29 juillet 2007

Et ils marchèrent sur l'eau



Bodies Of Water - Our friends appear like the dawn (MP3)
Bodies Of Water - These are the eyes (MP3)

Depuis tout petit j’ai trop souvent remis les choses à demain. Ce post, il dépérissait dans le tiroir de mes projets à jamais remis. En bon routier de l'indie-blog, La Blogothèque en a profité pour me sauter sur la ligne avec le sens du timing d’un Cédric Vasseur. Du coup, j’écris un peu en chasse-patate, le vent dans la gueule, comme si je voulais prendre la roue de Contador avec mon Vélib. Pour faire vite et écrire comme le type chargé de rédiger les stickers pour un label, Bodies Of Water c’est : « la rencontre entre Arcade Fire et Ennio Morricone». Un rock critique en mal d’excitation irait de son accroche satisfaite : « Ces quatre Californiens inventent le gospel-pop pour la génération MP3 » ou «western-baroque» faut voir après le déjeuner. La version plus intello donnerait : « Les mélodies grandiloquentes de Bodies of Water ont ce sens de l’immensité, de cet espace infini qu’est l’Amérique». On peut aussi se contenter de le consommer ce Ears Will Pop & Eyes Will Blink, le trouver branque avec son côté rock chrétien pour impies.

Ici, le moindre morceau prend un tour épique, frôle la surcharge, les chœurs enfiévrés pourraient sonner comme un tic, mais quand ces jeunes gens s’époumonent, ils y croient et l’ensemble décolle avec. Chez Bodies Of Water, la vocalise entre filles et garçons (dont un couple) est au centre de tout ; les instruments se greffent autour. Il y aurait tout un tas d’adjectifs à y accoler, des adjectifs qui exalteraient le lyrisme, l’émotion, la ferveur ou juste l’envie de sortir de soi-même. C’est d’ailleurs le grand mérite de Bodies Of Water : viser trop haut, se brûler mais au moins semer le peloton des fades. Ce groupe vous allez le chérir, porter sa parole, ça durera ce que ça durera, mais l’espoir est là.

16 juillet 2007

Une certaine idée de l'enfance


Animal Collective - For Reverend Green (MP3)
The Fiery Furnaces - Automatic Husband (MP3)

Deux grands disques pour l'été, deux groupes qui devraient changer de nationalité. Comment ça, cette phrase est idiote et ne veut rien dire ? Bien sûr que si qu'elle veut dire quelque chose : bien qu'ils soient américains, Animal Collective et les Fiery Furnaces devraient prendre la nationalité allemande, histoire d'honorer jusqu'au bout le pacte Faustien qu'ils sont signés (quelque chose comme "laisse-moi prendre ton âme et te rendre complètement fou, en échange tu signeras les meilleurs disques des zeroties"), et de bien nous rappeler qu'ils ont abattu le mur de Berlin qui régnait, disons à la fin des années 90, entre d'un côté la pop fraîche, sans complexes mais bio-dégradable, et de l'autre les expérimentations en blouse grisâtres des Mormons du post-rock.

Et quand bien même cette phrase serait idiote, Animal Collective et les Fiery Furnaces ne sont-ils pas des groupes idiots ? Attention, pas idiot au sens bête, stupide, bas, mais au sens de anti-intelligent. On peut aimer les plaisirs du rock lettré et s'allonger par terre dans le noir en se vidant le cerveau et en se mettant du Animal Collective à fond. On peut se laisser dériver le long des rivages du rock classieux (les citations littéraires, les passages jazzy, les pochettes en noir et blanc ou des types fument des clopes en plissant des yeux) et se laisser surligner les oreilles par la collection de feutres verts, rouge, jaune fluo des Fiery Furnaces.

On peut avoir accepté l'idée que le rock est devenu adulte, avoir un peu honte de lui quand il ramène ses trois tifs restants pour se faire une frange et va remuer son arthrose au son de la dernière sensation du NME, et donc se délecter de l'idiotie enfantine d'Animal Collective et des Fiery Furnaces, de leur babillage répétitif. De la façon dont le premier bâtit neuf transes à partir d'une idée fixe (le martèlement chamanique, la construction d'une cathédrale sonore montant, sinon au ciel, du moins dans les aigus) quand le deuxième, sur le modèle du cadavre exquis, élabore un morceau transgenres à partir de neuf idées mouvantes.

