28 avril 2006

Demande à la poussière


The Apartments – All the birthdays (MP3)
The Apartments – On every corner (MP3)
The Apartments – You became my big excuse (MP3)

Jeune homme rechercherait Apartments : où es-tu passé, Pete Milton Walsh ? A quoi occupes-tu tes journées, dorénavant ? L’autre jour, je lisais un superbe papier d’Arnaud Viviant sur les groupes mineurs, où j’ai pioché ce passage hilarant : « Au bout de deux ou trois albums, on s'habituait sagement à voir le groupe s'émietter comme du pain rassis et le lead-guitar rentrer dans le rang pour devenir professeur de mathématiques à l'université de Des Moines, Iowa. » Je ne t’imagine pas devenu ça. Les génies maudits ont d’autres reconversions, moins intellectuelles en apparence, que les songwriters mineurs. Peut-être parce que ce qui différencie justement le génie du talent, le majeur du mineur, c’est la capacité à ne pas intellectualiser, à ne pas se limiter, à tout balancer d’un coup, et tant pis si ça sort dans le désordre. Pratique du coup de dé, politique de la terre brûlée qui échoue souvent et force son auteur à meubler l’ordinaire de ses jours, à occuper ses mains tout en composant dans un coin de son cerveau, dans l’attente de temps meilleurs. J'ai vaguement cherché sur Internet ce que tu étais devenu (on y lit que, dégoûté du peu de succès de tes disques, tu travaillerais pour la chaîne ABC) sans vouloir pousser trop loin. Trop peur que tu te sois vraiment trouvé une carrière, quand on préfère t’imaginer un destin. Comme Tom Zé prêt à devenir mécanicien, Alex Chilton faisant la plonge à la Nouvelle-Orléans ou Tim Buckley (chevalier errant auquel ta chanson All the birthdays me fait souvent penser) conduisant un taxi.

Je me suis habitué à voir tes anciens collègues et compatriotes très talentueux des Go-Betweens faire parler d’eux chez nous pour leurs albums et leurs (rares) concerts. Je me suis fait à l’idée que tout compte fait, je n’avais pas tellement envie de me plonger dans Nick Cave. Peut-être une erreur, mais il faut bien en faire, c’est comme ça qu’on apprend. Je n’ai jamais cessé d’écouter régulièrement mes trois disques des Apartments : The evening comes… and stays for years (1985), Drift (1992), A life full of farewells (1995). Couchers de soleil, dérive, adieux.

Je sais que si un jour je néglige d’écouter ces albums pendant des années, ils se couvriront bien de poussière, mais celle du bush, une terre rouge qui colle aux semelles et pique les yeux. En écoutant ta country mélancolique, tes chansons pour pluie et couchers de soleil, je me dis même que tu mériterais d’être américain. Je t’imagine comme un vieux cow-boy un peu étrange comme on n’en voit plus que dans les films de Clint Eastwood. Je sais que ça fait beaucoup de « je » pour un seul texte, mais comme tu parles beaucoup à la première personne dans tes textes, je me suis dit que je pouvais faire la même chose. Mais te laisser quand même (presque) le dernier mot, les premiers de ta chanson Things you’ll keep : «Sat outside the darkened house/Reading one of your old letters/I’d carried it from town to town/Sometimes hoped for you/Things got better ». Aujourd’hui, je n’ai pas mieux à te dire ni à te souhaiter.

27 avril 2006

L'équipe-type du MP3 blog

Alors que les Inrockuptibles viennent de publier un top 50 des blogs, faisant la part belle aux audioblogs, Interprétations Diverses saisit la balle au bond et vous propose l'équipe-type des MP3-bloggeurs français.


Gardien
Chryde, from La Blogothèque, gardien du temple. C'est le capitaine de la sélection, l'assurance tous risques.

