07 août 2006

It's Love that finally counts (in the long run)


Love – Wonder People (I Do Wonder) (MP3)
The Pale Fountains – Palm Of My Hand [Live BBC, 22 avril 1983] (MP3)
The Boo Radleys – Alone Again Or (MP3)

Il y a quarante ans, Arthur Lee chantait She comes in colors. Jeudi, son arc-en-ciel s’est définitivement arrêté sur le noir. Une couleur qui va finir, après la mort de Syd Barrett le mois dernier, par encadrer d’un liseré funèbre l’année 2006 dans les anthologies du rock.

Barrett, Lee : deux photos un peu jaunies, deux musiciens qu’ont pensait embaumés dans le LSD depuis 1967, même si Arthur Lee avait fait quelques réapparitions sur scène ces derniers temps. 1967, tout de même l’année d’une des plus fructueuses récoltes de l’histoire du rock. En pleine époque Mao, cent fleurs s’épanouissent : Sgt Pepper’s Lonely Hearts Club Band, Between The Buttons, Something Else (bouquets multicolores), Goodbye & Hello, Younger Than Yesterday (bourgeons folk-pop), The Velvet Underground & Nico, Are You Experienced ? (fleurs du pavé), la liste semble inépuisable…

Sur la photo de famille, Forever Changes fit lui longtemps figure de cousin caché, oublié jusqu’à une opportune réédition, en 2001, qui ajouta notamment un inédit somptueux, Wonder people (I do wonder). Il faut dire que le petit cousin venait de l’étranger : là ou les grands disques du cru 67 piochaient généralement dans le folkore élisabéthain ou inventaient un son américain urbain et cru, Love regardait au sud de Los Angeles, faisait sonner les violons d’un enterrement mexicain et débouchait les trompettes. Celles de la renommée étant elles bien mal embouchées, le groupe allait assez vite sombrer dans l’oubli du public, peu habitué à l’ambiguïté et aux contradictions : une pop gracieuse exécutée par des musiciens un peu rugueux (sur les photos de presse récentes, Arthur Lee arborait souvent blouson de cuir et longue tignasse frisée) ; un disque du flower power californien déjà fané et obsédé par la mort (comme Dylan à l’époque de All along the watchtower, Lee dira avoir tout mis dans Forever changes, au cas où ce disque serait son testament musical). Bref, Forever changes était en fait un disque assez contradictoire avec son époque, à l’image des deux mots opposés de son titre.

Les années 70, fardées, molles, puis punk, n’allaient pas lui rendre justice. Les controversées années 83-93, réputées pour être le paradis des claviers baveux puis des guitares grunge, allaient s’en charger, histoire de donner enfin une suite à Forever changes, chef-d’œuvre d’un groupe reconnu pour un seul disque. Mais l’été californien allait essentiellement - et paradoxalement - revenir par des groupes de la peu riante ville de Liverpool (même si Belle & Sebastian, via son merveilleux premier single Dog on wheels, allait aussi apporter son obole), désireux d’explorer eux aussi les grands espaces découverts par Love.

Les Pale Fountains revendaient ainsi leurs synthés pour acheter des trompettes (Palm of my hand, extrait de la compilation Longshot for your love), avant d'être suivis par les Boo Radleys, qui entouraient le merveilleux Alone again or (composé, il faut le rappeler, non pas par Arthur Lee, mais par son comparse Bryan McLean, et maintes fois repris, de Calexico aux Damned) d’une triple clôture de barbelé acéré sur la compilation Learning to walk. Deux ans plus tard, les Boo Radleys sortaient leur disque le plus « lovien », le Forever changes des années 90, Giant steps. "Giant steps", comme les ailes de géants qui empêchèrent ces trois grands groupes aux pieds d’argile, tous séparés trop tôt, de marcher. Ou "giant" comme le fait de voir les choses en grand, le rock en Cinémascope. Comme beaucoup de rock stars, Arthur Lee avait un talent certain pour les phrases définitives et il en avait lâché une un jour aux Inrockuptibles, comme une épitaphe anticipée : « Je n’ai pas joué dans le plus grand groupe de tous les temps, mais sûrement dans le groupe au plus beau nom de tous les temps. »