31 mai 2005

Epitaphe pour Raffarin


Tiken Jah Fakoly - Quitte le pouvoir (MP3)
Tiken Jah Fakoly - Justice (MP3)

Jean-Pierre Raffarin vient de nous quitter. C'est très triste. D'autant plus que, contrairement à Jean-Paul II, les éloges funèbres se font attendre. On parle de mauvais bilan, de chômage qui monte, de raffarinades stupides... Et on oublie la bonhomie légendaire de cet homme du Bas qui n'est jamais parvenu à monter à la surface.

Non, celui qui aurait dû partir, ce n'est pas le brave Raf mais bien sûr Chirac. Et pour l'en convaincre, voici Quitte le pouvoir de Tiken Jah Fakoly [buy] qui ne s'adresse pas au patriarche corrézien mais à un dirigeant de Côte d'Ivoire. Il n'empêche, quel beau mimétisme : "Je t'avais prévenu que tu as été mal élu / Mais tu t'es accroché / Aujourd'hui, tout est gâché / Tu pourrais avoir des ennuis / Si les choses restent ainsi". Une superbe chanson à l'image de l'oeuvre du reggaman francophone, capable de tirer des larmes avec des discours politiques.

Et pour continuer avec les références chiraquiennes chez Tiken Jah Fakoly, voici Justice, issu de Françafrique et probablement co-écrit par Arnaud Montebourg : "Justice, réveille toi / My justice, réveille toi / Quand on ouvre des enquêtes sur ces gens-là / Très souvent, ces enquêtes n'aboutissent même pas".

La machine à remonter le tempo : 1985

Si Interprétations Diverses marche un peu au ralenti en ce moment, on n'en oublie pas notre série sur les années du rock. Après 1980, voici venir 1985, année noire de l'histoire de la pop.


Felt - My darkest light will shine (MP3)
The Pale Fountains - September sting (MP3)
Martin Stephenson & The Daintees - Coleen (MP3)
The Dukes Of Stratosphear - Bicycle to the moon (MP3)
Pulp - The will to power (MP3)

1985 occupe une place peu enviable dans les anthologies en tout genre, puisqu’elle est tout simplement réputée pour être une des pires années de l’histoire du rock (en attendant l'inévitable réhabilitation qui surgira quand on saura que le fondateur d'Interprétations diverses est né en 1985). Forcément un peu injuste, puisqu’il faut quand même rappeler que, cette année-là, la seule Angleterre voyait les Smiths publier Meat is murder, New Order sortir Low-life, et le Jesus and Mary Chain enfanter Psychocandy. Oui, mais voilà : la date qui reste dans toutes les mémoires est celle du Live Aid, le 13 juillet 1985. Réuni à Wembley et Philadelphie, le gotha rock chante au profit des enfants éthiopiens. C'est « le jour où le rock est mort », pour citer le jugement assassin de Patrick Eudeline. Loin de l'autoroute du Live Aid, nous prendrons des chemins moins fréquentés pour explorer 1985, le temps d'un été en Angleterre. Que les admirateurs de Reagan nous pardonnent : cette sélection est 100 % britannique.

Les routes sans issue. Avec un peu plus de chance, Lawrence Felt aurait pu devenir le Lou Reed anglais, un Lou Reed avec des synthés. Il s'est contenté de sortir des très bons disques, comme Ignite the seven cannons. Les Pale Fountains, eux, ont sans doute cru pouvoir faire aussi bien que les Byrds, Bacharach et Jobim réunis, mais ça n'a pas marché non plus. Leur deuxième disque, le surproduit ...From across the kitchen table, recèle quand même des instants de grâce, comme September sting.

La pause pique-nique. Il est temps de faire un crochet par l'Ecosse, de se faire présenter Coleen par Martin Stephenson & The Daintees . Perle soul de l'album Boat to Bolivia, cette chanson est la bande-son idéale pour une sieste au soleil, allongé au milieu d'une clairière.

Le chemin des écoliers. Même les grands groupes ont leurs petits secrets. On peut ainsi écouter Bicycle to the moon, des Dukes of Stratosphear (présent sur l'album Chips from the chocolate fireball), sans connaître le pedigree du groupe, mais c'est moins marrant. On laisse quand même la surprise à ceux qui veulent déguster à l'aveugle ce pastiche du Pink Floyd psyché. S'ils ne le savent pas déjà, ils découvriront peut-être ensuite que Pulp n'a pas toujours produit des tubes disco, mais a aussi aimé Joy Division. Que Jarvis Cocker ne chantait alors pas tous les morceaux, mais laissait parfois le micro au violoniste Russell Senior. Le temps d'un morceau terrifiant (compilé sur Masters of the universe), celui-ci scande : « Where's truth and beauty ? » Dans les disques de 1985, peut-être ?

