10 août 2007

Des mélodies à la Pelle



Pelle Carlberg - I love You, You imbecile (MP3)
Pelle Carlberg - Clever girls like Clever boys... (MP3)
Pelle Carlberg - Middleclass kid (MP3)

Le problème quand on se pique de connaître la musique : c’est que l’on devient un exigeant notoire, incapable de se satisfaire de la beauté ordinaire. On s’interdit les ballades lacrymales – et pourtant qu’est-ce qu’on aurait envie de pleurer sur Angel de Robbie Williams - mais l’évidence devient un ennemi à pendre. Notre belle âme torturée nous réclame de la souffrance pour mieux s’auto-satisfaire. Dans les cas les plus extrêmes, ça amène à s’administrer un album de Liars en intraveineuse. C’est con, car la pop dans ses bons jours, a tant à nous offrir. Déjà un refrain et une voix qui vous caressent, comme dans le cas de Pelle Carlberg, encore un brillant représentant de la mélodie fonctionnelle suédoise. Le genre de type à plaider la monogamie musicale. Pas par manque d’audace, non. Carlberg fait parti de ces artisans chanteurs, qui ont compris qu’une chanson c’était du plaisir à distribuer, une belle idée à tenir sur trois minutes. Il pense même qu’on peut y parvenir avec dignité. En plus, Pelle est aussi nul que moi en page MySpace.

Sur son album In The Nutshell, Pelle Carlberg a parfois soixante balais sonnés avec ses harmonies boisées pour réconcilier Simon avec Garfunkel. Mais à d’autres moments, il redevient l’alter ego plutôt supérieur aux rejetons de la pop suédoise à bloguer. I Love You, You Imbecile, rigole comme un une deux garçon/fille à la Vaselines, avec un grand pont sur I’m from Barcelona à la sortie. Quant à Clever Girls Like Clever Boys Much More Than Clever Boys Like, c’est beaucoup de mots pour une chose simple. Une chanson parfaite. Parfaite, parce que c’est celle-là qu’on aime. Et il n’y aucune d’explication à fournir.

Comme j’aime, j’offre un troisième MP3 pour le même prix. Et aussi, parce qu’il est question d’enfant de la classe moyenne, cœur de cible social de ce blog d'après nos études.

01 août 2007

Sous les falaises de marbre


Young Marble Giants - Music For Evenings (MP3)
Young Marble Giants - Clicktalk (MP3)
The Gist - Love At First Sight (MP3)

La photo ci-dessus ressemble à un extrait d'un film de Bergman, période Monika, ou au cliché qu'on s'en fait : sécheresse, austérité, froideur, tout ce blabla de fin de JT, quand les journalistes du service "culture" se disent qu'ils ne faudrait quand même pas détourner les gens du téléfilm du soir en les incitant à aller s'approvisionner au vidéo-club le plus proche.

Sécheresse, austérité, froideur, que des caractéristiques qu'on a du mal à associer à un triple CD bourré à ras bord. Autant dire que ça doit être la panique chez les militants de la CGC (Confédération des Groupes Cultes), car on réédite ces jours-ci le Colossal Youth des Young Marble Giants, remasterisé et avec bonus tracks à gogo - un peu comme si on republiait un recueil de haïkus avec cinq notes de bas de page par poème. Trahison bourgeoise, sociale-traitrise : passer du "Trop peu de notes !" à la Pléiade du rock.

Intéressons-nous quand même à ces notes de bas de page. Colossal Youth étant le seul album de la bande de Cardiff, on se dit qu'on peut y assouvir le syndrome-du-deuxième-album et enfin trouver des raison de ne pas les aimer, loin des quinze pépites du premier disque, dont l'inusable Music For Evenings. Difficile : bien sûr, il y a des déchets, des démos enregistrées sur un vieux magnéto à piles exténuées, mais une petite merveille banale comme Clicktalking - Feelies sous Tranxène, choeurs de l'armée rouge sous Valium - vaut à elle seule le déplacement (presque autant que les robes de grand-mère d'Alison Statton, dont Kurt Cobain disait "I had a crush on the singer for a while — didn’t everyone ?").

A défaut de faire de l'analyse de notes de bas de pages, autant donc s'intéresser à un objet moins long : le nom du disque. On insiste beaucoup sur le colossal (pour pointer son contraire - minimalisme, laconisme, etc), alors que c'est le youth qui est important. Pas parce que les Young Marble Giants sont un groupe jeune, de jeunes, ou pour jeunes. Parce qu'ils sont un groupe enfantin, tout pris au plaisir du babil et du bricolage. Et que, si le rock est par essence ado, et que l'adolescence est par définition liée à une époque, l'enfance, elle, est intemporelle.

Colossal Youth est donc un album sans âge, pas parce qu'il n'a pas vieilli, mais parce qu'il n'avait aucun âge quand il a été enregistré. Pour s'en convaincre, il suffit d'écouter Love At The First Sight, de The Gist, le second groupe de Stuart Moxham. Ca ressemble à du Young Marble Giants, ça en a le goût, mais pas la texture : quelques effets et une couche de réverb et voilà ce qu'on appelle de la new wave, alors que Colossal Youth n'appartenait à aucune vague. Six ans, plus tard, Etienne Daho reprendra Love At First Sight (Paris Le Flore) et en fera un tube. Bienvenue dans les années 80.