28 mai 2006

MySpace Odyssey : et la Palme d'or est...

Avec son titre kubrickien, cette rubrique consacrée aux rencontres numériques de hasard devait tôt ou tard s'intéresser au cinéma. En ce jour de palmarès cannois, petit voyage chez les groupes cinéphiles...


Kim Novak dans Vertigo ("Sueurs froides") de Alfred Hitchcock (1958)

Hitchcock's Regret - Happiness (MP3)
Kim Novak - In The Mirror New (MP3)
Bergman Rock - Even Endlessness Begins (With An End) (MP3)
Cassavetes - An Ancient Mistake (MP3)

MySpace, supermarché numérique où les noms de films ou de réalisateurs, devenus marques, trouvent une deuxième jeunesse. On peut ainsi s'y délecter d'une new-wave italienne signée Murnau ou tenter de recenser les nombreux groupes de hip-hop baptisés Scarface...

Derrière ces emprunts, parfois beaucoup de cinéphilie. Ainsi, Mark Moldre, guitariste et chanteur du groupe australien Hitchcock's Regret, est aussi intarissable qu'érudit sur le pourquoi d'un tel nom : "Il vient du titre d'une interview d'Hitchcock où on lui demandait quel était le plus grand regret de sa carrière. Il a répondu qu'il avait toujours voulu adapter un livre appelé Mary Rose, mais que le studio, pensant que cela ne donnerait pas un bon film, lui avait fait signer, dès le début de sa carrière américaine, un contrat stipulant qu'il ne le réaliserait jamais..."

Aujourd'hui, Mark dit beaucoup apprécier Jean-Pierre Jeunet, ce qui est apparemment le cas de beaucoup de musiciens américains francophiles. Comme il aime aussi beaucoup Truffaut et les DVD de Wilco, et que le single Happiness, pop bricolée à la Eels extraite de l'album Endless Intermission, est plutôt accrocheur, on passera l'éponge...

Au sein de l'imposante carrière de Hitchcock, Mark vénère particulièrement Vertigo, dont l'héroïne est incarnée par Kim Novak... le nom d'un des groupes de cette sélection. Beaucoup de groupes disent s'inspirer de films (une phrase, une scène qui remontent soudainement à l'esprit) pour écrire ; je ne sais pas si c'est le cas de ces Français. Ce que je sais, c'est que leur rock classieux me rappelle mes chouchous de The National et que l'écoute de In the mirror new pourrait avoir pour clip un film de la Factory '67 avec Lou Reed et Nico ("I'll be your mirror"/"You'll be my terror").

Bien sûr, tout cela fait beaucoup de références, mais heureusement certains les envoient joyeusement balader. Prenez les Suédois de Bergman Rock (émanation de Bob Hund, dont notre collègue Absolut Noise a parlé ici), par exemple. Référence au grand maître austère ou à l'émouvante actrice ? En tout cas, les quatre ébouriffantes minutes de Even endlessness begins sont captivantes.

Les Américains de Cassavetes jouent aussi de leur nom avec fraîcheur : "Pour être honnête, nous avons choisi ce nom parce qu'il sonnait bien, pas vraiment en hommage au cinéaste, explique le guitariste et chanteur Robert Horlick. Nous n'avions vu aucun de ses films à l'époque !" (depuis, ils se sont rattrapés et adorent Meurtre d'un bookmaker chinois). Leur musique noire et cabossée (disponible sur l'album Funny things, en écoute intégrale ici) pourrait faire une bonne bande-son pour un inédit de Cassavetes. Qui, lui, préférait le jazz, mais c'est une autre histoire...

24 mai 2006

Une oasis dans le désert de Mojave


Mojave 3 - Breaking The Ice (MP3)

Mojave 3, cinquième album, et moi au point zéro. Je n'avais jeté qu'une oreille distraite au dernier disque du groupe, Spoon And Rafter, qu'on m'avait pourtant beaucoup vanté. J'avais même oublié les avoir vus en concert à la Route du Rock, il y a deux ans, le soir où un orage avait interrompu le set de Blonde Redhead (ou plutôt, je me souviens maintenant d'avoir vu un concert d'indie-pop pas déplaisante, mais... oubliable, justement). Bref, je n'accordais jusque-là pas grande attention à ce groupe né de deux anciens membres de Slowdive (Neil Halstead et Rachel Goswell). Du moins jusqu'à que leur nouveau disque, Puzzles like you, vienne me remettre les idées en place.