23 mai 2005

La machine à remonter le tempo : 1980

Chaque semaine (ou presque), Interprétations diverses revisite en quelques MP3 une année de l’histoire de la pop. Pour cette fois-ci, ce sera 1980.


Le sourire éclatant des Feelies, héros new-yorkais de l'année 1980.

The Jam - Going Underground (MP3)
The Fall - Totally Wired (MP3)
Tuxedomoon - Dark Companion (MP3)
The Feelies - Loveless Love (MP3)

Certes, je pourrais le dire pour toutes les années, mais il n'empêche, 1980 est vraiment charnière. Les 70's progressives se sont heureusement progressivement éteintes. Le punk a pointé le bout de son nez, "I hate Pink Floyd" and co, mais il faut maintenant reconstruire. Alors suspense, vers où va aller la pop alors qu'une nouvelle décennie se profile ? Post-punk, cold-wave, new-wave ou pire, U2 ?

Diverses solutions s'offrent aux groupes de cette époque. Pour les punks anglais, finalement, autant continuer dans la même veine puisque ça marche si bien. 1980 voit donc une nouvelle avalanche de hits rageurs dans les charts britanniques. Au premier rangs desquels les inoxydables Jam qui livrent avec Going Underground [buy!] un tube parfait qui rentrera directement à la première place du top anglais. Ce qui est assez drôle quand on considère les paroles du refrain : "And the public wants what the public gets / But I don’t get what this society wants / I’m going underground". En ce qui concerne les Fall (nommés ainsi en référence au roman de Camus) ils sont alors considérés comme le groupe le plus excentrique d'Outre-Manche. Et ce n'est pas avec l'outrance ultra-caféinée de Totally Wired [buy!] qu'ils risquaient de perdre leur titre.

De l'autre côté de l'Atlantique, on prépare l'avenir dans des laboratoires arty ultra-raffinés. Ainsi du côté de San Francisco, une petite communauté mélange rock, électro et performance artistique. Dans cette profusion se détache les Tuxedomoon, un groupe qui n'a pas fini d'influencer la crème de l'électro actuelle (Tortoise, Tarwater...). 1980 est l'année de Half Mute, leur premier véritable album. Aussi mythiques mais plus atlantiques, les New-Yorkais des Feelies font rimer héritage local (Velvet, Television) et new-wave. Le génial Crazy Rythms (qui ne trouvera pas de suite à sa hauteur) restera comme une parenthèse enchantée du rock américain. Et Loveless Love une de ses plus brillantes chansons.

19 mai 2005

Maxïmo Park, maxï buzz


Maxïmo Park - Postcard of a painting (MP3)

Dans la veine "rock renaissant", ça commençait à faire longtemps que je n'avais pas ressenti un tel plaisir à l'écoute d'un album. A Certain Trigger des Anglais de Maxïmo Park fait beaucoup parler de lui, et pour cause. Les jeunes élèves ont, semble t-il, bien écouté la leçon de rock professée par les Smiths dans les années 80 : guitares cinglantes, mélodies impeccables et accent anglais.

Maxïmo Park fait aussi parler de lui car il interroge le landernau indie. Que fait donc un groupe de chevelus nostalgiques chez Warp, le label d'Aphex Twin et Boards Of Canada ? Je ne sais pas si quelqu'un a vraiment la réponse. Mais en attendant, on peut toujours avancer que Warp semblait de toute façon peu à peu dévier du son electro originel. Et notamment avec des signatures comme !!! ou Gravenhurst. En tout cas, pour Warp, l'opération devrait être rentable. Avec un potentiel d'une bonne demi-douzaine de singles, Maxïmo Park a tout de la potentielle cash machine.

Juste histoire de mettre en bouche, voici Postcard of Painting, petite sucrerie en forme de plaidoyer pour les Smiths. Certains disent même y avoir reconnu le Hand In Glove des Mancuniens. C'est dire.

18 mai 2005

"A young man, a weight on his shoulders..."


Joy Division – Walked in line (MP3)
Joy Division – Love will tear us apart (Peel session) (MP3)
The Smashing Pumpkins – Isolation (MP3)
Massive Attack – New dawn fades (MP3)

« J’ai plutôt des bons souvenirs de Ian Curtis. » Ce n’est pas moi qui le dit, c’est Tony Wilson (incarné par Steve Coogan) dans 24 hour party people, le film sur la scène rock de Manchester réalisé par Michael Winterbottom. Ian Curtis s'est suicidé il y a 25 ans, le 18 mai 1980 : dans le film, on le voit fébrile, énervé, tendu, loin de l’image d’Epinal du « martyr des années new wave », de « l’ange noir des eighties », et autres âneries.

