27 décembre 2007

Auscultons le bilan de fin d'année des Inrocks

Le bilan de fin d'année des Inrocks, c'est toujours un grand moment. Dès qu'il est publié, c'est un peu le Café du Commerce dans ta chambre : les mails arrivent de partout pour dénoncer ce scandale, cette saignée, cette trahison aux valeurs historiques du magazine. Cette année, Interprétations Diverses chausse sa mauvaise foi et en dit aussi du mal.


Le classement des 50 meilleurs disques de 2007 des Inrocks vient d'être publié et comme tous les ans, ce vieux magazine vingtenaire en prend plein la tête dans les commentaires (lisez-le, c'est assez marrant). Mais élargissons le débat et essayons de comprendre pourquoi, une fois de plus, ce classement ne rassemble que les déçus.

Les Inrocks publient cette année dans l'édition papier les listes de chaque critique et on peut donc mieux se rendre compte des rapports de force au sein de la rédaction. Nous avons compté les points.
Si l'élection du disque de l'année était un vote démocratique et non pas une élection à la russe, voici à quoi aurait ressemblé le top 10 (pardon pour les ex-aequos) :
  1. LCD Soundsystem - Sound of Silver (8 votes)
  2. PJ Harvey - White Chalk (8 votes)
  3. Animal Collective - Strawberry Jam (6 votes)
  4. Panda Bear - Person Pitch (6 votes)
  5. Loney Dear - Loney, Noir (5 votes)
  6. Burial - Untrue (4 votes)
  7. The Coral - Roots & Echoes (4 votes)
  8. Robert Wyatt - Comicopera (4 votes)
  9. Beirut - The Flying Cup Club (4 votes)
  10. Neil Young - Chrome Dreams II (4 votes)
  11. Radiohead - In Rainbows (4 votes)
  12. Alela Diane - The Pirate's Gospel (4 votes)
  13. Gossip - Standing in the way of control (4 votes)
A comparer avec le top 10 réel :
  1. LCD Soundsystem - Sound of Silver
  2. Justice - ✝
  3. Loney Dear - Loney, Noir / Sologne
  4. Animal Collective - Strawberry Jam
  5. Klaxons - Myths of the Near Future
  6. Kanye West - Graduation
  7. PJ Harvey - White Chalk
  8. Patrick Watson - Close to Paradise
  9. Alela Diane - The Pirate's Gospel
  10. M.I.A. - Kala
Pour vous aider dans votre jeu des 7 différences, signalons juste que les albums de Justice et Klaxons n'ont receuilli chacun que... trois votes. Quant à Kanye West, il s'est péniblement attiré deux votes. Remarquons aussi que l'album de Neil Young, pourtant plébiscité par quatre rédacteurs, n'est même pas présent dans la liste des 50 meilleurs disques ! Ou que Panda Bear, indiscutablement un des meilleurs albums de l'année, pointe à la 19e place malgré ses 6 votes.

L'explication de ces différences est à trouver dans la liste proposée par JD Beauvallet, éminence grise de la rubrique rock :
  • Burial - Untrue
  • LCD Soundsystem - Sound of Silver
  • Loney Dear - Loney, Noir / Sologne
  • PJ Harvey - White Chalk
  • Justice - ✝
  • Klaxons - Myths of the Near Future
  • M.I.A - Kala
  • Kanye West - Graduation
  • Patrick Watson - Close to Paradise
  • Animal Collective - Strawberry Jam
Trop fort le mec : sur sa liste de dix disques, il en place neuf dans le top 10 des Inrocks ! Autant dire que c'est bien JD Beauvallet qui dresse entièrement le classement depuis sa villégiature de Brighton.

Le quota jeunes, le quota rap
Alors pourquoi JD impose t-il dans le top 10 les duettistes Justice et Klaxons, ce qui a le don d'énerver les commentateurs du site lesinrocks.com ? En fait, Beauvallet remplace poste pour poste les vieilles idoles de la nouvelle génération rock par celle de la nouvelle génération électro. L'année dernière, les Arctic Monkeys avaient squatté scandaleusement la première place, damant le pion à TV On The Radio. En 2005, Franz Ferdinand s'était retrouvé miraculeusement à la quatrième place malgré un deuxième disque poussif. Le quota jeunes.

Pourquoi JD met-il dans le top 10 le troisième album de Kanye West, boudé par sa rédaction ? On pourrait invoquer un hypothétique quota de rappeurs dans les tops de fin d'année, Les Inrocks craignant de perdre leur ancrage urbain. On citerait notamment la surprenante cinquième place de Keny Arkana l'année dernière - une place que même Trace TV n'aurait pas assumé.

La règle des trois tiers
Mais plus sûrement, JD reproduit année après année un slogan qu'il a dû lui-même inventer et auquel il doit croire profondément : "rock, électro, rap". Alors que la réalité sociologique de son lectorat est tout autre :
  • Un tiers de vieux lecteurs historiques qui reprocheront toujours aux Inrocks de s'être écarté de l'orthodoxie pop. Leurs critiques préférés ? Christophe Conte et Stéphane Deschamps. Pourquoi ils crient au scandale ? Neil Young n'est pas dans le top 2007.
  • Un tiers de lecteurs attachés à une modernité rock à la sauce Pitchfork. Leurs critiques préférés ? Joseph Ghosn et Martin Cazenave (le mec du web). Pourquoi ils crient au scandale ? Of Montreal n'est que 20e dans le top 2007.
  • Un tiers de lecteurs qui achètent les Inrocks par erreur à cause de la une sur Mika, Arctic Monkeys, Cali ou Gossip. Leur critique préférée ? Johanna Seban (avant qu'elle ne se rallie récemment à la deuxième catégorie), Jean-Marc Lalanne (pour sa défense de Britney Spears). Pourquoi ils crient au scandale ? Yelle n'est que 41e dans le top 2007.
Le triptyque "rock, electro, rap" de JD Beauvallet a peut-être raison pour l'Histoire, pour son lectorat, il aura toujours tort. Le constat fait presque penser à la gauche française. Les Inrocks doivent-ils donc se réformer ?


-> Et encore je ne parle pas de l'hallucinante une du numéro spécial "best of 2007" offerte à... Mika ! Certainement pour le récompenser de sa magnifique 16e place au top albums. Ou peut-être de sa quatrième place au top singles...