02 août 2006

Mémoires sauvés du Van



Van Morrison - Give Me A Kiss (MP3)
Van Morrison - (Straight To Your Heart) Like A Cannonball (MP3)
Van Morrison - Gypsy (MP3)

"We move along/Keep singing our song/Straight to your heart/Like a cannonball". Des chansons de Van Morrison qui se fichent comme une flèche en plein cœur dès la première écoute, ça existe, ça ? Pour qui est entré, comme moi, en Morrisonerie avec Astral weeks (1968), la révélation est surprenante. Astral weeks fait partie de ces chefs-d’œuvre toujours chéris des classements, mais parfois terriblement frustrants. Un peu comme Blonde on blonde (double, flou, brouillé) ou même Five leaves left (pur, trop pur). Comme Nick Drake ou Dylan, Van Morrison ne réussira d'ailleurs qu'après son grand oeuvre à faire des albums mineurs. Or, si la chanson est un genre mineur (c'est ce que pensait Gainsbourg), que constituent des albums mineurs dans un genre mineur ? Peut-être, paradoxalement, des oeuvres majeures, qui ont ce que les chefs-d'oeuvres n'ont pas, de la vulgarité, de la décontraction...

Cette opposition majeur/mineur traverse toute l’œuvre de Van Morrison dans la première moitié des années soixante-dix. On y trouve deux disques « astralweekiens », Moondance (1970) et Veedon Fleece (1974), où sa voix fait des prodiges. Et, entre les deux, trois disques buissonniers, dont les pochettes annoncent la couleur – plutôt vive. Regardez Tupelo honey (1971) et son sous-bois idéal pour prendre le frais. Ou Saint Dominic's Preview : le Van assis sur des marches, devant une porte bleue (celle d’une église ?), baladin semblant prêt à tous nous accorder sa bénédiction. Bien sûr, l’Irlandais est trop retors pour que le petit truc des pochettes marche à chaque coup : la pochette hautement symbolique de His band & the street choir annonce un album très introspectif (faux) et celle de Veedon Fleece, à mi-chemin de Harrison (la couverture de All things must pass) et de McCartney (les chiens), semble presque nous promettre un disque à la Beatles (encore plus faux).

Il reste alors les chansons. Et plus précisément leur structure. Sur Astral weeks, il fallait absolument se laisser porter par le courant, dériver le long des guitares, couler sur la voix du barde le long de ses complaintes déstructurées. Sur les trois grands disques mineurs des 70s, c’est l’inverse : des chansons de trois minutes se laissent porter par les structures traditionnelles, se laissent gagner par le bon vieux couplet/refrain/couplet. Un choc, que Van Morrison ne se prive pas de souligner. On l'entend fredonner « tututututut » pendant quinze secondes, soutenu par des trompettes et des choeurs presque Beach Boys (Give me a kiss). Puis «toulouloulouloulou» ((Straight to your heart) Like a cannonball) et même «lalalalalalalaï» (Gypsy). Paradoxalement, après avoir emmené la voix aux confins du langage articulé, Van Morrison la fait régresser bien au-delà ; après des disques bien au-delà du rock, revient à cette musique primale, brute. De celle qu’on écoute sans avoir besoin d’y accorder toute son attention, par exemple en conduisant sous un pâle soleil sur la route entre Cill Mhaighneann et Carraig Uí Leighin.