28 avril 2006

Demande à la poussière


The Apartments – All the birthdays (MP3)
The Apartments – On every corner (MP3)
The Apartments – You became my big excuse (MP3)

Jeune homme rechercherait Apartments : où es-tu passé, Pete Milton Walsh ? A quoi occupes-tu tes journées, dorénavant ? L’autre jour, je lisais un superbe papier d’Arnaud Viviant sur les groupes mineurs, où j’ai pioché ce passage hilarant : « Au bout de deux ou trois albums, on s'habituait sagement à voir le groupe s'émietter comme du pain rassis et le lead-guitar rentrer dans le rang pour devenir professeur de mathématiques à l'université de Des Moines, Iowa. » Je ne t’imagine pas devenu ça. Les génies maudits ont d’autres reconversions, moins intellectuelles en apparence, que les songwriters mineurs. Peut-être parce que ce qui différencie justement le génie du talent, le majeur du mineur, c’est la capacité à ne pas intellectualiser, à ne pas se limiter, à tout balancer d’un coup, et tant pis si ça sort dans le désordre. Pratique du coup de dé, politique de la terre brûlée qui échoue souvent et force son auteur à meubler l’ordinaire de ses jours, à occuper ses mains tout en composant dans un coin de son cerveau, dans l’attente de temps meilleurs. J'ai vaguement cherché sur Internet ce que tu étais devenu (on y lit que, dégoûté du peu de succès de tes disques, tu travaillerais pour la chaîne ABC) sans vouloir pousser trop loin. Trop peur que tu te sois vraiment trouvé une carrière, quand on préfère t’imaginer un destin. Comme Tom Zé prêt à devenir mécanicien, Alex Chilton faisant la plonge à la Nouvelle-Orléans ou Tim Buckley (chevalier errant auquel ta chanson All the birthdays me fait souvent penser) conduisant un taxi.

Je me suis habitué à voir tes anciens collègues et compatriotes très talentueux des Go-Betweens faire parler d’eux chez nous pour leurs albums et leurs (rares) concerts. Je me suis fait à l’idée que tout compte fait, je n’avais pas tellement envie de me plonger dans Nick Cave. Peut-être une erreur, mais il faut bien en faire, c’est comme ça qu’on apprend. Je n’ai jamais cessé d’écouter régulièrement mes trois disques des Apartments : The evening comes… and stays for years (1985), Drift (1992), A life full of farewells (1995). Couchers de soleil, dérive, adieux.

Je sais que si un jour je néglige d’écouter ces albums pendant des années, ils se couvriront bien de poussière, mais celle du bush, une terre rouge qui colle aux semelles et pique les yeux. En écoutant ta country mélancolique, tes chansons pour pluie et couchers de soleil, je me dis même que tu mériterais d’être américain. Je t’imagine comme un vieux cow-boy un peu étrange comme on n’en voit plus que dans les films de Clint Eastwood. Je sais que ça fait beaucoup de « je » pour un seul texte, mais comme tu parles beaucoup à la première personne dans tes textes, je me suis dit que je pouvais faire la même chose. Mais te laisser quand même (presque) le dernier mot, les premiers de ta chanson Things you’ll keep : «Sat outside the darkened house/Reading one of your old letters/I’d carried it from town to town/Sometimes hoped for you/Things got better ». Aujourd’hui, je n’ai pas mieux à te dire ni à te souhaiter.