30 juin 2006

Eurockéennes : ça commence à sentir le Poni Hoax

Suite des événements aux Eurockéennes. Il commence à faire nuit et les moucherons nous font un peu moins chier.



Aux Eurockéennes, on aime les groupes de merde, surtout quand ils donnent des conférences de presse. Les Français de Gojira n'aiment pas la guerre et nous le font savoir : "L'album parle de notre envie d'une paix universelle sur la terre". "Là, on est en est mission : on porte notre message [de paix] à bout de bras". "Entre nous, on est solidaire, on se parle beaucoup. Quand y en a qui un va mal, on lui demande qu'est ce qui ne va pas". A côté, Miss France, c'est Gilles Deleuze.

Sur le front des concerts, j'hésite entre Poni Hoax et Arctic Monkeys. Finalement, je vais voir les premiers : bonne intuition, les Français sont la première bonne surprise de la soirée. Ils font étalage de leur bel écléectisme : disco-rock, pop à mélodie, électro froide... C'est très efficace et je reconnais avec plaisir l'excellent She's on the radio dont je vous avais parlé il y a quelques jours. Un bémol : avec son crâne chauve et ses cheveux rejettés en arrière, le chanteur ressemble à un des membres des Pow Wow.

Changement de scène et hop, je parviens à voir deux minutes du concert des Arctic Monkeys. Un mec de Fluctuat qui traîne à mes côtés est sceptique : "Mais, c'est nul !". On n'en a pas assez vu pour être aussi catégorique mais le souvenir d'un concert à Lille me laisse penser qu'il a pas forcément tort.

Eurockéennes : débuts mollassons

Nous aussi, comme à Fluctuat, on sait blogger en direct depuis les Eurockéennes. Compte-rendu rapide après trois bières et deux concerts.



Le début des Eurockéennes sent un peu le moisi. Il faudra quand même attendre 21 h et les concert de Two Gallants, Poni Hoax et Arctic Monkeys (les trois jouent en même temps) pour avoir enfin quelque chose de consistant à se mettre sous la paire de Converse. Du coup, je me fais gentiment chier et enchaîne les bières dans la salle de presse devant Argentine-Allemagne.

Petit détour quand même par la Grande Scène pour voir Anaïs. Dans le public, tout le monde est d'accord : "Ah ouais, elle a pas une belle voix quand même". Mais bon, le one-woman show est sympa. Toute seule sur scène avec sa guitare, elle parvient à nous faire oublier l'espace de 30 secondes le soleil de plomb qui plombe l'ambiance.

Conférence de presse pour les Espagnols de Sundays Drivers. Visiblement, ça les emmerde, il auraient préféré suivre les prolongations d'Allemagne-Argentine. Pas de surprise : l'interview est aussi chiante que leur rock de Strokes ibère. Signalons quand même leur look dévastateur : au début, j'ai cru que c'était des journalistes de Rock'n'Folk.

En hommage à l'adolescence de mon petit frère, je passe du côté de la Grande Scène voir les vieillissants Deftones. Le chanteur a grossi, porte une chaussette de footballeur et ressemble, du coup, à un Maradona qui ferait plus mal aux oreilles qu'aux défenses adverses. Nullissime.

28 juin 2006

Eurockéennes : on préfait le match (3)

Après Daft Punk et Islands, poursuivons la route du rock vers les Eurockéennes avec les Français de Poni Hoax, sur lesquels repose une sympathique hype.


Poni Hoax - She's on the radio (MP3)
Poni Hoax - Budapest (MP3)

Non, ce n'est pas un canular, il existe de bons groupes de rock en France. Alors que la new generation parisienne (The Naast, The Parisians, Plasticines and co) nous fout un peu la paix pour cause de passage de bac, les Poni Hoax débarquent en embuscade plus âgés, moins poseurs et plus efficaces. Hésitant entre électro glacée (Budapest) et pop vitaminée (She's on the radio), le quintet vient de sortir un premier disque éponyme. Pas besoin de donner un nom à cet album puisque le seul truc que retiendront les vendeurs de la Fnac, c'est qu'il y a une meuf à poil dessus.

En tout cas, la rumeur dit que l'album est bon. On en attend autant du concert (qui nous fera quand même rater un quart de finale de Coupe du Monde !).

26 juin 2006

Eurockéennes : on préfait le match (2)

Après Daft Punk, suite de la revue des groupes à ne pas manquer aux Eurockéennes avec nos nouveaux amis, les Canadiens d'Islands, auteurs d'une pop aussi spatiale que spacieuse.


