16 juillet 2007

Une certaine idée de l'enfance


Animal Collective - For Reverend Green (MP3)
The Fiery Furnaces - Automatic Husband (MP3)

Deux grands disques pour l'été, deux groupes qui devraient changer de nationalité. Comment ça, cette phrase est idiote et ne veut rien dire ? Bien sûr que si qu'elle veut dire quelque chose : bien qu'ils soient américains, Animal Collective et les Fiery Furnaces devraient prendre la nationalité allemande, histoire d'honorer jusqu'au bout le pacte Faustien qu'ils sont signés (quelque chose comme "laisse-moi prendre ton âme et te rendre complètement fou, en échange tu signeras les meilleurs disques des zeroties"), et de bien nous rappeler qu'ils ont abattu le mur de Berlin qui régnait, disons à la fin des années 90, entre d'un côté la pop fraîche, sans complexes mais bio-dégradable, et de l'autre les expérimentations en blouse grisâtres des Mormons du post-rock.

Et quand bien même cette phrase serait idiote, Animal Collective et les Fiery Furnaces ne sont-ils pas des groupes idiots ? Attention, pas idiot au sens bête, stupide, bas, mais au sens de anti-intelligent. On peut aimer les plaisirs du rock lettré et s'allonger par terre dans le noir en se vidant le cerveau et en se mettant du Animal Collective à fond. On peut se laisser dériver le long des rivages du rock classieux (les citations littéraires, les passages jazzy, les pochettes en noir et blanc ou des types fument des clopes en plissant des yeux) et se laisser surligner les oreilles par la collection de feutres verts, rouge, jaune fluo des Fiery Furnaces.

On peut avoir accepté l'idée que le rock est devenu adulte, avoir un peu honte de lui quand il ramène ses trois tifs restants pour se faire une frange et va remuer son arthrose au son de la dernière sensation du NME, et donc se délecter de l'idiotie enfantine d'Animal Collective et des Fiery Furnaces, de leur babillage répétitif. De la façon dont le premier bâtit neuf transes à partir d'une idée fixe (le martèlement chamanique, la construction d'une cathédrale sonore montant, sinon au ciel, du moins dans les aigus) quand le deuxième, sur le modèle du cadavre exquis, élabore un morceau transgenres à partir de neuf idées mouvantes.

Strawberry Jam et The Widow ne sont pas seulement, pour l'instant, les meilleurs disques de leurs auteurs, ni des albums qui au fond ne prêcheront que les convertis (soit un Feels en plus barré, ou un Bitter Tea en encore plus réussi), ni une collection de morceaux des deux plus fascinants chanteurs de leur époque. Ils sont, comme les albums de Suicide ou de My Bloody Valentine, des disques qui élargissent les perceptions, et fonctionnent donc très vite (extase, béate ou non, puis addiction) sur le modèle de la drogue. D'ailleurs, quand les caméras de surveillance auront définitivement chassé la came des centre-villes, ce sont sûrement des CD gravés de Animal Collective et des Fiery Furnaces que les dealers, devenant ainsi doublement coupables aux yeux du pouvoir juste et bon, s'échangeront sous le manteau.