Comme tout groupe culte, Joy Division a engendré de profonds malentendus : beaucoup le voient encore aujourd’hui comme une formation triste, dépressive, à la noirceur complaisante. Un simple coup d’oreille sur les disques suffit à prouver le contraire. Unknown pleasures (1979) évolue sur le fil du rasoir. Celui d’un rock cisaillé par les échardes de guitare de Barney Sumner, affolé par la basse souple de Peter Hook, abruti par une basse métronomique de Stephen Morris. Enfiévré, pour finir, par la violence contenue de la voix de Curtis : c’est par exemple Walked in line, titre de la première époque du groupe, présent sur la compilation Still. Closer (1980) n’aborde pas davantage le thème de la dépression : c’est le disque d’après (la mort, la chute, la disparition), étrangement serein et apaisé : Martin Hannett, producteur du groupe, avait conseillé à Curtis de « chanter comme Sinatra ». L’introduction des synthés n’avait pas transformé le groupe en escroquerie new age : la version Peel session de Love will tear us apart, un brin plus tendue que sur le single, en est une bonne illustration.

Aujourd’hui, quand on regarde la descendance de Joy Division, on trouve toujours des groupes qui ont su conserver cette tension, cette urgence. Les Smashing Pumpkins reprennent Isolation, version boîte à musique minimaliste zébrée de scratches. Massive Attack, lui, livre une reprise superbement habitée de New Dawn Fades. Ces deux groupes pourraient reprendre à leur compte cette phrase (de Jankelevitch, je crois) qu’on aurait bien imaginé figurer dans le livret d’un disque de Joy Division : « Mieux vaut la culbute que le déclin. »

17 mai 2005

Des bonus tracks pour "Last days"


The Raincoats - No side to fall in (MP3)
Television Personalities - The glittering prizes (MP3)
Gang Of Four - Outside the trains don't run on time (MP3)

Beaucoup croient que, pour réaliser un film rock, il suffit de saupoudrer des images d’une sélection de tubes. En réalité, dans ce cas-là, le film et la BO font le plus souvent chambre à part, la deuxième ne faisant au mieux que sauver la médiocrité du premier. L’autre option est plus noble : elle consiste à faire du rock la matière même de ses plans.

C’est le cas de Last Days, le dernier Gus Van Sant, qui décrit un des plus célèbres rock’n’roll suicides, celui de Kurt Cobain. Une heure et demie de chaos rock éprouvant. Une heure et demie remplie de solitude, de murmures, de dissonances, de splendeurs aussi, qui font de la vision du film une expérience malaisante mais passionnante, voisine de l’écoute de disques comme l’album à la banane du Velvet (on entend Venus in furs crachoté par un électrophone dans deux scènes du film) ou du Daydream nation de Sonic Youth (Kim Gordon fait une brève apparition dans une scène, et Thurston Moore est crédité comme « conseiller musical »). Dans le film, la musique est rarement plaquée sur les images, elle y est écoutée ou jouée (superbe scène où Blake/Cobain, seul à la guitare, improvise une chanson suicidaire). Elle fait partie de l'univers des personnages, à l'image des stridences sonores qui traversent l'esprit du héros avant son suicide.

L’action est censée se passer aux Etats-Unis, mais Blake vit dans une maison de style anglais (surnommée « Stonehenge »). On repensera donc à Last days en entendant dans notre tête des musiques d’Outre-Atlantique que Kurt Cobain admirait. On imaginerait bien le leader de Nirvana reprendre dans une scène le post-punk minimaliste de Gang of four (Outside the trains don’t run on time, extrait de Solid gold). Le punk déglingué et tendre des Television Personalities (une chanson de …And don’t the kids just love it), groupe que Cobain voulait en première partie de sa tournée londonienne de 1991, irait à merveille au côté « enfant terrible » et destructeur du héros. On sait, enfin, que Cobain admirait le punk dissonant des Raincoats (dont il fit rééditer les albums, comme The Raincoats) : leur musique aurait d'ailleurs parfaitement collé avec les dernières images du film, celles de la découverte du corps de Blake.

Le point commun à ces trois titres ? Ils représentent divers courants du punk anglais. Entre Velvet et Sonic Youth, Gus Van Sant s’est inspiré du même courant, en version américaine. Tout le monde est donc d’accord : Kurt Cobain était bien un des derniers héros punk.

Meet The Blogger


Quand j'étais petit, maman me disait de ne surtout pas parler aux bloggers. A l'époque, je suivais volontiers ses recommandations. Mais aujourd'hui, j'ai craqué, je vais en rencontrer des bloggers, et des vrais. Cet affreux déni parental, je le dois à la soirée Meet The Blogger qui se tiendra à Lille le 1er juin. Alors bien sûr, j'invite tous les bloggeurs lillois à venir nous rejoindre. Et si par miracle, tu es lillois et MP3 blogger, rejoins nous afin qu'Interprétations Diverses se sente un peu moins seul dans son exil blogosphérique.