Islands - Where There's A Will (MP3)
Islands - Don't Call Me Whitney, Bobby (MP3)

Un peu d'Unicorns, un soupçon d'Arcade Fire, un nom bien trouvé et hop, de quoi affoler tous les hippies qui traînent dans les restos végétaliens de Montréal ! C'est de cela qu'est fait Islands, supergroupe indie qui a déjà marqué 2006 avec son premier album, Return To The Sea.

A l'origine, un groupe magnifique à l'énergie communicative. Une pop lo-fi et débridé, un premier album passé bizarrement inaperçu, Who Will Cut Our Hair When We're Gone ?. Ce groupe devenu mythique pour quelques bloggeurs égarés, c'est les Unicorns. Mais depuis 2004 et leur unique disque, plus de nouvelles. On croyait le groupe disparu. On avait en partie raison. Le groupe a sombré mais pas ses membres. Les deux tiers du trio réapparaîssent deux ans plus tard sous le patronyme d'Islands : le songwriter Nick Diamonds et le batteur J'Aime Tambeur.

Le disque Return To The Sea mêle la folie naïve des Unicorns au lyrisme volcanique des Arcade Fire. Autant dire que ça fleure bon le baroque ! L'album est produit par le rouquin à lunettes d'Arcade Fire, Richard Perry. Il suffit de l'avoir vu en concert taper comme un dératé sur son casque de moto pour se douter que ce n'est pas le genre de mec à pousser au minimalisme. Pour bien accompagner les poussées de fièvre, quelques guest stars d'Arcade Fire apparaissent dans les crédits musicaux, Régine Chassagne et Win Butler nottament.

25 juin 2006

Eurockéennes : on préfait le match (1)

Les Eurockéennes, c'est à la fin de la semaine. Du coup, d'ici vendredi, coup de projecteur sur les groupes à ne pas manquer. On commence par le plus évident, Daft Punk.


Daft Punk - Face To Face (MP3)
Daft Punk - Aerodynamic (Slum Village Remix) (MP3)

Quand on est né, comme moi, au milieu des années 80, on a de fortes chances d'avoir raté deux événements majeurs : Edith Cresson à Matignon en 1991-1992 et la tournée des Daft Punk en 1997-1998.

Après la sortie du légendaire Homework en 1997, les Daft Punk font leurs devoirs de jeunes stars en écumant les dancefloors du monde entier dans la foulée. Cela donnera le disque Alive, mix euphorique de 45 minutes de live, alors que leurs concerts de l'époque pouvaient durer 5 heures ! Depuis, plus rien. Pas de live pendant presque dix ans. Alors que sortaient deux albums parmi les plus controversés de la décennie (Discovery et Human After All), les Daft Punk se barricadaient derrière leurs avatars dessinés par Leiji Matsumoto. Et je m'étais fait à l'idée que définitivement, j'étais trop jeune pour avoir vu un discours d'Edith Cresson ou un concert des Daft Punk. C'était avant l'annonce de leur venue aux Eurockéennes.

Les Daft Punk ne feront pas leur première à Belfort. Ils ont déjà déclenché une émeute en avril dernier au festival américain de Coachella. Les images du concert tournent sur le web : One More Time, Da Funk ou encore Technologic. Les Daft en concert en 2006, c'est exactement comme on le fantasme : un show dantesque qui surclasse n'importe quel live des Chemical Brothers (habituels pensionnaires des fins de nuit dans les festivals rock) aussi bien musicalement que visuellement.

Pour fêter ça, un MP3 de mon titre préféré des Daft Punk, Face To Face. Et puis un très bon remix hip-hop d'Aerodynamic, signé Slum Village.


PS 1 : Y a du monde qui va également aux Eurockéennes ? Je ne connais pratiquement personne qui y sera, ce qui est tout de même un peu con...
PS 2 : Je pars le vendredi matin de Paris en covoiturage et le mec qui conduit me dit qu'il reste encore deux places dans la voiture. Si ça intéresse quelqu'un...

19 juin 2006

La constance du jardinier Neil Hannon


The Divine Comedy - To Die A Virgin (MP3)
The Divine Comedy - Generation Sex (MP3)

"Avant d'être oubliés, nous serons changés en kitsch. Le kitsch, c'est la station de correspondance entre l'être et l'oubli", résumait Milan Kundera dans L'insoutenable légéreté de l'être. De Divine Comedy, on a connu l'être (Liberation, sans doute le meilleur album du groupe) puis le kitsch (le beau mais ampoulé Fin de siècle, par exemple). Avant l'oubli ?