Défenseurs
David Fenech, from David F, musicien et blogueur iconoclaste, il régale les lignes arrières de son érudition. C'est un peu le "boss", comme Laurent Blanc.
Idibizzle, from Who Is Dewey, est un stoppeur de rêve. Il tacle le bon gôut indie avec une prose gangsta rap du meilleur effet.
Michel Sardou, from Un violon, un jambon, un défenseur invétéré de la qualité à l'ancienne. Latéral droit, il n'a pas été promu au centre. Faut pas abuser, ça reste un Belge.
Romain, from Blogpop, un jeune latéral gauche prometteur, qui prend les adversaires à revers en revisitant à sa manière l'héritage indie des années 80.

Milieux de terrain
Pradoc, from La Blogothèque, milieu de terrain à la cool. C'est le roi de la brève en colonne de droite. Imbattable sur les clips, il est l'un des plus capés de cette sélection.
Thanu, from There Always Someone, est un excellent ratisseur au milieu de terrain. Avec application, il ne laisse rien passer de l'actu indie américaine.
Bopperenlarme, from Aujourdhui plus qu'hier, ailier instinctif et inspiré, peut-être un peu trop émotif pour tenir les 90 minutes. C'est le Franck Ribéry de cette sélection.
Jamais Pareil, from La Blogothèque, c'est la touche exotique de cette sélection. Fan de musique brésilienne et de soul, il apporte à l'équipe ses dribbles chaloupés. Attention à la moiteur ! C'est cool dans la musique, ça l'est moins dans les vestiaires...

Attaquants
Mister Blog, from Pardon My Freedom, un attaquant incisif qui ratisse large (rock, electro, rap) et joue le beau gosse en parlant de chanteuses R'n'B aux seins énormes.
Garrincha, from ORTF, bloggeur nostalgique de haut vol. Il hérite de la place de son homonyme, le grand Garrincha.

Sur le banc de touche
Gonzo, from Musique sous influence, trop drogué. Il risque d'être positif au contrôle anti-dopage.
AbsNoise, from Absolut Noise, trop attiré par les jolies filles (si possibles suédoises) pour être présenté à nos meufs.
Podaufeu, from Podaufeu, trop absent aux entraînements pour être encore titulaire.
Ulrich Stakov, from This Women Coil, trop féministe.
Oguste, from Listoplay, trop concis. Avec la longueur de ses textes, on ne le fait rentrer qu'à la 91e minute.
PoPenLaiR, from Pop en l'air, trop bleu. Probablement un nostalgique de la grande équipe de 1998.

26 avril 2006

Quarante-cinq tours et puis s'en va

Safety pin stuck in my heart, de Patrik Fizgerald. Portrait en creux d’un single mineur.

Patrik Fitzgerald - Safety pin stuck in my heart (MP3)

Sur mon anthologie punk (Punk & New Wave 1976-1979), ce morceau est coincé entre Part-time punks des Television Personalities (culte) et You can’t put your arms round a memory de Johnny Thunders (méga-culte) : lui ne l’est pas, il m’était inconnu au bataillon des armées punk. Dans ce coffret, on trouve des groupes aux noms très amusants : le Châtiment de la Luxure, Albert et les Trois Paranoïaques ou les Kennedys Morts: ici, le chanteur s’appelle Patrik Fitzgerald, le genre de nom pas mal pour jouer dans un mauvais feuilleton américain (Dallas, par exemple), moins quand on veut devenir une star du rock. Sur le morceau, on n’entend ni guitares en furie, ni synthés, ni batterie : à la limite, même des hippies pourraient le jouer autour d'un feu de camp.