PS 1 : La soirée aura lieu chez Mr Jacques, bar à vin de la rue de Gand (Vieux-Lille) et commencera vers 20h30.
PS 2 : Mon ami Nix a posté une jolie fulgurance sur le sujet.

Architecture finlandaise et pop australienne


Architecture In Helsinki - Wishbone (MP3)
Architecture In Helsinki - The Cemetary (MP3)

Si en matière de pop australienne, vous en étiez resté aux Go-Betweens et si niveau nom-génial-mais-à-l'alambiqué, vous étiez bloqué sur Godspeed You Black Emperor, voici un petit cours de rattrapage. Avec nos nouveaux amis, les géniaux Australiens de Architecture in Helsinki.

Ils sont huit et ça fait sacrément de combinaisons possibles si on postule que chacun joue un instrument et que la plupart y vont aussi de leur petit tour de chant. On imagine un peu mieux le bordel qui règne dans la musique des Australiens. Mais leur pop a beau être guillerette et délicieusement foutraque, elle n'en est pas moins d'une réjouissante complexité.

Des rapprochements ? Bien sûr, on peut en faire quelques uns. D'abord, ce superbe In Case We Die (au titre ravageur, soit dit en passant) n'est pas sans faire écho à un classique de la scène indie américaine, le Blueberry Boat des Fiery Furnaces. Avec une même volonté de faire exploser les structures de la chanson pop. On pense aussi à des groupes comme The Polyphonic Spree avec qui le groupe australien partage l'art de la chorale déglinguée.

J'ai trouvé le meilleur résumé de la musique de Architecture in Helsinki sur le webzine américain Shaking Through : "Stylistically, In Case We Die is like a Jackson Pollock drip painting, chaotic and bustling". En 77 lettres, j'ai pas mieux. Et d'ailleurs bonne nouvelle, la presse américaine adore ce disque.

Wishbone est vraiment une merveille. Comme une symphonie miniature pour enfant de 8 ans. Quant à The Cemetary, il évoque une sorte de mauvais conte d'Andersen. Avec grand méchant loup et chaperon rouge réduit à la portion congrue.

12 mai 2005

La machine à remonter le tempo : 1982 (2)

Chaque semaine, Interprétations diverses revisite en quelques MP3 une année de l’histoire de la pop. Aujourd’hui, on finit 1982 en traversant l'Atlantique. Direction l'Angleterre, alors plongée dans la guerre des Malouines.


The Monochrome Set – The jet set junta (MP3)
Madness – Tomorrow’s just another day (MP3)
Squeeze – Is that love ? (MP3)
Orange Juice – Consolation prize (MP3)

On a souvent attribué à Franz Ferdinand un peu de sang du Monochrome Set (du sang royal, forcément, le chanteur Bid étant un prince hindou). Même désinvolture, même chansons narquoises, même sourire aux lèvres : vingt-trois ans après, The jet set junta n’a pas pris une ride, tout comme l’album Eligible bachelors. On se permettra donc de donner rendez-vous en 2027 à Alex Kapranos et son groupe pour voir s’ils font aussi bien. Car bien vieillir, c’est effectivement important, surtout quand on a fait des bêtises de jeunesse. Madness, pour beaucoup, c’était la boutique des farces et attrapes, le spécialiste de la blague appuyée (« Oooooooonnne step beyooooooooooond !!!! »), du single imparable (My girl, Baggy trousers) et de l’album inégal. Ce serait oublier qu’avec Rise and fall, le groupe était devenu beaucoup plus fin et ambitieux, appliquant à la lettre les règles du songwriting à l’ancienne, le temps de treize chansons parfaites. Car c’est bien connu : c’est dans les vieux vinyls des Kinks ou des Beatles qu’on fait les meilleurs albums. La preuve par Squeeze, le genre de groupe qui, même produit par Elvis Costello (East side story), semblait n’avoir jamais entendu des mots aussi vulgaire que new-wave, punk ou disco. Peut-être ce qui, finalement, en faisait un groupe moins important que les géniaux Orange Juice d’Edwyn Collins, qui, sur You can't hide your love forever, reprenaient le sens mélodique des Byrds (« I wear my fringe like Roger McGuinn’s ») tout en gardant un sens du rythme très 1982.

11 mai 2005

Dylan, important parce qu'inégal


Mouse and the Traps – A public execution (MP3)
The Byrds – My back pages (alternate version) (MP3)
David Bowie – Song for Bob Dylan (MP3)

« Depuis vingt ans il arrive (trop rarement) que, de par le vaste monde, un chanteur puisse travailler assez et assez vite pour se permettre le luxe suprême, la récompense à laquelle personne n’ose plus prétendre, ce qu’on devrait dire de plus louangeur : qu’il est inégal. Qu’il a gagné le droit à l’inégalité. La capacité de rater un disque sans obérer pour autant son image où la suite de sa carrière. »

Le titre de ce post, ainsi que la phrase précédente (légèrement modifiés) ne concernent pas Bob Dylan. Ils ont été écrits par le critique Serge Daney en 1982, à la mort du cinéaste allemand Rainer Werner Fassbinder.