Non seulement on peut confondre le titre de ce nouvel album (Victory for the comic muse) avec celui du premier mini-LP sorti il y a seize ans (Fanfare for the comic muse), mais en plus, je n'ai même pas reconnu immédiatement la voix de Neil Hannon sur le premier morceau, To die a virgin. Ce n'est pas qu'elle ait vraiment changé, pourtant, mais pendant quelques secondes, elle m'a fait l'effet d'être plus grave. De crooner, Neil Hannon serait-il devenu croque-mort ? Cela aurait été finalement bien adapté aux accès de mélancolie du disque (A lady of a certain age, Snowball in negative). Mais bon, globalement, Neil Hannon chante toujours comme Neil Hannon. Et chante donc toujours comme Scott Walker. Mais chante quand même de plus en plus comme un Neil Hannon imitant les imitateurs de Scott Walker, soit David Bowie (To die a virgin) ou le Danny Elfman de la B.O. de Nightmare before Christmas (le grandiose et gothique The Plough).

Comment appeler cela : pastiche, roue libre, serpent qui se mord la queue, autoparodie ? Peut-être, tout simplement : vieillissement, expérience. Sûr de ses effets, Neil Hannon est désormais presque mûr pour chanter pour les vieilles dames qu'on croise dans les romans d'Agatha Christie, en dégustant des cocktails, "drinking sangria somewhere by the sea".

Victory for the comic muse est un album chic : il suffit pour cela de voir la suavité avec laquelle Hannon prononce des mots un peu désuets ou exotiques, bourgeois, Givenchy, Fabergé egg. Mais ce n'est pas un album bon genre fait pour amuser la croisière, les paroles d'Hannon étant toujours aussi acides (voir l'inaugural To die a virgin, excellent décalque du Generation sex de Fin de siècle), parfois proches, sur A lady of a certain age, du grand Ray Davies. Depuis deux albums, j'avais peur que son songwriting se soit émoussé, il s'est en réalité patiné. Quinze ans après sa formation, Divine Comedy fait plus que jamais partie des beaux meubles et n'est toujours pas un groupe pour vieilles dames. Ou alors, pour vieilles dames sourdes.

14 juin 2006

Yo La Tengo joue aux assassins musiciens


Yo La Tengo - Roadrunner (MP3)
Yo La Tengo - Baby's on fire (MP3)

Sur le site de Yo La Tengo, la compilation de reprises Murdering the classics coûte seize dollars, frais de port compris. Mais pour avoir la vraie version, il vous faudra quelques piécettes et une poignée de minutes en plus.

Ce disque n'est pas fait pour être écouté sur votre platine laser ou votre lecteur MP3. Avec son son brut, ses blagues lancées live et gardées sur la bande ou ses duos inattendus (avec une petite fille sur Route 66 !), il a été réalisé dans des conditions artisanales pour soutenir la radio WFMU, chaque morceau étant improvisé à la demande des auditeurs-donateurs. Pour l'écouter de manière optimale, autant donc le repiquer sur une vieille cassette audio, le medium le mieux adapté à sa nature à la fois bordélique et modeste. D'ailleurs, toutes proportions gardées, ce disque constitue peut-être les Basement tapes (l'exploration d'un patrimoine musical) ou Quine tapes (la décontraction du live, le son d'un vieux magnéto) du trio du New Jersey.

Un heure et quart de musique, trente morceaux (Un Violon, Un Jambon en avait déjà évoqué un ici) et presque autant de descriptions possibles. Murdering the classics est une récréation foutraque. Un disque ou Yo La Tengo se "met en danger" pour de rire en affrontant des non-choix de reprises, plus (Lou Reed, les Stooges ou le Roadrunner de Jonathan Richman, repris de manière très carrée) ou moins évidents (X Ray-Spex, Eurythmics ou Brian Eno, dont le Baby's on fire est martelé à coup de guitares barbelées). Un bilan de bonne santé annuel du groupe, les titres ayant été enregistrés entre 1996 et 2003. Un foutoir pop, punk, psyché, noisy, rockab', antifolk. Un coffre aux trésors rempli de vieilles esquisses, de jouets ébréchés ou de cadeaux fait main. Un disque de reprises indé jouées par un groupe de bal. Une version lo-fi de Fakebook...