Arrivé là, une question que se posent sûrement les voyous en blousons noirs qui préfèrent défiler dans les rues que travailler : qu’est-ce que fout donc ce morceau sur une compilation punk ? Ben justement, il définit ce qu’a été, est et sera le punk : une aberration, un total décalage, un jamais-au-bon-endroit-jamais-au-bon-moment. En écoutant Patrik Fitzgerald, on ne pense pas du tout aux Clash ou aux Pistols, mais à Dylan (même si il ne faut pas vous mentir, Fitzgerald chante un peu mieux, bien sûr), Daniel Johnston ou Gordon Gano. A des artistes qu’on range normalement sous l’étiquette « rock », donc (faute d'autre case où enfermer ces inclassables). Le rock, c’est du punk, le punk, c’est rock. Autant dire que, pour relancer ses ventes, la presse musicale française n'a plus qu'à se rebaptiser : Rock’n’Folk deviendrait Punk’n’Funk (ça rime aussi) et Les Inrocks deviendraient Les Inpunks. Et même Le Point, à qui il doit bien arriver de parler de rock (si si, la brève page 93 en bas à gauche) se rebaptiserait Le Punk, publierait le palmarès des meilleurs squats et incluerait toutes les semaines la chronique financière de Malcom McLaren.

25 avril 2006

Martin Hannett, the comforts of madness


The Only Ones – Oh Lucinda (Love becomes a habit) (MP3)
The Buzzcocks – Strange thing (MP3)
The Stone Roses – So Young (MP3)

Martin Hannett sous la plume de Laurent Rigoulet : « Sur Closer, le dernier album de Joy Division, je cherchais à pousser encore plus loin la recherche d'une ambiance sonore. J'ai trouvé toutes sortes de procédés de réverbération. J'entrais des chiffres cabalistiques dans l'ordinateur. J'avais le sentiment de faire de la magie, j'étais orgueilleux. Je me disais : "Ce disque, c'est moi qui l'ai fait, on souffre quand on l'écoute !" Après coup, je me suis demandé si je n'étais pas allé trop loin dans la cristallisation de cette douleur. »

Quand Martin Hannett est mort, le rock n'a pas seulement perdu un grand producteur, il a surtout perdu un fou. Un grand producteur doit être fou, être persuadé que son esprit saura remodeler à sa guise les visions d’un autre, souvent fou lui aussi. Spector et son revolver pointé en pleine séance sur Leonard Cohen, Eno et son cerveau surdoué, Hannett enregistrant les bruits d’un vieil ascenseur pour les mêler à ceux de la batterie : des fous. Ou des infirmiers psychiatriques ?

Les productions d’Hannett (un peu comme celles de Eno d'ailleurs, sur Fear of music par exemple) sont des camisoles de force. Basse qui rebondit sans cesse sur le morceau telle une superballe sur des murs capitonnés, guitares et batterie martelées comme le sang qui cogne aux tempes du patient. Un carcan qui, comme toute camisole, contient les élans du malade tout en le rendant furieux.

Ouvrons le dossier médical : trois crises de folie inachevées (dont deux ne sont pas disponibles sur la compile Zero : A Martin Hannett Story), trois groupes avec lesquels Hannett n’aura jamais publié d'album complet. Les prémices : Oh Lucinda (Love becomes a habit), superbe chanson du troisième album des Only Ones, Baby's got a gun, ici réenregistrée sous l’égide d’Hannett. A la douceur de ballade mortuaire de l’original, blanche héroïne, cette version alternative substitue une cavalcade affolée, chantée brute, plus garage, où le pouls du chanteur Peter Perrett s’accentue, accélère, s’affole insensiblement, les mots se chevauchant jusqu’à la gorge qui tremble (« Ooooohhh Lucinda… »). Les symptômes : Strange thing, un des derniers titres des premiers Buzzcocks, définitivement oublieux des sucreries pop-punk de leurs débuts pour une new wave martiale, militaire, malaisante. L’acmé : So Young, premier single des Stone Roses, où est déjà présente la fièvre du futur album - rythmique entraînante, chant fervent de Ian Brown - sans l'extase Madchester. Un morceau presque aigre, parfois. Fièvre jaune.