Fassbinder, Dylan, deux artistes sous les feux de la rampe actuellement, l’un à l’occasion de la réédition de ses films, l’autre pour la sortie française du premier tome de son autobiographie. Dylan, Fassbinder, deux créateurs à qui on peut appliquer le jugement de Daney. Songez qu’entre 1962 et 1966, le natif du Minnesota sortit pas moins de sept disques, alors que tant de groupes gèrent aujourd’hui leur maigre capital-risque pendant de longs mois, entre tournées et frasques médiatiques !

Dylan, lui, fut pendant ces quelques années au centre d’un tourbillon dont tout - musiques populaires, idées politiques, vie privée - sortit transformé. Comme Fassbinder, il brancha son instrument de travail sur une époque électrique pour son pays (ces fameux temps qui changent…), osa, tenta, au risque de la vulgarité, du ratage parfois. Cela explique que certains ont pu lui préférer ses successeurs (Cohen, par exemple, dont l’œuvre, magnifique par ailleurs, fut jusqu’aux années 80 d’une tenue remarquable) ou que j’ai rarement réussi à écouter Blonde on blonde d’une seule traite (contrairement à ce chef-d’œuvre tardif qu’est Blood on the tracks).

Et pourtant, plusieurs chansons de ce même Blonde on blonde (au hasard I want you ou Absolutely sweet Marie) sont de celles que j’emporterais sur un iPod d’île déserte. Objectivement (ce mot qu’on ne devrait pourtant jamais employer dans une chronique musicale), Dylan fut sans doute l’artiste le plus important du 20ème siècle, abondamment repris (My back pages, par les Byrds), hommagé (Song for Bob Dylan de David Bowie) et copié (A public execution de Mouse, outrageusement pompé sur Like a rolling stone).

On a pu dire de lui qu’il se situait simultanément en avance et en retard sur tout le monde. Sans doute parce que, tandis que certains s’occupaient de leur carrière, lui avançait en longeant un précipice, peu importe si celui-ci se trouve devant ou derrière. Toujours en équilibre instable sur un fil tendu entre culture populaire et « grand art » : « La folk music était un paradis auquel j'ai dû renoncer, comme Adam a quitté le jardin d'Eden. C'était simplement trop parfait. Quelques années plus tard, c'est une tempête de merde qui s'abattait. Et tout commencerait à brûler. Les soutiens-gorge, les livrets militaires, et les ponts derrière soi. »

10 mai 2005

Libé traduit Arcade Fire en anglais


The Arcade Fire - No cars go (MP3)

Vendredi dernier, Libération sortait un numéro spécial rock anglais à l'occasion des élections générales. Au menu, de nombreux papiers intéressants, notamment un long article sur la scène rock britannique de ces dernières années, et des photos superbes, toutes en noir et blanc. Et, surtout, une excellente idée : illustrer chaque haut de page avec un extrait de chanson. A travers cette quarantaine de fragments musicaux se dessine une vision du rock anglais, une légende (sex, drugs and rock'n'roll) plus qu'une histoire. Tous les groupes cités, anciens (Clash, Pistols, Jam, Smiths, Bowie) ou nouveaux (Libertines, Babyshambles, Bloc Party), dessinent un portrait-robot du rock Outre-Manche : flamboyant, arrogant, engagé et enragé.

Tous ? La page 4 n'est pas de cet avis. On y trouve la citation suivante : « I'll admit I'm full of shit ». Elle est extraite de My heart is an apple, morceau du premier mini-album d'Arcade Fire. Arcade Fire, anglais ? Moi qui les croyais canadiens... Depuis, je cherche une explication : Libé s'est-il planté ? La grand-mère de la cousine de Régine Chassagne a-t-elle un quart de sang londonien ? Le journal de Serge July sait-il quelque chose que nous ignorons tous (théorie du complot) ? En attendant, je ne pouvais pas faire autrement que respecter la loi et accorder un droit de réponse à Arcade Fire. Laissons-les donc vous chanter No cars go, extrait (déjà extrêmement prometteur) de ce même premier album.

07 mai 2005

Revue de web

Le week-end, c'est comme la semaine mais en mieux. La preuve avec cette deuxième édition de "Revue de web" qui combine les plus belles réussites de nos amis les MP3 blogs.