Puzzles like you, c'est tout simplement ce que tous les bons groupes de sunshine pop de ces dernières années (Hal, The Thrills, The Magic Numbers) n'arrivaient pas à faire : un disque accompli de bout en bout, aussi à l'aise dans les ballades (le légèrement countrysant Running with your eyes closed, l'épuré Most days) que dans les cavalcades pop (les radieux Breaking the ice - le premier single - ou Truck-driving man). Le tout sans afféteries, sans voix exagérement retravaillées pour tutoyer les anges, sans l'ombre des Beach Boys planant au-dessus de l'épaule des musiciens. Du classic rock dans le bon sens du terme, sans solos de guitare, mais où les influences sont brillamment digérées avec personnalité. Une vraie pop ensoleillée qui ne déparera pas ce été. D'ailleurs, pendant que j'écrivais ce post en réécoutant le disque, cet après-midi, j'ai vu au moins trois averses et autant d'éclaircies (je suis en Bretagne), mais mes oreilles, elles, n'ont eu droit qu'à du beau temps.

21 mai 2006

Un General nordiste de New York


Certain General - Only A Dream (MP3)
Certain General - Dachau Now (MP3)
Certain General - Fly Me To Berlin (MP3)

La hype 2005 vaut-elle la hype 1985 ? J'ai découvert les New-Yorkais de Certain General il y a quelques mois, grâce à un papier de Technikart où on les comparait, buzz oblige, à leurs compatriotes de Clap Your Hands Say Yeah. Un parallèle quelque peu exagéré : CYHSY a été courtisé par les maisons de disques quelques mois après son explosion sur le Net, alors que Certain General, lui, dut attendre l'offre d'un label français (L'Invitation au Suicide, basé au Havre) pour publier November's Heat, son premier album, puis son mythique EP These Are The Days (dont on peut écouter des extraits, en qualité très médiocre, ici). Les musiciens iront jusqu'à se surnommer eux-mêmes "le groupe invisible de New York".

Méprisé dans son propre pays, aimé dans l'Hexagone : le phénomène n'est pas nouveau, et se reproduira par la suite (le cas Jeff Buckley, notamment, bien plus populaire chez nous). Le romantisme noir de Certain General séduit la France, et November's heat est élu album de l'année 1984 par plusieurs journaux. Le groupe a même droit à la une et un portrait d'une page dans Libération en février 1985...

Presque une aberration tant cette musique, tiraillée entre son cerveau new-yorkais (la scène post-punk symbolisée à l'époque par Liquid Liquid, ESG ou les Sonic Youth débutants, tous regroupés, ainsi que Certain General d'ailleurs, sur les deux compilations New York Noise) et ses jambes anglaises, a peu pour faire danser les foules. D'Outre-Manche, Certain General a en effet ramené du noir à broyer : le psychédélisme punk pulvérisé du Unknown Pleasures de Joy Division (l'intro de Only a dream ressemble d'ailleurs beaucoup à celle de Ceremony, le premier single de New Order) et la rigueur martiale et fiévreuse du Heaven Up Here de Echo & The Bunnymen.

Forcément, avec de telles influences, le climat est agité. Les mots November's Heat s'affichent sur une photo sépia de marais et, en terme de froidure hivernale et de miasmes, on est servis. Les instruments cinglent comme une grêle monocorde sur une fenêtre, le chant ténébreux de Parker Dulany emmène l'auditeur en salle de tortures : c'est Dachau now, plus Joy Division que jamais. Mais parfois, soudainement, les guitares s'éclaircissent à l'horizon, le refrain devient plus pop et on passe de la cold-wave gothique à un rock presque délicat (Only a dream) ou un post-punk vif proche de Gang Of Four (Fly me to Berlin, enregistré en mai 1981 et produit par Peter Holsapple des dB's). Ne jamais oublier une chose : depuis 1967, la plupart des groupes new-yorkais descendent du Velvet, soit le groupe qui a su aussi bien composer Sunday Morning que European Son.

18 mai 2006

On the corner of Arthur Lee & McGuinn


Shack - Shelley Brown (MP3)

Il y a quelques années, une bande de jeunes liverpudliens, les Boo Radleys, avait emprunté le titre de son chef-d'oeuvre à un grand disque de John Coltrane : Giant Steps. Apparemment, sur les bords de la Mersey, on aime le jazz et ses génies : Shack revient aujourd'hui avec son cinquième album, intitulé On the corner of Miles & Gil, en référence à Miles Davis et son arrangeur Gil Evans.