Et, selon le groupe, "le meilleur, le meilleur-du-pire, le pire-du-meilleur...". Mais plutôt meilleur que pire, forcément, de la part de cette formation érudite et insouciante, aussi forte en thème qu'en versions. Avec ce disque qui contient des grands airs sans s'en donner, Yo La Tengo repasse pour moi son brevet de grand groupe, les doigts dans le nez (nez avec lequel Ira Kaplan chante toujours un peu, d'ailleurs). La classe.

09 juin 2006

Nouvelle Vague, à bout de souffle ?



Nouvelle Vague revient dans les bacs sous un titre godardien, Bande à part : depuis deux ans que le premier volume prend la poussière sur mon étagère, entre le In utero de Nirvana et une autre compilation ô combien plus essentielle, Nuggets, vous pensez si j'attendais l'évènement avec impatience. Alors, ce deuxième volume ? Comme le premier : pas désagréable, mais vite oublié et à vite oublier. Un triple échec qui nous dit peut-être plus de choses sur la musique actuelle qu'un disque réussi...

Nouvelle Vague reprend à côté.
Toute cover navigue entre deux écueils : trop fidèle à l'original, elle est conformiste, trop différente, elle est méconnaissable. Or, sans effet de reconnaissance, pas de disque de reprises possible (autant alors s'échiner à produire des compos originales, non ?). A vouloir faire original, Bande à part tombe dans le panneau en plusieurs occasions : Blue Monday à la sauce Caraïbes, sans l'électro maladroite de New Order, ce n'est plus Blue Monday, et c'est surtout une ballade complètement anodine.

Nouvelle Vague engloutit tout. Le disque est basé sur l'équation linguistique suivante : Nouvelle Vague=new wave=bossa nova. Tous égaux, tous informes : la singularité des fabuleux groupes new wave finit ici écrasée par le concept, donnant au disque un côté un peu monotone (je reprends cet argument dans la très pertinente chronique de Popnews).

Nouvelle Vague sombre dans la formule. La logique des franchises a déjà pourri le cinéma américain, empressé de mettre en chantier des suites à peine le premier opus produit. Va-t-elle maintenant contaminer la musique indie ? Je deviens méfiant : si j'achète ce nouveau volume, qui me dit qu'il n'y aura pas un Nouvelle Vague 3, Trinidad-et-Tobago contre-attaque ou un Nouvelle Vague Reloaded, la revanche des morts-vivants de Rio ? Il reste tellement de groupes new wave absents de ces deux compilations (Wire, Magazine, Television...) que le pire n'est pas exclure. Triste de voir des artistes étiquetés "indé" utiliser les mêmes recettes que les CD type "la plus grande discothèque du monde", destinés aux bacs à solde.

Résultat sec : sans technique, sans projet de jeu, sans âme, Nouvelle Vague s'incline 3-0. Comme le Brésil 1998. Espérons que la presse française, qui avait encensé le premier volet (et le Brésil 98 !), ne prenne pas cette fois-ci ces reprises pour des lanternes.

07 juin 2006

Nulle part Ayers


Kevin Ayers - Town Feeling (MP3)
Kevin Ayers - Song From The Bottom Of A Well (MP3)

Grand 1 vertical, en dix lettres : "Joueur de pipeau aux portes de l'aurore". Syd Barrett ? Non, mais il a enregistré avec lui. Kevin Ayers ? Ca marche aussi.

Sur les grandioses premiers disques (Joy of a toy ou Whatevershebringswesing) d'Ayers, on entend d'ailleurs pas mal de flûte: c'est son côté ménestrel. Et sa musique riche de saveurs psychédéliques est parfaite pour l'aurore. Mais bon, j'aurais pu proposer une autre définition, plus encyclopédique : "Ancien chanteur de Soft Machine". Ou plus mystérieuse : "N'a pas le physique de sa voix".

Car c'est la première chose qui frappe quand on se plonge dans ces albums. Sur les photos du livret de Joy of a toy, on le voit, cheveux longs blonds, plutôt beau gosse, poser à côté d'une bouteille de vin, d'un piano blanc et de quelques roses. La classe, qu'on imagine arrogante et impudente. La voix, plutôt grave et posée, affirme tranquillement le contraire. Elle ne fait pas ses vingt-cinq ans : elle a déjà intériorisé pas mal de choses avant de nous parler. Et c'est autour d'elle que le déséquilibre et le chaos règnent.