Spoon - Sister Jack et The two sides of Mr Valentine (MP3's)
Le web en fait son petit événement : le 10 mai prochain sortira le nouvel album de Spoon, Gimme Fiction, qui s'annonce comme une petite merveille de rock à guitares. Compositions complexes pour titres accrocheurs, que demander de plus ? Sinon qu'on nous fasse parvenir gratuitement l'album.
(via Said The Gramophone et Fluxblog via La Blogothèque)

Okkervil River - Black (MP3)
Okkervil River, c'est le gros buzz du moment, la dernière sensation débarquée du fin fond du trou du cul de l'Amérique. Si vous n'avez pas encore écouter Black, sachez que ce titre très rock ne reflète pas forcément la nature de l'album Black Sheep Boy, souvent plus contemplatif, mais qu'il donne au moins une bonne idée du talent de ces mecs.
(via La Blogothèque)

Of Montreal - Wraith Pinned to the Mist (And Other Games) (MP3)
Of Montreal ? Inconnus au bataillon, mais au moins pour une fois, on devine d'où ils viennent. Cette petite douceur romantique plaque sur une rythmique synthétique une voix mélodique à la Notwist.
(via Fluxblog)

Hip-Hop, version 2.005


Busdriver - Avantcore (MP3)
Edan - Fumbling Over Words That Rhyme (MP3)

L'âge d'or du hip-hop est passé. Il y a quelques années encore, dans ces mêmes colonnes, je vous aurais vanté les mérites incroyables des Neptunes, en quoi ils faisaient avancer la cause, en quoi ils transformaient en profondeur le son moderne. Mais aujourd'hui, on est en 2005 et niveau hip-hop, on commence à bien se faire chier. L'innovation formelle ne semble plus vraiment être de la partie. On ne peut plus admirer que certains mecs qui s'accrochent, coûte que coûte, à leur idée du tube hip-hop (cf. Drop It Like It's Hot de Snoop Dogg). Ou encore les efforts de stars sans aucune crédibilité et qui s'en achètent une sur des one-shots explosifs (cf. le Get Right de Jennifer Lopez). Mais derrière cet apparent marasme créatif, cette nette absence de lumière se débattent de nombreuses initiatives qui méritent bien un petit coup de projecteur. De l'efficacité, de la qualité mais pas de révolution.

D'abord, Busdriver, un habitué de la qualité rapologique qui sort cette année le remarqué Fear Of A Black Tangent. Un joli titre d'album qui renvoie bien sûr au mythique (et plus menaçant) Fear Of A Black Planet de Public Enemy. Accompagné par des DJ's taille patron (Danger Mouse, Prefuse 73...), Busdriver s'en donne à coeur joie et livre une belle série de demi-tubes qui raviront les amateurs du genre. En témoigne, par exemple, le guilleret Avantcore.

Assez proche dans l'art du sampling, Edan, dans son récent Beauty and the Beat, propose une vision plus passéiste de la musique. Blindé de références 70's que personne n'est vraiment en mesure de cerner, l'Américain va même parfois lorgner du côté du rock. Une belle liberté artistique facilitée par le fait que sur un album, il s'occupe de tout (y compris de la pochette). Dans l'arène MP3, face à son talentueux compatriote, Edan oppose la finesse explosive de Fumbling Over Words That Rhyme.

05 mai 2005

With The Coral, you'll never walk alone


The Coral – In the morning (MP3)

En Angleterre, foot et musique pop jouent souvent sur le même terrain : celui des lads, de la bière tiède et de l’arrogance gouailleuse. C’est sans doute pour cela que les supporters anglais ont les plus beaux chants. Rendez-vous est déjà pris pour vérification le 25 mai, à Istanbul, où Liverpool va disputer la finale de la Coupe d’Europe.

Petit conseil aux fans des « Reds » : demandez aux locaux de The Coral de vous composer un hymne pour l’occasion. Pour moi, le groupe des frères Skelly est comme le club des bords de la Mersey : attachant. Peut-être parce qu’il ne colle pas aux sacro-saintes règles du courant new rock. The Coral, c’est un orchestre de six membres (ça change du quatuor chant-guitare-basse-batterie), une productivité qu’on croyait oubliée, avec quatre disques en moins de trois ans, et des influences variées et impeccables. Un rock fêtard plus que festif, qui rappelle ces immenses groupes que furent les Specials ou les Dexy’s Midnight Runners.

Personnellement (esprit de contradiction ?), j’ai pourtant un petit faible pour leur orientation pop-folk, sublimée sur le tryptique LiezahCareless handsPass it on du deuxième album. Autant dire que le nouveau single, In the morning (sortie lundi, en prélude à l'album The invisible invasion, produit par Geoff Barrow et Adrian Utley de Portishead), n’est pas pour me déplaire. On y entend une rengaine toute simple de deux minutes trente à peine, scandée par un gimmick vaguement asiatique, et survolée par le grain de voix si particulier de James Skelly. J’imagine bien un fan du kop d’Anfield l’écouter pour se remonter le moral, le 26 mai au matin, au lendemain de la fessée reçue par son équipe contre le grand Milan AC.

