29 novembre 2006

It's a short way to the top (2006)



Cette année, un classement au moins s'annonce aussi indécis que celui de la Ligue 1 de foot : celui de vos disques préférés de 2006. Rock américain à l'ancienne, jeunes branleurs anglais, danses fluos, il y en a eu pour tous les goûts et surtout pour toutes les couleurs. Sufjan Stevens, qui a voulu mettre toutes les chances de son côté en sortant deux albums cette année, sera-t-il réélu ?

D'ici le 31 décembre, vous pouvez en tout cas voter pour vos dix albums préférés de 2006 en répondant dans les commentaires de ce post ou en envoyant un mail à impunite.zero(at)gmail.com.

28 novembre 2006

Primary colors


Pour la France, il suffit d'adapter légèrement les personnages : de gauche à droite, Nicolas Sarkozy, Michel Sardou, Ségolène Royal et Jean-Jacques Goldman

Piste 1 (MP3)
Piste 2 (MP3)
Piste 3 (MP3)
Piste 4 (MP3)

La campagne électorale est lancée, Interprétations diverses se lance donc dans le lèche-candidats. On ne sait jamais, dès fois que le premier geste de Ségolène Royal, une fois à l'Elysée, soit de légaliser les MP3 blogs pour services rendus à la patrie musicale... On a donc décidé de rendre hommage aux futurs candidats en chansons, et de vous faire participer (oui, nous aussi on est pour les campagnes participatives).

A vous de trouver les titres de ces quatre morceaux - évidemment sélectionnés en toute mauvaise foi, sur la foi de lyrics parfois (mal)habilement détournés -, et d'attribuer à chacun son candidat de gauche. Pas très difficile, il suffit d'écouter attentivement ce que vous disent les chanteurs ("J'en ai vu beaucoup depuis 23 ans, j'ai été frénétique, déprimé, j'ai écrasé quelques larmes", "Ne parlez pas de révolution : c'est aller un peu trop loin", "Ils sont ignorants, je ne comprend pas comment un rassemblement chaque week-end peut changer les comportements", "Les leçons du passé ont été apprises dans le sang des travailleurs"...)

Le premier à donner toutes les bonnes réponses remportera trois vraies chansons de campagnes présidentielles, du temps où elles n'étaient pas sonorisées par Gérard Presgurvic ou Jean-Jacques Goldman.

(Extrait du règlement : ceux qui copieront des bouts de paroles dans Google pour chercher les titres seront envoyés en camp de redressement militaire).

27 novembre 2006

On va juste avoir le temps de Deerhoof


Deerhoof - +81 (MP3)

Friend Opportunity, neuvième album de Deerhoof (en... onze ans), a un seul vrai défaut, mais il est de taille : il ne sort qu'en janvier 2007, et ne pourra donc pas venir occuper une place évidente dans les tops de la tristounette année 2006. A part ça, il est aussi jouissif à écouter que compliqué à décrire, puisque c'est le genre de disque qui ne ressemble à rien mais qui réussit presque tout.

On peut certes en faire une chronique descriptive (guitares noisy mais lignes mélodiques limpides, morceaux tout en hachures sonores ou comptines sucrées, garage déviant et orgues comme à l'église), citer des références ou opérer des rapprochements (Broadcast, pour l'équilibre parfait entre expérimentation et mélodie, ou Blonde Redhead, groupe-cousin de Deerhoof depuis le début), pointer le bel oecuménisme de l'album (35 minutes au total, pour attirer les fans de punk, mais un morceau de 11 minutes, pour plaire aux profs de maths) ou même tenter un résumé à la con que la maison de disques pourrait utiliser pour un sticker (je suggère "Rehearsing my choir des Fiery Furnaces, mais avec de grandes chansons").

Mais rien qui parvienne à vraiment donner une idée précise de ce très bon disque presque entièrement fait de petits détails. Personnellement, en tout cas, j'attribue le César du meilleur second rôle aux trompettes de +81, d'ores et déjà une des mes chansons préférées de l'année... prochaine.

26 novembre 2006

Guy Clark caramélise le country-rock


A gauche, avec son ami Townes Van Zandt.