Un titre qui claque pour, espérons-le, vendre une dizaine d'albums de plus que d'habitude (et "d'habitude", pour Shack, c'est peu). Car à part ça, rien de vraiment changé du côté de chez Michael Head, qui n'a jamais vraiment quitté la Pacific Street des Pale Fountains (1983), mais y a au contraire vieilli avec beaucoup de classe.

On retrouve donc sur On the corner... les mêmes beautés - mélodies carillonnantes et parfaites, grain de voix émouvant - que sur Here's Tom with the weather (déjà un grand disque sorti dans l'indifférence générale, il y a trois ans). Plus une petite transe jazzy (Funny things), quelques poussées électriques (Black & white, Closer), des arrangements luxuriants (Moonshine). Et au moins deux ballades belles à pleurer : Shelley Brown et Finn, Sophie, Bobby & Lance. On ne sait pas qui sont tous ces gens, mais ils ont de la chance d'être cités sur de pareilles merveilles.

On pourra citer d'autres noms, par contre, et pas n'importe lesquels : Love ou les Byrds. Shack incarne aujourd'hui à merveille ce qu'auraient pu devenir ces gloires sixties si elles n'avaient pas explosé prématurément. On the corner of Miles & Gil est un chef d'oeuvre intemporel. Vous pouvez attendre de le découvrir dans cinq ans (cela risque hélas d'être au fond d'un bac à soldes, ou au compte-gouttes et au prix fort en import) ou avec sa réédition dans vingt ans, ou vous pouvez vous lancer tout de suite. Et d'ores et déjà lui réserver une ligne dans votre top de fin d'année.

17 mai 2006

Montel, disco king


Montel - Disco King (MP3)
Montel - Le chien qui boîte (MP3)

Je n'ai jamais fait de skate et je m'en veux. Après avoir vu l'excellent Wassup Rockers de Larry Clark et sortant tout juste de la non moins excellente expo Skate* à Lille, je dois dire que je fais une certaine fixation sur ce sport de rue, image idéale de la branlitude. Alors découvrir un artiste indie venu de la culture skate, évidemment, ça me fait plaisir.

Montel a 32 ans mais il fait encore du skate. Branleur, donc : une différence avec Katerine auquel il peut faire penser. Autre différence, Montel cultive la nostalgie des débuts du rap, à l'époque où l'électro et le hip-hop se confondaient en un genre urbain ultime. Montel dédie même une chanson à la mythique émission de Sidney sur TF1, H.I.P H.O.P. Pour le reste, on retrouve le surréalisme amusé et la tentation du dancefloor à la Katerine. "Un des seuls Français modernes que j'apprécie vraiment", nous explique d'ailleurs Montel.

Montel, réfugié depuis quelques temps à Bruxelles (y a t-il des meilleurs spots de skate ?), peaufine son premier album en solo Dans mes rêves, qui devrait sortir à la rentrée. Le chien qui boîte, ici en version non définitive, est un extrait de cet album. Un groove impeccable et des paroles savoureuses (Le chien qui boîte/N'attrape plus de chattes/Sans son hobby/Il dépérit). Quant à Disco King, bombinette électro-dancefloor, c'est un titre extrait de la BO des Poupées Russes de Cédric Klapisch (!!?).

15 mai 2006

MySpace Odyssey : Television Personalities

Interprétations diverses lance aujourd'hui une nouvelle rubrique : régulièrement, nous plongerons dans MySpace avec pour seule boussole un groupe, une ville, un mot, bref un concept. Les légendaires Television Personalities, qui viennent de sortir My dark places, ouvrent le bal.


Woog Riots - King Of Pop (MP3)
The Venue - Far Too Many Ways (MP3)
Billy Boloby - Better Wait (MP3)
Baskervilles - I danced with Kate Moss (streaming)

“On a eu des billets pour deux ou trois de leurs concerts... finalement tous annulés.” Les Suédois de The Venue en témoignent : pas facile tous les jours d’être fan des Television Personalities. Et pourtant, la bande de Dan Treacy en a, du genre obsessionnels, prêts à se mettre en quatre pour venir en aide à leurs idoles. “Nous nous sommes écrits alors qu’il était en prison [pour vol à l’étalage], mais je ne lui ai jamais parlé. Nous avons lancé un concert de bienfaisance en sa faveur en 2004, et il nous en a très gentiment remerciés dans plusieurs interviews, en disant que nous l’avions aidé à obtenir un contrat discographique avec Domino”, explique Rob Keith, des New-Yorkais Baskervilles. Silvana Battisti, des Allemands de Woog Riots, a elle rencontré Treacy : “Il m’a fait l’effet d’être l’homme le plus timide du monde. mais j’ai encore la chair de poule quand je pense à cette rencontre...”