Après les roses de pierre, Hannett ira voir chez des joyeux fous, les Happy Mondays, avant de s’éteindre il y a presque quinze ans jour pour jour, le 18 avril 1991. Dix ans après, pour son film 24 hour party people, Michael Winterbottom choisira pour l'incarner l’acteur Andy Serkis. Le même qui jouera à la même époque Gollum dans la trilogie du Seigneur des anneaux. Vous savez, cette créature qui profite d’un anneau pour agir de manière invisible, avant de mourir, consumée par son pouvoir…

24 avril 2006

Elliott Smith, before Hollywood


Heatmiser – The fix is in (MP3)
Heatmiser – Plainclothes man (MP3)

« C'est la première fois que je fais le bilan d'une année non encore terminée. Dans mon métier, donc, je suis roi. En dix ans, j'ai tout fait. Quand je pense aux hésitations de jadis. Dans ma vie, je suis plus désespéré et plus perdu qu'alors. Qu'ai-je assemblé ? Rien. Pendant quelques années, j'ai ignoré mes tares, j'ai vécu comme si elles n'existaient pas. J'ai été stoïque. Etait-ce de l'héroïsme ? Non, je n'ai pas eu de mal. Et puis, au premier sursaut de "l'inquiète angoissante", je suis retombé dans les sables mouvants. [...] Tu t'étonnes que les autres passent à côté de toi et ne sachent pas, quand toi, tu passes à côté de tant de gens sans savoir, cela ne t'intéresse pas, quelle est leur peine, leur cancer secret ? »

Fin août 1950, l’écrivain italien Cesare Pavese écrivait ces lignes avait de se suicider par médicaments dans un hôpital de Turin. La première fois que je les ai lues, j’ai pensé aux musiciens qui avaient connu le même sort, Kurt Cobain par exemple. Ou Elliott Smith. Le succès public, plus ou moins grand, le mal-être, immense. La mort au bout.

Depuis que Smith s’est suicidé, le 21 octobre 2003, j’écoute souvent les quelques disques que j’ai de lui : Either/Or, XO, Figure 8. Un an après, j’ai acheté son album posthume, From a basement on the hill. Mais je n’ai jamais fait l’effort de me procurer ses premiers essais (Elliott Smith, Roman candle). Drame des artistes disparus : ils n’ont plus ce que les journaux appellent une actualité, et ils s’effacent lentement, progressivement, du paysage. Qui sait si, dans dix ans, Elliott Smith sera vraiment plus connu que ne l’était Nick Drake à la fin des années 70 ?

Quand on rééditera alors l’œuvre du natif de Portland en triple digipack remasterisé accompagné de raretés, certains crieront au génie précoce. Découvriront qu’avant Elliott Smith seul, il y avait Smith, Elliott, pas si mal accompagné. Avant la reconnaissance et la B.O. de Good Will Hunting, le groupe Heatmiser.

La première fois que j’ai lu un article sur Smith dans les Inrocks, on y parlait d’Heatmiser comme d’un groupe « pataud » (je crois, le souvenir est un peu flou). « Pataud », ça vaut mieux que pathos, mais ça reste une vacherie. Qui en l’occurrence, tape à côté. Le vrai problème du dernier album du groupe, Mic city sons, c’est plutôt d’être seulement un bon disque de rock banal sur les morceaux chantés par Neil Gust, et un grand disque poignant sur ceux chantés par Smith.

Qui, lui, était parfois pataud. Même en solo, souvent, jusqu’à certains morceaux bruitistes de From a basement... En équilibre instable, maladroitement installé. Des mélodies à tomber, une voix à pleurer, dissimulées derrière une casquette de base-ball et des tatouages. A l’image de ces quelques pépites juste sorties de la mine, The fix is in, Plainclothes man : un son brut, un peu noyé, des guitares plutôt rudimentaires, mais déjà une voix qui met l’auditeur dans les cordes, K.O. pour le compte. Smith était un rocker hardcore égaré dans un magasin de porcelaine.

Merci à Stéphane pour la découverte.

