’un duo, Jean-François Coen se glisse lui dans la peau d’un Ulysse façon Gainsbourg (« Pénélope, tu es la dernière des salopes»).
La nouvelle chanson française enrobe la banalité de son quotidien dans un vernis culturel BCBG ; Coen et Darc, eux, revoient leur douloureuse histoire personnelle en l’élevant direct à la hauteur du mythe, la Bible ou Homère. Troublante gémellité entre deux artistes passionnants, aux disques parfois inconfortables mais indispensables. Crève l’amour ? Vive le cœur, plutôt.
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