Aujourd'hui, on trouve des petits Television Personalities un peu partout (sur deux tributes notamment), en Angleterre, aux Etats-Unis, en Scandinavie, en Allemagne. Tous fans d'un songwriter "triste et heureux, ironique et naïf" (Marc Herbert, des Woog Riots), “qui a gardé le meilleur des sixties et du punk en réussissant à ne sonner comme personne d’autre” (Rob Keith). Des groupes qui mériteraient de connaître aussi leur quart d’heure de gloire à la Part-time punks (single vanté par les gars de The Venue : “Ce rythme syncopé, ces choeurs je-m’en-foutistes, ce titre fantastique !”).

J'aime notamment leur goût pour un pop-punk chanté comme ça vient à la And don’t the kids just love it (Billy Boloby), pour un psychédélisme doux à la Mummy you’re not watching me (The Venue) ou pour l’épinglage pince-sans-rire du milieu pop (Woog Riots, Baskervilles). La période la plus sombre du groupe, qui engendra notamment l’excellent The painted word, inspire apparemment moins tous ces heureux musiciens. Même si on conseillera aux Baskervilles, auteur de l’excellent I danced with Kate Moss, de faire gaffe à la chute : Pete Doherty est peut-être jaloux...

12 mai 2006

Revue de presse

Il n'y pas que les blogs dans la vie : régulièrement, Interprétations diverses regroupera ici une sélection d'articles rock piochés sur le web.



“Il est Canadien,
il ne peut même pas voter. Il vit aux Etats-Unis depuis 40 ans, et il n’a jamais pris la peine de demander la nationalité américaine. Et c’est ce squatteur du pays des élans et de la police montée qui nous demande de destituer notre président !”
. Neil Young, dont le nouvel album, Living with war, contient un brûlot anti-Bush, énerve les néos-conservateurs américains de la National Review.

“Dans mon esprit, les “Gobos” resteront la bande-son de ma vie à Brisbane. Je n’oublierai jamais cet été 1982 où je vivais dans une maison de Milton, au milieu des arbres en fleurs : les hippies, l’amour libre, de la bonne herbe, aucune responsabilité, les visites des flics, et les Go-Betweens et les Laughing Clowns sur la chaîne stéréo, 24 heures sur 24, sept jour sur sept.” Le Sydney Morning Herald a ouvert un forum (très fréquenté) sur Grant McLennan, le chanteur des Go-Betweens, décédé le 6 mai.

“Il a commencé à raconter une histoire obscène à propos de Brigitte Bardot et d’une bouteille de champagne, mais il était trop bourré pour se rappeler la fin. Il a titubé sur scène et s’est littéralement effondré sur le siège le plus proche. Alors que la salle l’ovationnait, je restais stupéfait”. Nick Kent admire le génie musical de Gainsbourg, mais il a aussi été forcé de passer une semaine avec Gainsbarre fin 1988, souvenir qu'il évoque pour le Guardian.

“J’ai hésité à abandonner mon pseudo au moment de Scott 4, à ne plus publier mes chansons que sous le nom d’Engel... Mais quelques années après, pendant ma traversée du désert, quand je suis devenu un pestiféré, je me suis dit que ça n’allait pas empêcher les gens d’acheter mon album, ou au contraire leur en faire acheter plus.” Scott Walker a accordé pas mal d'entretiens récemment (voir les portraits des Inrocks, de Technikart, Télérama...) et le plus passionnant est publié en version intégrale par Wire.

11 mai 2006

Sonic Youth un peu moins "dirty"


Sonic Youth - Incinerate (MP3)
Sonic Youth - Pink Steam (MP3)

La chronique d'un disque de Sonic Youth est un cadeau empoisonné. Une fois qu'on a dit que l'album est très bon, on n'a rien dit. Ce n'est pas une info, on le sait déjà, on s'en doute bien que le disque est excellent. Ce qu'il faut, c'est pouvoir le soupeser, le comparer aux quinze autres, lui trouver une place dans le train infernal que constitue la carrière du groupe. Pouvoir le placer en première ou seconde classe (ou cas exceptionnel, le reléguer dans le wagon-restaurant). Savoir ensuite lui trouver le bon wagon, là où il se sentira le mieux : la trilogie bruitiste (Evol, Sister, Daydream Nation), la première période "Geffen" (Goo, Dirty) ou l'âge adulte (Experimantal Jet Set, Trash and No Star, Washing Machine).