19 avril 2006

Ni avec toi, ni sans toi


Dirty Pretty Things - Gentry cove (MP3)

Cher Pete,

Je ne savais pas trop si j'allais t'écrire une lettre de réconciliation ou de rupture, donc j'ai préféré simplement t'informer : mon disque, Waterloo to anywhere, sort le 9 mai prochain. Je sais, à voir ce titre et le nom du groupe, Dirty Pretty Things, tu vas me trouver anglais jusqu'au bout des scones, moi qui aimais pourtant tant les New York Dolls. Mais tu verras, ce n'est pas si british que ça, j'ai définitivement renoncé à devenir le nouveau Paul Weller, comme on pouvait le croire au moment de la sortie de notre deuxième album. J'ai préféré faire du bien brouillon, un peu comme sur Up the bracket, tu aimeras forcément. En plus, j'y ai mis toutes tes références préférées, écoute Gentry cove : un peu de reggae, un refrain punk, des influences Ray Davies sur la fin... Tu vois, je n'ai rien oublié.

Depuis que tu es parti en me laissant Gary sur les bras (d'ailleurs, tu n'as pas payé la pension alimentaire depuis six mois, dans quoi claques-tu donc ton fric ?), tu as plus occupé la scène que moi. C'est normal : tu bois, tu te drogues, tu fais scandale, bref tu es une rock star. Et un vrai punk, en plus, avec ça. Quand j'ai entendu ton premier single, Killamangiro, j'ai cru que tu allais faire du bon punk-pop, des hits même. Et puis tu as joliment saboté ça en pourrissant la prod' sur Down in Albion, histoire que personne ne puisse croire que tu allais faire des progrès (quel mot affreux).

Moi, j'ai fait l'inverse : une démo de mon premier single, et puis un enregistrement plus riche, avec de la trompette, de l'orgue, une batterie qui roule comme les tambours lors de la relève de la Garde. Je suis rentré dans le moule, en fait. Je pense qu'à cause de ça, les critiques traiteront mon disque avec plus de désinvolture que le tien. C'est dommage, je pense qu'il est meilleur, même si plus modeste. De toute façon, si tu es le Lou Reed de cette histoire, ça ne me gêne pas d'être ton John Cale. Toutes proportions gardées, bien sûr : j'ai lu l'autre jour que le revival rock anglais était mort, et que maintenant tout se passait aux Etats-Unis. Enfin bon, on en rediscutera aux NME Awards.

Bien à toi,

Carl

PS : le bonjour à Kate

17 avril 2006

Ils chargent la Barkley


Gnarls Barkley - Crazy (MP3)
Gnarls Barkley - Smiley Faces (MP3)

Le problème d'Internet, c'est qu'au bout d'un moment, on connaît trop de noms de groupes, jusqu'à tout mélanger, jusqu'à tout oublier. Alors quand débarque Gnarls Barkley, on tire un peu la gueule. Mais comment va t-on faire pour retenir ce nom alambiqué ? Une solution : penser au célèbre basketteur Charles Barkley qui aurait inspiré le nom du groupe.

Une autre solution : lire la presse française qui devrait bientôt se faire l'écho de ce duo américain (UPDATE : Télérama, Télérama.fr et les Inrocks en ont déjà parlé!). Pas seulement pour la qualité de leur hip-hop à la sauce soul, mais aussi pour la page d'histoire que vient d'écrire le groupe. Les Gnarls Barkley sont les premiers à atteindre la première place des charts singles anglais sans avoir sorti le moindre disque ! La prouesse s'explique par les ventes de leur single Crazy sur Internet en format numérique qui ont dépassé les ventes physiques de leurs collègues anglais du Top of the pops.

Derrière Gnarls Barkley se cache Danger Mouse, roi des mash-ups, qui avait sorti il y a quelques années l'inégalé Grey Album, mix entre les Beatles et Jay-Z. Pour cette nouvelle aventure, le producteur américain s'entoure du rappeur Cee-Lo, gros balourd à la voix de velours. L'album St Elsewhere sort en France le 2 mai et s'annonce exceptionnel. Fans de hip-hop, de soul et de pop devraient se retrouver au même banquet et inviter leur voisin(e) de table à aller danser. Ca sera moite et serré, ça finira tard. Et en boucle, Crazy ("Hottest Song of 2006" pour la BBC) et Smiley Faces.