Moustachu danois et surf music


Tommy Seebachs - Apache (clip)
The Shadows - Apache (MP3)
Jimmy Eat World - If you don't (clip)

Un horrible clip tourne depuis quelques semaines sur le web. Personne ne connaît le moustachu à la con qui s'y ridiculise. Cela étant, on admettra que c'est bien la star danoise des années 70, Tommy Seebachs, mais là c'est vraiment pour l'anecdote. Ce qui est plus intéressant avec ce clip (au-delà de son imparable esthétisme), c'est que la chanson est une reprise d'un tube des Shadows, l'instrumental Apache. L'occasion de parler un peu de ces papys de la pop.

Les Shadows se sont formés en 1958 et sont toujours actuellement sur les routes, en train d'essayer de piquer de l'argent à deux, trois vieux nostalgiques des Beatles. Mais malgré le côté un peu désuet de leur musique, dans les années 60, les Shadows eurent une vraie importance. D'abord, parce que c'était le plus grand groupe anglais de l'avant-Beatles. A tel point que le premier enregistrement vynil des Beatles (Tony Sheridan feat. The Beatles) s'appelle Cry for a shadow et est un hommage au groupe. Les Shadows ont également le charme et la distinction de représenter le versant anglais d'une musique qu'on ne peut aujourd'hui que regretter, la surf music et ses plages de bonheur ensoleillé, façon easy listening. Enfin, les Shadows, c'est le groupe qui lança la mode de l'instrumental. Et tant pis pour nous si parfois on s'endort à l'écoute de ces morceaux... De nombreux groupes en tout cas se sont jetés dans la brèche et ça donnait parfois bien (Tornadoes, Fireballs, Spotnicks...).

Apache est donc le mega-tube des Shadows. Un instrumental démoniaque qui aurait très bien pu être signé Ennio Morricone. Dans son clip, le brave Tommy Seebachs n'a retenu que l'aspect "apache" de la chose, oubliant un peu le surf dans l'histoire. En ce qui concerne Jimmy Eat World, ils ont repris les images du clip pour illustrer un de leurs titres. Sans vraiment d'intérêt, sinon que c'est plutôt drôle.

04 mai 2005

La machine à remonter le tempo : 1982 (1)

Chaque semaine, Interprétations diverses revisite en quelques MP3 une année de l’histoire de la pop. Pour commencer, petit voyage dans l'Amérique reaganienne (mais touffue) de 1982... En attendant l'Angleterre la semaine prochaine.


The Dream Syndicate – That’s what you always say (MP3)
10,000 Maniacs – Planned obsolescence (MP3)
The Gun Club – Run through the jungle (MP3)
The Fleshtones – R-I-G-H-T-S (MP3)

Saints Iggy et Lou, priez pour nous. C’est aux papes du punk-rock (avec dix ans d’avance) que cette chronique est dédiée. Car, à l’évidence, The Dream Syndicate (cf photo) avait dû trop écouter le Velvet - mais peut-on véritablement l’écouter trop ? L’album s’appelle The Days of wine and roses, mais est plutôt dédié aux joies de l’épluchage de (l’album à) la banane, en adoptant aussi bien les guitares agressives que la quiétude trompeuse. Pendant ce temps-là, la musique des New-Yorkais de 10,000 Maniacs (ici captés dans leur première incarnation sur Hope chest : The Fredonia Recordings) permet d’imaginer un Velvet différent, qui aurait joué de la guitare sous l’eau plutôt que sous coke, aurait rêvé de tropiques plus que de piqûres. Une curiosité, on l’aura compris. Les deux derniers groupes de notre sélection sont eux nettement plus crus et cruels, stoogiens en somme. Avec les Cramps, les Fleshtones (Roman gods) et le Gun Club (Miami), formaient à l’époque la sainte Trinité du blues-punk-rock. Vous avez ici le choix entre l’Evangile selon Jeffrey Lee Pierce (Gun Club) et celui selon Peter Zaremba (Fleshtones). Le premier n’étant plus de ce monde, contrairement au second, on supposera qu’il fait un meilleur martyr.

Quand les Shins s'éveilleront...


Flake Music – Spanway hits (MP3)
The Shins – Girl on the wing (MP3)
The Shins – Pink bullets (MP3)

Il ne leur manque qu’un tube. Une rengaine que tout le monde reprendrait en chœur de New York à Lille, de Damas à Sydney. Quelque chose qui les ferait définitivement passer de la case indé (Chutes too narrow, petite sensation 2004) au statut de groupe populaire. Qui mettrait ces mélodies en or dans tous les baladeurs. Et, soyons fous, donnerait envie à certains d’aller rendre visite à leurs parents adoptifs, Big Star, Felt ou Badfinger.