Je ne sais pas si Rather Ripped, dernière production du quatuor new-yorkais, mérite la première ou la seconde classe. Tout ce que je sais, c'est que j'adore ce disque, comme j'étais tombé en amour devant Sonic Nurse en 2004. A une différence près : alors qu'il faut normalement entre 6 et 10 écoutes pour apprivoiser pleinement un album de Sonic Youth, Rather Ripped est moins sauvage au premier abord et deux écoutes attentives suffisent. Aussi pop dans ses instrumentations que dans ses structures (la moitié des chansons durent moins de 4 minutes), ce disque possède néanmoins cette force lancinante et quasi mystique qui irrigue tous les albums de Sonic Youth. Ce qu'on appelle, faute de mieux, le versant "sonic" du combo new-yorkais. Aussi indéfinissable qu'inaltérable.

Le format pop de Rather Ripped le rattache plutôt à la période Goo-Dirty, un moment où Sonic Youth a commencé à diluer sa force de frappe dans des impératifs commerciaux liés à la signature sur la major Geffen. Les fans hardcore des débuts ont pu crier au scandale, les autres se régalèrent de ce nouvel ordre sonique. Aujourd'hui, l'âge aidant, on fait plus facilement grâce aux New-Yorkais de lâcher un peu de lest du côté de la dissonance. Et pourtant, les cinquantenaires restent les messsies du larsen. Il suffit de voir leur récent concert à la Maison de Radio, où malgré le côté vieillot du cadre, Thurston Moore et Lee Ranaldo se sont offerts une séance de 10 minutes de dissonance, tentant même des slams sur le public. Comme des adolescents, défiant un service de sécurité imbécile.

Incinerate et Pink Steam sont deux morceaux de bravoure de Rather Ripped. Deux titres qui illustrent une nouvelle fois la théorie de l'edelweiss : la grâce pousse même en milieu hostile.

10 mai 2006

Sing when you're (not) winning


Trophy Boyz - Name on the cup (streaming MySpace)
Trophy Boyz - Do the Dudek (MP3)
The Turnstiles - Hansen's eyebrows (streaming MySpace)

L'Angleterre aime bien chanter la gloire (The Rainbow Choir clamait Ryan Giggs we love you, morceau disponible sur l'intéressante compile This is SoFoot) ou la déconfiture (And David Seaman won't be very happy about that, morceau du supergroupe The Lillies, fan de Tottenham) de ses stars du foot. Cette année, j'aurais bien imaginé un morceau titré Wayne Rooney I pray for your leg, mais apparemment personne n'a encore eu l'idée.

Heureusement, les Anglais se sont quand même lancés dans un grand concours (via la BBC Sport) de chansons propres à pousser leur équipe nationale vers un destin mondial (les huitièmes de finale, au mieux ?). On se souvient qu'en 1990 ils étaient allé chercher New Order et leur World in motion qui réclamait "E for England" ("des ecstas pour l'Angleterre"). Malheureusement, les Lineker boys n'avaient pas connus l'extase du succès et s'étaient arrêtés en demi-finale face à l'Allemagne.

Petite déception cette année : mon favori dans la sélection de la BBC, Name on the cup des Trophy Boyz, n'a pas été retenu, au profit des Turnstiles et de leur Hansen's eyebrows, beaucoup moins puissant. Avec sa rumeur de kop en ouverture, son rythme syncopé, ses choeurs éthérés, Name on the cup est pourtant très efficace et son refrain hilarant ("Let's show them who's in charge/Just like Saint George and the dragon/You're our superstars/And 4-4-2's enough") s'incruste vite dans le cerveau.

Ce qui a sans doute desservi le groupe est sa témérité, puisqu'il avait osé sortir l'an dernier un single (nettement plus orienté dancefloor que tribune, celui-là) dédié à Jerzy Dudek, le drôlatique gardien des Reds, un peu plus chanceux que d'habitude en finale de Ligue des Champions. Une admiration sans doute kamikaze au moment de pousser sa sélection nationale vers une coupe qui la fuit depuis 1966. Mais bon, les chants désespérés sont les chants les plus beaux...