A signaler la ressemblance visuelle avec Chromeo, un autre grand groupe pour pécho.

16 avril 2006

Fermeture administrative


Ça n'arrive pas qu'aux autres. Ce matin, en me réveillant, j'ai découvert que la page perso Free où j'héberge la majorité des MP3 du blog venait d'être fermé. Tout du moins, c'est ce que j'en ai déduis, voyant que la bannière n'était plus visible et que de nombreux MP3 avaient disparus. Car évidemment, Free n'envoit aucun mail pour prévenir.

Je vais leur envoyer un mail pour avoir les raisons de cette fermeture surprise. Je suppose que je vais recevoir ce genre de message type :

> Votre site à été bloqué pour les raisons suivantes :
>
> - Abus de ressource système :
> Site générant trop de trafic. Dégradant ainsi la qualité de nos
> services
> - Site diffusant des fichiers "copyrightés".
> - Stockage de fichiers


Voilà, ne reste donc plus qu'à se démmerder pour trouver un nouvel hébergement. Chez Free ?

14 avril 2006

Diamants sur canapé

The Weather Prophets - Almost Prayed (MP3)
The Weather Prophets - Joe Schmo & The Eskimo (MP3)

Il y a quelques temps, pour une carte d'identité pop sur le webzine Foutraque, j'ai sélectionné dix disques que j'emporterais dans mon sac de voyage le jour où un mauvais pressentiment, type crash sur une île déserte, m'assaillera avant de prendre l'avion. Je pourrais vous dire que j'ai passé une nuit blanche avant de le faire, que la sélection a été une torture, mais ça serait mentir : j'ai fait mon choix en une demi-heure. Cornélien quand même. Dix disques, dix seulement. Dont quelques disques peut-être seulement de passage, liés à mon humeur du moment ou un goût passager (on m'a déjà moqué pour avoir choisi le premier Stone Roses, les gens sont taquins, quand même). Mais aussi un album sur lequel je suis sûr de me reposer quoiqu'il arrive : le troisième Velvet, celui qu'on appelle "le canapé".

Soit peut-être le disque à la descendance la plus fabuleuse de l'histoire du rock, tout simplement. On pourrait ainsi établir un autre top, celui des héritiers de cette promotion canapé 1969. Crazy rhythms des Feelies, le premier House Of Love, l'album éponyme des Only Ones y figureraient en bonne place. Ainsi que Judges, juries and horsemen, des Weather Prophets. Des fans de Leonard Cohen (le chanteur Peter Astor reprend Take this longing sur la compile I'm your fan) et donc du Velvet. Un des fleurons du label Creation également, depuis son premier single, Almost prayed (disponible sur l'intéressante anthologie Blue skies and free rides). A l'opposé du refrain entraînant de ce single, le titre Joe Schmo & The Eskimo concluait tout en langueur l'album Judges, deux ans plus tard.

Une pépite isolée qui ne doit pas vous empêcher de faire l'acquisition de l'album, véritablement excellent, à l'image de son titre d'ouverture, Always the light, sur lequel Peter Astor chante "However dark it gets, there's always a light". Ca ne vous rappelle rien ? "I'm just beginning to see the light..." Ou, comme disait Brian Eno : "Très peu de gens ont acheté les albums du Velvet à leur sortie, mais chacun d'entre eux a fondé un groupe"

11 avril 2006

Chaos, confusion, savon


Le vrai Howard Devoto dans le film 24 hour party people (2002)

Magazine - Shot By Both Sides (MP3)
Magazine - Permafrost (MP3)
Magazine - Because You're Frightened (MP3)

Pour feuilleter en trois étapes la carrière de Magazine, je ne vois rien de mieux que le slogan du film Fight Club. La musique du groupe mancunien était un combat, mais, en bon mélange de punk, de new wave et de glam, on ne savait pas très bien contre qui : tout le monde ? Soi-même ? Personne ? La beauté ? La laideur ? Peter Gabriel ?

