28 août 2006

A St-Cloud, têtes à claques et Radiohead

Chez Interprétations diverses, on aime les domaines réservés. A Vincent, natif de l’Est, les compte-rendus 2005 et 2006 des Eurockéennes de Belfort. A moi, Breton donc un peu Parisien (ou l’inverse) ceux du festival Rock en Seine - cette année, le samedi seulement, boulot oblige.



A peine arrivé, me voilà obligé de faire le tour entier du site pour pouvoir y entrer sous bonne averse - heureusement, la première et la dernière de la journée. Résultat, je rate une bonne moitié du concert de Broken Social Scene. Juste le temps de vérifier que nos amis Canadiens sont toujours aussi cool (on les apercevra, pendant le concert de Beck, tout contents au fond de la scène - sûrement un espace very VIP), que les compos tiennent aussi bien la route qu’à Tourcoing il y a six mois, mais que le son d’un concert en pleine air n’est pas vraiment fait pour eux. J’enchaîne sur la grande scène avec Taking Back Sunday qui ramène bien le soleil mais dont le punk-pop-metal-hard affreux s’est manifestement trompé de jour, de son, de tout.

Autant donc siroter une bière en attendant le concert de Phoenix (Groovy baby !, comme dirait Austin Powers). Il m'a fallu attendre leur troisième album pour enfin accrocher vraiment à un de leurs morceaux (Consolation prizes). Sur scène, il me plaît toujours mais le reste m’ennuie (à part peut-être Run run run), la voix et la production m’indiffèrent.

Sentiment identique pour les Dead 60s dont le premier album était rentré par mon oreille gauche pour ressortir aussitôt par la droite. Impression confirmée sur scène: un mélange de Combat rock (le pire album du Clash), de sous-Specials (pour les grandes coulées d’orgues, sauf que n’écrit pas Ghost town ou Rat race qui veut...) et du premier disque de The Coral, en beaucoup moins bien. Bref, du ska-rock bien primaire, et parfois assez efficace, parfait pour les NME Awards, même si, par rapport à ces congénères anglais ultrasapés, le groupe a un no-look assez scandaleux. Pour tout dire, avec son polo noir et son crâne rasé, le chanteur essaye peut-être de ressembler à Mike Skinner, mais on l’imagine surtout braillant dans le kop de West Bromwich Albion ou Milwall. Et comme le foot anglais, sans conteste le plus laid d’Europe, s’exporte assez mal…

Viennent ensuite les Rakes, de l’autre côté du parc. Sur disque, malgré mes sarcasmes, ces gars-là ont quand même quelques singles racés assez irrésistibles. Ici, c’est tout simplement épouvantable, son ignoble et chant à l’avenant. Le temps de les voir massacrer Open book (vous savez, la pub Orange... d'ailleurs le chanteur clame avant "Sorry for your football team", ou quelque chose d'approchant) et Work, work work (pub, club, sleep), je retourne me placer pour Beck.

Soit avant Radiohead, mon premier grand test de la journée. Il y a quelques années, j’aimais bien Beck, mais depuis, ses disques (à part Mutations) m’ont régulièrement déçu. Pour tout dire, il est devenu le Johnny Depp du rock : il est beau, cool, sort avec des actrices, tout le monde l’aime bien, mais il fait souvent n’importe quoi. Là, lunettes noires et tignasse blonde à la Kurt Cobain, il commence par du hip-funk carré et assez plaisant, puis se souvient qu’à un moment il était considéré comme un espoir folk et enchaîne sans grande conviction ni flamme deux-trois pépites (He’s a mighty good leader, Lost cause). Comme il a vu Gorillaz, il sait maintenant qu’il faut proposer un « spectacle » multimédia, et on a donc droit à des images de synthèse de marionnettes sur les écrans géants, et à un rappel où Beck vient chanter déguisé… en ours. Avis à la population : maintenant, il peut assurer des goûters d’enfants. Un concert pas désagréable, mais qui donne la curieuse impression que Beck (s’)est un peu perdu, tiraillé entre trois ou quatre chaises (folk cool, folk larmoyant, groove, hip-hop) sans vraiment savoir où il en est.

Je pourrais ensuite tenter le triplé maléfique du revival 80s avec Editors, mais non merci. Comme beaucoup de gens (les fans sont là, ça se sent), je reste dans le coin pour attendre Radiohead, pendant que des dessins du toujours excellent Luz (le rock critic français le plus drôle, incontestablement) défilent sur l'écran. J’attends avec impatience les Oxfordiens, dont j’ai usé les disques jusqu’à l'os avant de ne plus vraiment les écouter, et je ne vais pas être déçu, pendant deux heures et une vingtaine de morceaux couvrant toute la carrière du groupe (Pablo Honey excepté). Si, avec le temps, leurs pop-songs pour briquets (Fake Plastic Trees ou Karma Police, auquel on n’échappera pas en rappel) m’ennuient un peu, leurs morceaux les plus bruyants (2+2=5 par exemple) sont parfaits, et le concert atteint des sommets sur les compos paranoïaques et terrorisantes de Kid A (The National Anthem, Idioteque, Morning Bell) ou, loin d'un groupe de "rock progressif" (Libé d'aujourd'hui), Radiohead sonne comme le Suicide des années 2000. En fait, voilà peut-être la définition d’un bon concert : celui qui donne envie de réécouter le disque le plus exigeant d’un groupe...