09 mai 2006

Les enfants du capitaine Grant


The Go-Betweens - Streets of your town [Live] (MP3)

Samedi après-midi, Fnac de Lille. A la recherche d’un disque pour l’anniversaire de mon frère, je fouille le bac “Go-Betweens”. Je n’y trouve - à un prix prohibitif - que le dernier album en date, Oceans apart, et les disques solo de Grant McLennan, que je n’ai jamais écoutés. J’ai bien le temps… Samedi soir, dans un bar, texto de Vincent : « Triste disparition aujourd'hui... ». Grant McLennan, chanteur-guitariste des Go-Betweens, est mort samedi à Brisbane, à l’âge de 48 ans. Tout est dit. Qu’ajouter de plus (hormis un MP3 rare à votre iPod : un extrait d'un concert à Londres en 2004) sans radoter sur un groupe qu’on a déjà défendu ici et ?

Alors qu’une averse de printemps (just like spring rain…) tambourine au carreau depuis le matin, reste la solution impressionniste. Se raccrocher à des images, des vagues souvenirs, quelques mots. La pochette de Before Hollywood, belle comme un tableau d’Edward Hopper, tout en tons orangés et clairs-obscurs, où McLennan se tenait en chemise à carreaux, comme un éternel étudiant. Le souvenir ébloui et amer d’un concert à Tourcoing, où il se tenait légèrement en retrait sur scène, un peu à gauche de Forster le dandy ténébreux, devant un parterre presque exclusivement trentenaire (hélas). Une réflexion idiote : McLennan, ça sonne comme Macca + Lennon, ce qui a sûrement une signification dans un groupe déjà si faux jumeau. Ma découverte éblouie de ce joyau qu’est Love goes on, dont j’ai longtemps cru qu’il était du métal doré dont on fait les génériques de séries télé. Cette phrase de Spirit à trimballer sur soi comme une bouteille où noyer un chagrin : « Do you have any whisky ?/Don’t like to drink but I like to know that it’s along there with me ». Toutes ces petites traces sans importance que laissaient au quotidien les Go-Betweens comme les amoureux laissent leurs initiales sur le tronc d’un arbre. Les marques d’une discographie sans failles : racines sèches des débuts (Send me a lullaby, Before Hollywood), bourgeonnement pop (de Spring hill fair à 16 lovers lane), maturation des chefs d’œuvre du groupe reformé et bien vieilli.

McLennan, qui semblait du chêne dont on fait les centenaires, est mort dans son sommeil, en artisan du rock. Dans leur imagerie ou leurs textes, les Go-Betweens semblaient fascinés par le western : on l’aurait bien vu y incarner le menuisier de la petite ville, celui qui taille ses chaises (ou ses cercueils…) sans discontinuer en laissant passer les diligences et les locomotives. C’est l’épitaphe qu’il laissera à tous les comptables du rock : il a sculpté, dans le bois de sa guitare, la moitié des chansons de l’un des groupes pop les plus attachants des vingt dernières années. Moi, je le remercierai simplement de m’avoir fait partager sa peinture des sentiments, son artisanat grand public et indépendant à la fois, son amour austral des terres atlantiques et sa raideur new-wave d’un fan des Mamas & Papas, en bon trait d’union, passeur, intermédiaire (go-between) qu’il était.

08 mai 2006

The Phoenix sun


Phoenix - Honeymoon (MP3 from United)
Phoenix - Congratulations (MP3 from Alphabetical)
Phoenix - Long Distance Call (MP3 from It's Never Been Like That)

On a tous un groupe qui a marqué notre adolescence. Né en 1985 et ayant découvert les Inrocks en 2000, ça ne pouvait être The Smiths, Sonic Youth ou Nirvana ; ce fut Phoenix. A l'époque, je suis en Première, j'ai un vague pote qui fait du skate, qui chope plus de filles que moi et qui écoute du néo-métal. Un après-midi où je squatte chez lui, je regarde ses disques et au milieu des CD des Red Hot et de Watcha, je découvre un disque gravé et bardé de la simple mention "Phoenix". Sur la foi du single If I Ever Feel Better qui passe en boucle sur MTV, je lui emprunte le disque. Je ne lui ai toujours pas rendu.