Chaos (Real life, 1978). L'un avait un nom de poète anglais (Shelley, Pete). L'autre un patronyme étrange qui faisait penser à "dévot" (Devoto, Howard). Ensemble, ils fondèrent les Buzzcocks et composèrent, le temps d'une courte carrière avec le line up originel, Shot by both sides. Le titre, urgent, immédiat, aurait pu devenir un hit des Buzzcocks. Mais entre-temps, Howard avait quitté le groupe pour former Magazine avec un guitariste virtuose, John McGeoch, qu'on reverra notamment avec Siouxsie. Un musicien anglais (impossible de me souvenir qui) a dit de Magazine "Je les adorais. Leur guitariste était incroyable, même si on entendait que les synthés...". Rendons quand même grâce à ces claviers omniprésents : ils ajoutent la petite touche aigre qui fait de Shot by both sides la grande chanson acide du punk-rock.

Confusion (Secondhand daylight, 1979). La grande glaciation. Est à Real life ce que Closer est à Unknown pleasures ou Seventeen seconds à Three imaginary boys. Le tempo se ralentit, les lueurs se font rare dans le brouillard. Une lumière du jour d'occasion ? L'album se déroule effectivement comme au travers d'une vitre sale ou d'une lumière grisâtre d'aquarium. Sordide comme les paroles psalmodiées de Permafrost : "I will drug you and fuck you/On the permafrost". Promoteurs de l'amour courtois, passez votre chemin : le punk et la new wave ne sont pas pour vous. Un titre lent et martial comme une exécution capitale.

Savon (The correct use of soap, 1980). Il est arrivé un moment dans l'histoire du rock où on s'est mis à vendre des disques comme des savonnettes, et Devoto le savait bien. Il qualifia donc The correct use of soap d'"album commercial". Logique : sur ce disque, la fusion Buzzcocks (commercialisation de l'énergie juvénile punk)/Cure (commercialisation du mal de vivre existentiel)/Roxy Music (commercialisation du glamour arty, ce qu'on appelle chez la brigade des moeurs les putes de luxe) est à son paroxysme. The correct use... est un disque commercial déprimant et culpabilisant - un peu comme l'achat d'un objet dont on aucun besoin. Se frictionner de The correct use of soap ne fait pas se sentir plus propre, au contraire. Magazine cochon ?

09 avril 2006

Vie et mort de l'indillinoise


Band Of Horses - Wicked Gil (MP3)

Il y a de cela 3 mois, Interprétations Diverses se lançait dans l'explication théorique et proposait le concept d'indillinoise pour caractériser la nouvelle vague du rock indé américain. On pensait entre autres à Arcade Fire, Clap Your Hands Say Yeah, Sufjan Stevens et Animal Collective. On se disait que le terme indillinoise était cool et bien trouvé. Aujourd'hui, on passe pour des cons quand on tape le mot sur Google. Bref, c'est raté, le terme n'a pas fait florès.

Alors, au détour de cette chronique banale du disque d'Architecture In Helsinki, quelle ne fut pas ma surprise de découvrir une autre dénomination que la nôtre ! Cédric Bégoc de Fluctuat y écrit cette petite phrase lourde de sens : "Architecture in Helsinki est à rapprocher du mouvement « pop épique » alimenté en 2005 par les sorties d’Arcade Fire, Sufjan Stevens et Animal Collective (pour les plus populaires)." Pop épique ? Et pourquoi pas pop emphatique ou rock homérique tant qu'on y est ? Peut être est-ce le jeu de mot avec porc-épic qui donne du piquant à l'affaire...

Pop épique ? Pop épique ? Le mot tourne dans ma tête et finalement, j'en viens à être d'accord avec le mec de Fluctuat. Après tout, tous les grands disques de 2005, tous ceux qu'on a voulu indilloiniser, ont quelque chose de viscéralement épique : les hallucinations tribales d'Animal Collective, le souffle post-mortem d'Arcade Fire, les complaintes déraillantes de CYHSY ou les fables homériques de Sufjan Stevens...