Strawberry Jam et The Widow ne sont pas seulement, pour l'instant, les meilleurs disques de leurs auteurs, ni des albums qui au fond ne prêcheront que les convertis (soit un Feels en plus barré, ou un Bitter Tea en encore plus réussi), ni une collection de morceaux des deux plus fascinants chanteurs de leur époque. Ils sont, comme les albums de Suicide ou de My Bloody Valentine, des disques qui élargissent les perceptions, et fonctionnent donc très vite (extase, béate ou non, puis addiction) sur le modèle de la drogue. D'ailleurs, quand les caméras de surveillance auront définitivement chassé la came des centre-villes, ce sont sûrement des CD gravés de Animal Collective et des Fiery Furnaces que les dealers, devenant ainsi doublement coupables aux yeux du pouvoir juste et bon, s'échangeront sous le manteau.

09 juillet 2007

En direct de la moto 1



Kraftwerk - Tour de France (MP3)
Les Wampas - Jalabert (MP3)

Attention ! Ce post réclame des notions de cyclisme.

En juillet la France s’ennuie devant son Tour. Un ennui bien palpable avec ces premières étapes de mornes plaines, où le sans-grade français montre le maillot horrible pour faire plaisir au sponsor. L’échappée de plaine c’est le mythe de Sisyphe sponsorisé par du crédit par téléphone ou du tubulaire bovin. La pierre retombe toujours, le peloton calcule son coup pour vous avaler à quelques hectomètres du but. Seul l’immense Jacky Durand pouvait faucher compagnie à la fatalité.

Prologue à la house filtré, le Tour de France de Krafwerk a tout du morceau de plaine, étalé mais captivant, agrémenté de quelques montées en quatrième catégorie. Nous sommes en 1983, Laurent Fignon claque son premier Tour de France, quand Kraftwerk remonte sur selle, le coup de pédale moins aérien. Aujourd’hui, Fignon prophétise et vanne sur France 2, meilleur consultant sportif facile, aucun coureur n'arrive à lui faire. Normal, Fignon a vu le film avant tout le monde, alors il donne parfois l’impression de se faire chier. Les Allemands eux avaient saisis la puissance répétitive du Tour, cette plongée dans une monotonie presque psychédélique, avec la glacière sur le côté. Pourtant rien de rock dans la Grande Boucle. Elle prend son temps, les préliminaires n’en finissent pas avant les ébats montagnards.

Les groupes français ont toujours snobé la culture populaire de leur pays. Parce que le rock en France, c’est une histoire de centre-ville et de petit bourgeois. Parfois, il lorgne vers le foot: mais il se goure de direction. Le vrai mythe populaire français ça reste le Tour - qui a surtout suscité de la bonne littérature droitière et éthylique, avec Blondin comme maillot dernier verre. Reste les Wampas, groupe stratégiquement populo, du sympathique punk de grupetto capable d’en claquer une belle avec cette pochade dédicacée à Laurent Jalabert, ou de faire pleurer avec leur hommage posthume à Marco Pantani; l'homme qui freinait dans la montée de l'Alpe d'Huez. Jaja, ancien numéro un mondial à l’humour terrien a laissé quinze ans de sa vie à trimer sur des routes départementales, quinze ans dans des hôtels en zone péri urbaine à manger des pâtes, et je ne parle même pas du bronzage dissocié. Tout ça pour que ce veau de public français lui préfère Richard Virenque, l’imposteur à pois rouges sprintant en haut des cols pour un maillot qui n’intéressait que lui. Le temps a passé : Virenque suce la roue sarkozienne et la France des campagnes et des camping rêvent de Christophe Moreau en jaune. Et Jaja pendant ce temps là ? Il courre toujours devant, comme chez les Wampas, mais sur la moto 1.

04 juillet 2007

Et au sommet coule une rivière


Okkervil River - A Hand To Take Hold Of The Scene (MP3)

Le rock, c'est le monde des gauchers. Des types contrariés, dévoyés, malhabiles, aux mauvaises fréquentations, des folkeux ratés qui ont décidé de crier plus fort que les autres ou, un jour, à l'âge de douze ans, d'emmerder le type qui joue Imagine à la guitare sèche en colo en lui cassant sa guitare sur le crâne.

Un disque de rock réussi est donc souvent un disque folk raté. Défiguré. Quand on écoute Okkervil River, on a l'impression de deviner les chansons folk qui se cachent derrière les sanglots coléreux de Will Sheiff, prête à ressurgir unplugged pendant une traversée du désert ou sur un plateau de MTV.