United, le premier disque de Phoenix m'emballe d'emblée. Ca ne ressemble à rien de ce qui s'écoute alors au lycée. Ce n'est pas un disque cohérent comme le OK Computer de Radiohead ou le Showbiz de Muse. C'est un disque bordélique qui part dans tous les sens, qui va du plus raffiné au plus putassier, de la pop la plus collante aux riffs les plus repoussants. Les critiques taxeront cette musique de "pop d'ameublement" pour "gosses de riches", de "disque d'agrément" à la sauce "californienne". Pour ma part, je n'en retiendrais qu'un titre, un seul, Honeymoon, que je me repasserais en boucle des heures durant, au lieu d'écouter Difool sur Skyrock. Un titre bubblegum au romantisme surranné, un titre qui te fais rêver en des amours californiens alors que la voiture de tes parents t'emmène chez ta grand-mère à Metz. Un titre indépassable dans mon panthéon personnel.

Leur deuxième album, Alphabetical, m'a pas mal déçu. Alors que la critique devenait, d'un coup, acquise au groupe, je découvrais un disque poussif et trop policé. Comme si Phoenix avait retenu les leçons de son premier album et avait stoppé ses prolifiques égarements. Fini le mauvais goût, juste du bon goût chiant et tiédasse. Je sauvais quand même l'instrumental Congratulations où Phoenix lâchait la bride et s'offrait un vrai funk organique.

Les Versaillais sont aujourd'hui de retour avec leur troisième album, It's Never Been Like That. J'ai pu en entendre une bonne moitié et rien ne change vraiment sous le soleil de Phoenix. Le disque, plutôt engageant, a une vraie cohérence comme le précédent. Mais je risque encore de regretter l'époque bénie d'United, quand les Versaillais semblaient tout juste sortis du lycée, avec des influences encore mal digérées et l'ambition de choper plein de filles. Aujourd'hui, le chanteur Thomas Mars s'en fout. Il sort avec la fille la plus convoitée de la terre, Sofia Coppola.

07 mai 2006

Revue de web

Le grand retour des revues de web, concentrés de nos divagations sur les MP3 blogs. Petite nouveauté : dorénavant, on se tait et on laisse parler le web.


Kelis - Bossy (MP3)
"Dans 10 minutes, Bossy sera sur toutes les stations de radio et on va tous en être malade. Ce n'est pas tout à fait aussi infectieux que Milkshake, mais Kelis est de retour avec sa marque de fabrique, son ghetto-gutter-lo-tech-hip-hop."
(Travis sur Big Stereo)
"C’est tout simplement un autre pur son girly, avec beaucoup de gaieté."
(Kelis citée par Culture MP3)


Margot & The Nuclear So & So's - Skeleton Key (MP3)
"Le groupe basé à Indianapolis n'est pas une joyeuse bande de potes dopée au whisky-joint comme son nom me le laissait imaginer, mais plutôt un ensemble élégant [...] rappelant par moment Matt Pond PA et Nada Surf"
(Frank sur Chromewaves)
"Leurs concerts sont un must-see. Les 8 membres sur scène déployent une énorme énergie, c'est une profusion musicale qu'il faut vivre."
(Dodge sur My Old Kentucky Blog)


Wu-Tang Clan - I can't go to sleep (MP3)
"Ghostface et RZA forment un duo explosif. Et comme si cela ne suffisait pas, ajoutez un peu de Isaac Hayes dans le mélange et utilisez en fond un morceau produit et arrangé par Burt Bacharach."
(Cameron (Architecture In Helsinki) sur La Blogothèque
)
"Sur The W, deux couplets feront définitivement basculer Ghostface dans un ailleurs peu exploré. En effet, en ouverture des titres I can't go to sleep et Jah world, Ghostface s'essaie au rap pleuré puis au rap prié. Les fans posent un genou à terre. La concurrence aussi."
(Anthokadi sur Abcdrduson.com
)


The Go-Betweens
- Streets Of Your Town (MP3)
"Une pensée pour Grant MacLennan, moitié des Go-Betweens, qui nous a quitté aujourd'hui.
La réécoute de leur parfait 16 lovers lane n'en sera que plus mélancolique."
(Mister Blog sur Pardon My Freedom)
"Le petit monde de la pop raffinée est en deuil."
(Pierre sur La Blogotheque)

Interprétations Diverses reviendra dans quelques jours, plus en détail, sur la carrière de Grant MacLennan. Lui que l'on avait vu en concert il n'y a même pas un an...