Subtilement déséquilibrées, doucement acides, les compositions d'Ayers piochent dans une discothèque idéale alors passée ou à venir, du Bryter Layter de Nick Drake (la soul jazzy de Songs for insane times) au Sgt Pepper's des Beatles, des chroniques de Ray Davies (le sublime Town feeling) au ton détaché de Lou Reed (Stranger in blue suede shoes). Les francophiles croiseront même une autre Ballade de Melody Nelson millésime 1971, toute en basse ronde, appellée ici There is loving/Among us/There is loving. Et les Floydophiles verront le fantôme de Syd Barrett flotter sur l'effrayant Song from the bottom of the well - quelque chose comme de l'indus psychédélique.

La musique de Kevin Ayers est donc tour à tour accueillante, effrayante, mélancolique, euphorique, médiévale et moderne. Le spectre est large. En parlant de spectre, Ayers peut ressembler un instant à Nosferatu... puis, la photo suivante, à un minet pop. Moins culte que Wyatt, plus allumé que Ray Davies ou McCartney, moins mort que Nick Drake, ce génie est mouvant, il ne se ressemble pas. Et ses disques aussi changent de couleur toutes les cinq minutes. Une bonne définition du caméléon ou de l'arc-en-ciel, et donc du psychédélisme.

05 juin 2006

All the old punks (new book and cool facts)


Johnny Thunders – Great big kiss (MP3)

« J’ai toujours pensé qu’un punk était quelqu’un qui acceptait de se faire enculer. » Signée William Burroughs, cette définition n’est pas de la naphtaline dont on fait le dictionnaire de l’Académie française. Mais elle résume assez bien les fulgurances contenues dans Please kill me, l’histoire non censurée du punk racontée par ses acteurs, de Legs McNeil et Gillian McCain, traduit par les inestimables éditions Allia dix ans après sa sortie américaine.

Sur six cents pages bien tassées, on en trouve, des sentences définitives. Lou Reed proclamant qu’il faut « mourir pour la musique ». Richard Lloyd racontant la sélection d’un guitariste par les Neon Boys (futurs Television) : « Ils avaient mis une petite annonce dans Creem […] : “Recherche guitariste rythmique. Pas de talent nécessaire”. Dee Dee Ramone s’était présenté et Chris Stein aussi, mais j’imagine qu’ils ne possédaient pas le “manque de talent” suffisant… ». Iggy Pop grugé pour une sombre histoire de deal d’héroïne et qui se met à pleurer. Ou ce dialogue hilarant entre Johnny Thunders et Leee Childers, manager des Heartbreakers : « Le refrain de Johnny, c’était : “Keith Richards a réussi, et c’est un toxico.” Et je répliquais toujours : “Mais John, Keith Richards a réussi d’abord, puis il est devenu toxico, pas le contraire” ».

Please kill me
ne se résume pourtant pas à une collection de bons mots et de petites phrases assassines. Construit sur une narration «dialoguée» à partir d’extraits d’interviews, sans commentaires extérieurs, il raconte le punk new-yorkais comme le punk new-yorkais se chantait : de manière speedée et paranoïaque. Surtout, il constitue une magistrale généalogie musicale où se succèdent les parents du punk (le Velvet, le MC5, les Stooges), l’étincelle New York Dolls et la « nouvelle vague » de 1976 (Television, Ramones). Une grande Histoire racontée exclusivement à partir de petites histoires de familles, du cercle Iggy Pop-Bowie-Lou Reed à la lignée New York Dolls-Television-Heartbreakers-Voidoids en passant par les cousins anglais Clash-Pistols.

Le lecteur trop jeune pour avoir connu le Max’s Kansas City ou le CBGB a ainsi lui aussi l’impression de faire partie du clan qui changea l’histoire de la musique, comme le petit monde des intellectuels viennois changea en son temps l’histoire de la pensée et de la littérature. Le punk, un petit milieu pour un grand chambardement, résume la journaliste Mary Harron: « Comme tous les évènements légendaires auxquels j’ai assisté, le concert des Sex Pistols était à moitié vide. Il y avait environ cinq personnes habillées en punks, et ils se connaissaient tous. C’était comme le punk à New York à l’époque – il y a cent personnes qui participent et ils se connaissent tous. »

(En bonus sonore, Great big kiss, reprise des Shangri-La's extraite de l'excellent album solo de Johnny Thunders, So Alone, récemment réédité. Jetez-vous aussi sur cette incendiaire version TV de Personality crisis par les New York Dolls !)