Mais le terme pop épique est réducteur. L'utiliser, c'est oublier le côté noisy et bancal du nouvel indie américain. C'est convoquer le Radiohead d'OK Computer et oublier le Pavement de Slanted & Enchanted, influence essentielle du mouvement.

Si 2005 a donné ses lettres de noblesse à la pop épique, 2006 sonne comme une période de vache maigre, voire comme un soufflé qui retombe. Aucun nouveau groupe n'a réellement soulevé les foules des MP3 blogueurs avachis sur leur canap'.

Seule oasis dans ce désert indie, les Américains de Band Of Horses (en photo) et leur tube renversant, Wicked Gil, qui sonne so 2005. A ce niveau de déperdition, on ne va pas non plus demander un grand album. Ca tombe bien, celui des Band Of Horses est juste bon.

07 avril 2006

Deux Français et les confidents


Daniel Darc – Je Me Souviens, Je Me Rappelle (MP3)
Jean-François Coen – Ulysse Et Pénélope (MP3)

Parmi les nombreux reproches adressés aux rédacteurs d’Interprétations diverses (jeunistes, futurs suppôts du grand capital médiatique, utilisateurs invétérés de mots qui feraient tache Quai Conti comme « hype » ou « buzz »), il y en a un qui est plus justifié que les autres : nous ne parlons pas assez des artistes français. Nous sommes l’anti-France réincarné en blog MP3.

Nos étagères ne débordent de pas de disques tricolores. Il faut attendre un post sur Scott Walker pour voir surgir le nom de Brel, et il faudra sans doute guetter un futur texte sur le Gun Club pour que celui de Noir Désir (bon groupe pourtant, mais a-t-on vraiment envie de vous en parler ?) apparaisse. Bien sûr, on adore Gainsbourg, mais lui ne compte pas, c’est le Bowie français. Et tout le monde sait que Bowie n’a pas vraiment de nationalité - anglais un jour, américain le lendemain, allemand ou japonais s’il le faut.

Le rock, lui, a une nationalité (double et transatlantique), une langue, et ce n’est pas le français. Comme disait (je crois) John Lennon, « le rock français, c’est comme le vin anglais ». Aujourd’hui, il expliquerait sûrement que la « nouvelle chanson française » est de la piquette infâme, et il aurait raison. Heureusement, certains rockeurs français vieillissent bien. Des survivants. De grands crus, qui ont payé dans leur chair la difficulté de « faire du rock » en France, et qui montrent discrètement leurs cicatrices, inscrites dans leurs chansons (du sang sur les pistes, comme disait l’ami Dylan).

Jean-François Coen et Daniel Darc ont un itinéraire proche. Enfants du punk, chefs de groupes aux noms jumeaux (Modern Guy/Taxi Girl), puis portés disparus dans les années 80 et 90, annoncés comme mort artistiquement. La faute à la drogue pour Darc, à un énorme clash avec sa maison de disques pour Coen (une erreur de distribution de son premier album, pourtant orné d’un single sublime, La Tour de Pise, dont on avait parlé ici).

En 2004, les deux ont fait leur retour en solo, avec Crève-cœur et Vive l’amour. Et leurs chansons racontent leurs absences. Daniel Darc fait sonner une fanfare à la Amélie Poulain et nous rappelle sa conversion au catholicisme (« Une croix trop lourde pour moi/Un bois qui pèse et m’écartèle/Pourtant comme j’aimais cette croix»). Le temps d’un duo, Jean-François Coen se glisse lui dans la peau d’un Ulysse façon Gainsbourg (« Pénélope, tu es la dernière des salopes»).

La nouvelle chanson française enrobe la banalité de son quotidien dans un vernis culturel BCBG ; Coen et Darc, eux, revoient leur douloureuse histoire personnelle en l’élevant direct à la hauteur du mythe, la Bible ou Homère. Troublante gémellité entre deux artistes passionnants, aux disques parfois inconfortables mais indispensables. Crève l’amour ? Vive le cœur, plutôt.