04 mai 2006

Crack City Rockers, le chant des artisans


Crack City Rockers - Cab It Home (MP3)
Crack City Rockers - L'Amour (MP3)

Fiche d'identité rapide : les Crack City Rockers se sont formés à Portland, Oregon, en 1999, et se définissent comme "les 13th Floor Elevators dirigés par Allen Ginsberg". Je suis tombé sur leurs morceaux en tapant un autre nom, celui des Apartments, dans la liste des influences sur MySpace. Des filiations pas tellement évidentes à l'écoute des morceaux disponibles sur leur page. Mais le groupe a d'autres qualités, celles de la bonne vieille formation indépendante à l'ancienne : les membres posent en photo dans un Wall-Mart de banlieue (la classe), ont deux-trois références intello (Oscar Wilde, Guy Debord) pour frimer quand ils emmènent leurs petits frères à la fac, et des influences rock cultes (Only Ones, Alex Chilton). En plus, leur guitariste propose de vous faire une copie sur CD-R de leur EP épuisé.

Du rock comme à la maison, donc, vraiment artisanal. Des bonnes chansons sans prétention. Cab it home, petit tube en puissance, avec le solo de guitare de rigueur au milieu (ne pas oublier que dans power-pop, il y a "power"). L'Amour, belle pop-song saccadée à reprendre en choeurs en concert. Des morceaux qui ne changeront pas votre vie, mais rendront plus gaies vos trois prochaines minutes.

03 mai 2006

Hot pas si cheap


Hot Chip - Over And Over (MP3)
Hot Chip - And I Was A Boy From School (MP3)

Ce matin, mon désoeuvrement numérique m'a fait tomber sur un article publié sur Playlist, le blog musique de Fluctuat. J'y découvre l'impatience d'un bloggeur qui a entendu quelques extraits du futur album de Hot Chip et qui en attend plus : la sortie officielle le 22 mai. Tiens, tiens... Je fouille dans mon iTunes et retombe sur ce disque en MP3. Les 12 titres de The Warning sont endormis, bien calés dans une sorte de maison de retraites pour MP3 tiédasses. L'article de Playlist m'incite à les réévaluer, eux que j'avais téléchargé il y a de cela deux mois et que j'avais, comme tant d'autres, laissé mourir à petit feu. A la merci de la moindre canicule venue.

Une première écoute me ramène à la même conclusion qu'auparavant : The Warning n'est qu'un album moyen, limite chiant, tout juste parsemé d'un single robotique et sautillant, Over And Over. Mais bref, tout ça manque de chair. Et puis, à force d'écoute, le vernis de cette électro désincarnée s'écaille, laissant apparaître une vraie chaleur. Celle de la soul, par exemple, que l'on retrouve sur le magnifique And I Was a Boy From School. Sur un beat élastique, digne du Royksopp de la grande époque, Hot Chip livre une chanson nostalgique qui colle à la peau, comme un chewing-gum sur un sac Eastpak.

Un autre titre sort du lot, Arrest Yourself : précisément quand Hot Chip montre les dents et sort l'artillerie hip-hop. A l'inverse, quand les Anglais jouent uniquement la carte électro-pop, c'est carrément moyen (Tchaparian). Comme souvent, dans la pop anglaise, plus c'est métissé, mieux c'est. Suffit de regarder The Go ! Team.

02 mai 2006

Bac d'anglais, option rock

Des études de marché l'ont prouvé : notre lectorat est jeune, très jeune. Interprétations diverses lance donc son service de révisions (bientôt payant) pour tous ces jeunes paresseux qui ont passé leur temps dans les manifs plutôt que réviser leur bac.


The Divine Comedy - Bernice bobs her hair (MP3)

« De tous les sujets de conversation de Bérénice, le plus apprécié était celui qui touchait à son intention de se couper les cheveux court.
- Alors, Bérénice, quand te fais-tu couper les cheveux ?
- Après demain, peut-être, répondait-elle en riant. Est-ce que vous viendrez me voir ? Je compte sur vous, vous savez.
- Dépêche-toi.
Bérénice, qui ne voulait se faire tondre que pour des raisons inavouables, s’empressait d’éclater de rire. »
(Francis Scott Fitzgerald, Bérénice se fait couper les cheveux, nouvelle publiée en 1920, disponible dans le recueil Un diamant gros comme le Ritz).

« Marjorie had told her what to wear to the parties/Marjorie had told her what to say to the boys/Now Marjorie was jealous of her social advances/And presented her with this choice : "Bernice, bob your hair/You've persistently declared/This intention/Do you dare to disagree"» (The Divine Comedy, Bernice bobs her hair, sur Liberation).

A la lumière de ces deux extraits et de ce post sur Elliott Murphy, analysez l’impact de Francis Scott Fitzgerald sur la musique pop de 1954 à nos jours. Documents autorisés. Ramassage des copies dans quatre heures.