24 août 2006

Broken Social Scene, chaos debout

Le festival Rock en Seine accueille samedi Broken Social Scene, un des chouchous d'Interprétations diverses. Petite bande-annonce, élaborée après un concert grandiose au Grand Mix de Tourcoing, le 21 février dernier, et jamais publiée. Ce que, dans le jargon rock, on appelle une chute de studio...


Broken Social Scene en concert à Dublin (février 2005).

Broken Social Scene - KC Accidental (MP3)

"N'est-il pas génial que Broken Social Scene commence enfin à donner des concerts avec plus de gens dans la salle que sur scène ?". La blague est de Pitchfork, et elle traduit bien le changement de statut de Broken Social Scene, devenu un des "grands espoirs" indie susceptible de remplir des salles, peut-être en partie grâce à la vogue du rock canadien, de Arcade Fire à Wolf Parade. Une ascension qui n'empêche pas le groupe de rester modeste, cool, décontracté. Le genre étudiants attardés, barbes et cheveux longs, tournant autant à l'eau qu'à la bière. Et quand Kevin Drew, le chanteur, réclame une cigarette, c'est sur scène "pour fumer en faisant semblant d'être en boîte de nuit".

La scène, justement. La musique y est aussi tendue que le groupe est cool. Elle fonctionne par déflagrations bruitistes formant un geyser sonore, peut-être celui dont parlent les paroles du morceau Ibi Dreams Of Pavement, single extrait du dernier album. Une chanson aux paroles pessimistes ("I was shot in the back/And you weren't there") plutôt démenties par l'harmonie régnant au sein du groupe.

Groupe, ou plutôt collectif à géométrie variable (jusqu'à vingt membres) relié à de nombreux side projects - les plus connus étant Metric et Feist. A Tourcoing, ce soir-là, c'est le guitariste Andrew Whiteman qui ouvre le bal sous le nom d'Apostle Of Hustle, dédiant la dernière chanson de son set « à ceux qui n’aiment pas le rock indépendant » avant de rejoindre ses camarades sur scène. Pas de disposition hiéarchique classique en vue : au lieu de rester au milieu de la scène, Kevin Drew se tient sur la droite, et tous les regards convergent au centre sur un micro vide ou un des instruments auxiliaires, le violon, par exemple, venu cueillir son quart d'heure de gloire. Un vrai jeu des chaises musicales, où de nouveaux instruments (des maracas, une trompette, un saxophone, une deuxième batterie) apparaissent régulièrement dans le maelström sonore.

Parfois, les neuf musiciens font simplement la claque avec leurs mains, ou demandent au public de scander le traditionnel « un, deux, trois, quatre ! ». Ou se concentrent sur leur musique, restant penchés sur leur instrument comme un ensemble qui élaborerait une symphonie, la violoniste Julie Penner brandissant son archet en l’air à l'instar d'un chef orchestre philharmonique. Au bout de deux heures de concert, Kevin Drew profite d’un break dans la dernière chanson pour descendre dans la foule et donner l’accolade à quelques spectateurs dans les premiers rangs, comme pour les bénir. Ite missa est. Concert sans rappel et sans appel.

(En bonus, KC Accidental, extrait de l'album Feel Good Lost, et un passage du groupe chez David Letterman).