28 mai 2006

MySpace Odyssey : et la Palme d'or est...

Avec son titre kubrickien, cette rubrique consacrée aux rencontres numériques de hasard devait tôt ou tard s'intéresser au cinéma. En ce jour de palmarès cannois, petit voyage chez les groupes cinéphiles...


Kim Novak dans Vertigo ("Sueurs froides") de Alfred Hitchcock (1958)

Hitchcock's Regret - Happiness (MP3)
Kim Novak - In The Mirror New (MP3)
Bergman Rock - Even Endlessness Begins (With An End) (MP3)
Cassavetes - An Ancient Mistake (MP3)

MySpace, supermarché numérique où les noms de films ou de réalisateurs, devenus marques, trouvent une deuxième jeunesse. On peut ainsi s'y délecter d'une new-wave italienne signée Murnau ou tenter de recenser les nombreux groupes de hip-hop baptisés Scarface...

Derrière ces emprunts, parfois beaucoup de cinéphilie. Ainsi, Mark Moldre, guitariste et chanteur du groupe australien Hitchcock's Regret, est aussi intarissable qu'érudit sur le pourquoi d'un tel nom : "Il vient du titre d'une interview d'Hitchcock où on lui demandait quel était le plus grand regret de sa carrière. Il a répondu qu'il avait toujours voulu adapter un livre appelé Mary Rose, mais que le studio, pensant que cela ne donnerait pas un bon film, lui avait fait signer, dès le début de sa carrière américaine, un contrat stipulant qu'il ne le réaliserait jamais..."

Aujourd'hui, Mark dit beaucoup apprécier Jean-Pierre Jeunet, ce qui est apparemment le cas de beaucoup de musiciens américains francophiles. Comme il aime aussi beaucoup Truffaut et les DVD de Wilco, et que le single Happiness, pop bricolée à la Eels extraite de l'album Endless Intermission, est plutôt accrocheur, on passera l'éponge...

Au sein de l'imposante carrière de Hitchcock, Mark vénère particulièrement Vertigo, dont l'héroïne est incarnée par Kim Novak... le nom d'un des groupes de cette sélection. Beaucoup de groupes disent s'inspirer de films (une phrase, une scène qui remontent soudainement à l'esprit) pour écrire ; je ne sais pas si c'est le cas de ces Français. Ce que je sais, c'est que leur rock classieux me rappelle mes chouchous de The National et que l'écoute de In the mirror new pourrait avoir pour clip un film de la Factory '67 avec Lou Reed et Nico ("I'll be your mirror"/"You'll be my terror").

Bien sûr, tout cela fait beaucoup de références, mais heureusement certains les envoient joyeusement balader. Prenez les Suédois de Bergman Rock (émanation de Bob Hund, dont notre collègue Absolut Noise a parlé ici), par exemple. Référence au grand maître austère ou à l'émouvante actrice ? En tout cas, les quatre ébouriffantes minutes de Even endlessness begins sont captivantes.

Les Américains de Cassavetes jouent aussi de leur nom avec fraîcheur : "Pour être honnête, nous avons choisi ce nom parce qu'il sonnait bien, pas vraiment en hommage au cinéaste, explique le guitariste et chanteur Robert Horlick. Nous n'avions vu aucun de ses films à l'époque !" (depuis, ils se sont rattrapés et adorent Meurtre d'un bookmaker chinois). Leur musique noire et cabossée (disponible sur l'album Funny things, en écoute intégrale ici) pourrait faire une bonne bande-son pour un inédit de Cassavetes. Qui, lui, préférait le jazz, mais c'est une autre histoire...