Guy Clark - L.A. Freeway (MP3)

Prénom : Guy. Nom de famille : Clark. Guy Clark. Guy comme pas mal de gens pas spécialement intéressants, Clark comme deux membres (morts) des Byrds, l'un des plus connus et l'un des plus méconnus, puisque batteur (on parle souvent de guitares byrdsiennes, rarement de batterie byrdsienne...). Guy Clark. Sérieusement, avec un tel nom, comment voulez-vous devenir un mythe rock ? Aucune chance. Autant vouloir devenir une star de la variété française en s'appelant Jean Durand.

Guy Clark, donc. Un nom ringard, mais un musicien qui sort toujours des disques. Il a même publié la semaine dernière un album, Workbench songs. Je ne l'ai pas écouté (des extraits sont dispo sur sa page MySpace), mais, à moins qu'il ne contienne une chanson anti-Bush ou un hommage aux Dallas Mavericks (Guy Clark est du Texas), pas sûr qu'il diffère fondamentalement de Old No. 1, son premier album, publié en 1975.

Old, sans doute le mot que Guy Clark prononce le plus de fois dans ce disque, l'épithète étant généralement accolé à un nom bien américain. Dès 1975, on croise chez lui un vieux cowboy, de vieux desperados, on fait la fête un vieux 4 juillet, et il y a sûrement un vieux drapeau américain qui traîne dans un coin. On joue sur de vieilles guitares (pas trop fort, pour ne pas les casser), on bricole un vieux piano ou un vieux violon, et on fait de la bonne musique de vieux (Johnny Cash) ou même de morts (les Byrds, Gram Parsons). Voilà donc du country-rock sans l'excitation de l'invention, ni la beauté brûlée du hippie converti à un genre impie. Le meilleur de la musique populaire américaine, gentiment caramélisé par le poids des ans et l'absence même de tout enjeu. En bref, un disque crème brûlée. Et ni voyez aucune allusion à un fameux titre de nos vieux amis de Sonic Youth.

24 novembre 2006

They are not from Barcelona


Tilly And The Wall - Sing Songs Along (MP3)
Tilly And The Wall - Rainbows In The Dark (MP3)

Les Tilly and The Wall ont débarqué sur mon ordi à la faveur d'un clip très séduisant déniché sur la Superette. Cette vidéo a quelque chose d'historique : en déambulant dans des fripes fluo dégueulasses, les musiciens du groupe réalisent un crossover inédit entre la culture indie et la culture fluo. Au-delà du schisme vestimentaire, le titre Sing Songs Along rappelle les meilleurs moments de I'm From Barcelona (à l'époque où ils n'avaient encore sorti qu'un single).

Tilly And The Wall s'inscrit dans la longue liste des groupes dits "jubilatoires" qui font les fous sur scène et deviennent des bons clients pour les concerts à emporter de la Blogothèque. Pour ne pas tomber dans la redite, contentons-nous ici de citer les adjectifs qu'utiliseront les critiques pour parler de Bottoms Of Barrels, le nouvel album du groupe : "frais", "enfantin", "régressif", "communicatif", "euphorique"...

Chouette, en somme.

23 novembre 2006

Viens faire un tour dans mon Pickups


Silversun Pickups - Lazy Eye (MP3)
Silversun Pickups - Well Thought Out Twinkles (MP3)

Oh, ça fait plaisir un album de mauvais goût. Dans ce domaine, les Silversun Pickups sont des cumulards : nom de merde, pochette de merde, chanteur façon emo-rock, bruit inutile, 5.0 dans Pitchfork, la Blogothèque qui en parle en 2005 et puis plus rien. Pourtant, Carnavas, leur premier album, a atteri sur mon iPod et a connu quelques instants de gloire lors de mes siestes dans le métro.

Qu'est ce qui peut bien me plaire dans cette musique héritée des sales années 90, maturée au son des Smashing Pumpkins ? Peut-être bien cette science de l'excès au profit de la cause mélodique. Le genre de truc lourd (mais léger) qui te plonge dans un sommeil cotonneux. Le métro peut filer, les stations défiler, ne reste que le souvenir diffus d'un moment d'abandon.

Je ne vois pas d'autre explication.

21 novembre 2006

Jus de Pulp de trois ans d'âge


Pulp - Please don't worry (MP3)

Si un jour, un statisticien désoeuvré a l'idée saugrenue d'analyser les sessions de feu John Peel, il y trouvera ce chiffre étonnant : un groupe peut attendre douze ans entre ses deux premières sessions pour la BBC! Ce groupe, c'est Pulp, dont on vient justement de rééditer sur deux CD l'ensemble des Peel Sessions.