« Tu connais ce groupe ? - Non. - Ca s’appelle les Shins. Tu va voir, ça va changer ta vie. » Nathalie Portman s’adresse ainsi à Zach Braff dans le récent Garden state (je cite ces propos d’une mémoire incertaine, le film étant sitôt vu, sitôt oublié). Je ne sais pas si les Shins ont changé ma vie, mais je sais que Chutes too narrow (découvert grâce au forum de Popnews) tourna en boucle sur ma chaîne pendant des jours à l’hiver 2003. Et spécialement une chanson, la ballade Pink bullets, peut-être pour sa description clinique d’une rupture amoureuse et ces quelques mots absoluments terribles : « Since then it’s been a book you read in reverse / So you understand less as the pages turn / Or a movie so crass and awkwardly cast / That even I could be the star ».

Il me faudrait encore quelques jours pour découvrir que les Shins avaient sorti un premier album deux ans plus tôt, Oh inverted world (disque aussitôt acheté, les yeux fermés). On y trouve deux chansons de la BO de Garden State, Caring is creepy et le single New slang, déjà utilisé dans les Sopranos, ma petite préférée restant plutôt Girl on the wing. Quelques mois encore, et j'apprenais que se cachaient derrière les Shins une première formation, Flake Music, auteur en 1997 d’un unique album (When you land here, it's time to return). Autant dire que j’envie aujourd’hui les gens à qui il reste les Shins à découvrir. Et tant mieux si c’est avec leur troisième album, du moment que celui-ci leur vaut enfin une large reconnaissance.

La machine à remonter le tempo : teasing

10 000 Maniacs - Planned Obsolescence (MP3)

Interprétations Diverses diversifie ses positions. Afin de rompre le ronron quotidien des posts, nous avons décidé de lancer une récurrence hebdomadaire baptisée La machine à remonter le tempo. Le concept ? Balancer les 3, 4 (ou plus) MP3 qui nous paraissent le mieux représenter une année du siècle précédent.

Extrait de la première année traitée, le superbe Planned Obsolescence des 10 000 Maniacs. Et question-concours : de quelle année voulons nous donc parler ? A vous de jouer.

03 mai 2005

Post-punk et poitrines dénudées


The Slits - I Heard It Through The Grapevine (MP3)
The Slits - FM (MP3)

Dans la jungle post-punk de la fin des années 70, il y avait aussi des amazones. Les Slits, seins nus sur la pochette de leur génial Cut, avaient avant tout la particularité d'être un groupe entièrement féminin au milieu de la tornade punk, très largement testostéronienne. Et c'est pour ça qu'aujourd'hui les Slits restent comme une première balise dans l'histoire du rock, comme le point de départ d'une mouvance qui ne prendra son essor que bien plus tard, le mouvement riot grrrl.

Les Tigre(sses) des années 70 pointaient le bout de leurs seins pour la (très) bonne cause musicale. Cut, produit en 1979, prend le punk là où les Clash l'ont amené, c'est à dire vers des contrées dub et reggae. La féminité criante et le son dégeulasse en plus. L'album vient d'être réédité avec 2 (obligatoires) inédits. Et le cut est aujourd'hui parfait, bien synchronisé et ce, grâce à l'inespéré retour du post-punk dans nos post-modernes oreilles. L'heure de la gloire a peut être enfin sonnée pour ces guerrières de l'histoire de la pop.

Le titre FM, présent sur Cut, brouille les ondes avec sa batterie menaçante et son chant inquiétant (FM = Frequent Mutilation). Quant à I Heard It Through The Grapevine, c'est tout simplement une des meilleures reprises jamais entreprises en matière de rock déviant. Terrassé par la beauté de la chose, Marvin Gaye mourra cinq ans plus tard.

01 mai 2005

L'Etat aux 10 000 lacs et autant de centres de désintox


Kid Dakota - 10 000 lakes (MP3)

Aperçu en première partie de Low à La Maroquinerie, Kid Dakota a fait plus qu'introduire les rois du slowcore, il les a pratiquement surpassé. Darren Jackson (de son vrai nom) officie certes dans un style différent des stars de la soirée (songwriting halluciné et assisté chimiquement) mais sa présence s'expliquait par sa signature sur Chairkickers Union, le label de Low. Accompagné d'un batteur névrosé à la limite de l'aliénation (voir photo), Kid Dakota s'est amusé à pousser le songwriting gentillet jusqu'à son extrême limite, jusqu'au moment l'émotion se noie dans un torrent rock and roll, dans une furie sans autre but que d'aller jusqu'au bout du bout.

Sur disque, visiblement, c'est beaucoup plus calme mais tout aussi émouvant. 10 000 Lakes, issu du dernier album du bonhomme, The West Is The Future, fait penser à du Sufjan Stevens exalté, mais version Minnesota. Un Minnesota au goût si particulier pour Kid Dakota puisque l'Etat est notamment connu pour ses nombreux centres de désintox. "I didn't come for ice-fishing/ I didn't come for duck hunting"...