Bien sûr, on y trouve toute la beauté du Pulp carré des années tubes, du Pulp britpop (la fameuse deuxième session du groupe date de mars 1993...) et de son Jarvis flamboyant, du Pulp tubesque des dantesques This hardcore ou Do you remember the first time ? Evidemment, on peut y entendre des curiosités : les titres de His'n'hers joués sans l'énorme son du disque, mais plutôt dans le style "clavier Bontempi à un doigt", une reprise bruitiste du Peter Gunn de Henry Mancini ou un intéressant morceau de l'époque We Love Life, Duck Diving.

Reste l'essentiel : les vraies raretés. La première Peel Session de Pulp, diffusée le 18 novembre 1981. Pulp in utero, trois ans d'existence seulement, aucun disque au compteur. Des trois membres du groupe (Peter Dalton, Jamie Pinchback, Wayne Furniss) qui accompagnent Jarvis ce jour-là, aucun ne sera là douze ans plus tard au moment de la session de rattrapage. Des groupes que John Peel invite cette année-là, restent quelques stars (Cure, New Order, Gang Of Four, The Fall) et des noms totalement inconnus (que ceux qui peuvent nous éclairer sur Sad Lovers And Giants, Allez Allez ou Missing Presumed Dead lèvent le doigt).

Tout a donc changé depuis... sauf Pulp, dès les trois minutes de Please don't worry. L'emphase, le lyrisme, le carnaval gothique de Freaks (1987) ou This is hardcore (1998) sont déjà là, des années avant. A l'époque, Jarvis Cocker avait raison (déjà) : aucune raison de s'inquiéter de la façon dont il allait faire fructifier son génie...

06 novembre 2006

Les Shins retournent à la vie aquatique


The Shins - Australia (MP3 retiré à la demande véhémente de la maison de disques)

"Aujourd'hui, un paquet envoyé par Sub Pop, et rempli d'exemplaires du nouvel album des Shins, est arrivé dans nos locaux". Il y a un mois déjà, en lisant cette phrase sur le blog de Rolling Stone, j'ai commencé à cliquer fébrilement sur [insérer ici le nom du logiciel de peer-to-peer de votre choix]. C'était comme un faire-part annonçant l'heureuse arrivée de Wincing the night away, troisième album du quatuor d'Albuquerque, non pas "dans les bacs" (formule qui n'est en fait employée que sur les flyers des groupes de hip-hop), mais sur le Net.

Ayant d'abord découvert le groupe via le peer-to-peer début 2004, alors que ses albums n'étaient distribués qu'en import (albums que j'ai achetés dans la semaine qui a suivi, si si Mr L'Agent), j'ai tenu à respecter le rituel, et à d'abord récupérer ce nouveau disque sous forme de fichier .rar, avant d'utiliser mes étrennes pour me le procurer. La tradition, toujours. D'autant que Wincing the night away mixe justement avec habileté les deux versants habituels du groupe, un par album précédent. C'est un disque un tiers euphorique (le versant Chutes too narrow), deux tiers mélancolique (le versant Oh inverted world).

Côté euphorie, de brusques sprints mélodiques, et surtout cette capacité à composer pratiquement sans effort une chanson pop parfaite : ici, c'est Australia, qui curieusement n'est pas le premier single, le groupe lui ayant préféré le très bon Phantom Limb. Côté mélancolie, ce sont ces claviers floconneux et cotonneux, ces rythmes de berceuses, ce son voilé, qui font parfois sonner les Shins comme des Beach Boys vus à travers des lunettes de plongée et chantés dans un tuba (d'ailleurs, la pochette de Oh inverted world représentait des herbes sous-marines sur fond bleu ciel).

Ce qui fait pencher la balance du côté mélancolie, ce sont les titres de chansons (Sea Legs, Sleeping Lessons, Girl Sailor, A Comet Appears, Phantom Limb), qui, chez un groupe aussi franc, disent tout d'un disque aux fulgurances discrètes, à la beauté aquatique. Mais, quand les Shins touchent le fond, c'est toute la concurrence pop (HAL, les Super Furry Animals, Belle & Sebastian ou le Supergrass mélancolique de Road to Rouen) qui est coulée.