Du moins avant que son créateur ne les défigure. Avec tambours et trompettes, The Stage Names, leur nouveau disque, aurait pu s'appeler New Adventures In Hi-Fi : autrement dit, constituer une bonne illustration de l'adage "travailler plus (l'emballage) pour gagner plus (de fans)" à coups de riffs accrocheurs, de rythmiques qui tombent à l'heure tapante, de pianos dégringolant l'escalier pour mettre fin au morceau. Et même d'une fausse reprise des Beach Boys à la sauce folk-punk en bout de course, histoire d'emmerder le copyright en même temps que les fanatiques de l'acoustique.

The Stage Names est un disque pour ceux qui pensent qu'il y autant, voire plus de beauté, dans le Springsteen de Born To Run que de Nebraska, dans un mélo en technicolor que dans un road-movie fauché en noir et blanc. Il commence par cet aveu implicite : Our life is not a movie, or maybe. Bien sûr que si, les gars, votre disque est un film : à vingt-quatre notes par seconde, il abolit l'ennui et les temps morts, évite la complaisance et la prétention. Vous l'avez bien mérité, votre prix d'interprétation.

02 juillet 2007

Eurockéennes : suite, fin et bilan

De retour à Paris. Il est temps de finir mon compte-rendu des Eurocks. Après promis, on rebalance des MP3. Je reprends donc où j'avais arrêté : samedi, début de soirée, après le concert de Phoenix.


(photo Eurockéennes 2007 by Rod)

21h50. Entre Olivia Ruiz (que je vois tous les jours dans le métro) et Deerhoof (que je ne vois nulle part), le choix est vite fait. Les Américains font presque tâche aux Eurockéennes : mais qui donc peut bien aimer ça, après avoir vu Abd-Al-Malik et Phoenix ? Ca me fait penser au concert d'Animal Collective l'an dernier, sur cette même scène de la Loggia : show anti-sexy au possible et public incrédule se demandant si c'est la vodka-pomme ou les riffs de guitare qui lui filent cette sale nausée. En tout cas, la chanteuse Satomi Matsuzaki est complètement dingue et semble vouloir réhabiliter Chantal Goya sur un mur abrupte de guitares. Un peu comme si le Club Dorothée était présenté par Kim Gordon.

J'embraye sur I'm from Barcelona sur la scène de la Plage. Je m'attends au meilleur concert de ce festival, me basant sur une équation un peu conne : 20 personnes sur scène = autant de raisons de s'amuser. En fait, j'ai complètement raison : les Suédois livrent le meilleur concert des Eurockéennes 2007. Pas tant par leur répertoire, qui reste fort limité, mais par l'incroyable énergie qui s'en dégage. Sur scène, c'est n'importe quoi : le leader Emanuel Lundgren fait des slams sur le public avec son matelas gonflable, une demi-douzaine de mecs ne servent à rien sinon à jouer les Bez (l'inutile heureux des Happy Mondays) ou à lancer des ballons de plage au public, l'hymne We're from Barcelona vire au délire collectif, les côtillons volent, c'est le 14 juillet mais avec des harmonies 60's... La Suède est bien le plus chaud des pays froids.

Pour confirmer la maxime, direction la Grande Scène où vont officier The Hives. Je me méfie : je ne me souviens que de Hate to say I told you so, que j'identifie à la redécouverte du rock par MTV. Sale période. Mes réticences explosent vite, le chanteur Pelle Almqvist est un stupéfiant showman, qui arrangue le public à la moindre occasion et qui semble bien parti pour reprendre la mairie de Malmö. A lui seul, il nous fait quand même oublier que les Hives jouent toujours la même chanson.

Je finis la soirée avec Digitalism, sous le Chapiteau. Pas grand chose à en dire, sinon que sur l'échelle de l'électro fluo en live, il faut les placer après Simian Mobile Disco et avant Justice. Mon festival se finit ici : il faut partir tôt le dimanche pour être frais et dispo le lundi à Paris. Et tant pis pour Arcade Fire, TV On The Radio et Air.

Bilan du festival (en forme de plébiscite scandinave) :
1. I'm from Barcelona, scène de la Plage
2. Junior Senior, scène de la Plage
3. Bonde Do Role, scène du Soundsystem
4. The Hives, Grande Scène
5. Simian Mobile Disco, scène de la Loggia
6. Wu-Tang Clan, Grande Scène
7. Digitalism, scène du Chapiteau
8. Deerhoof, scène de la Loggia
9. Phoenix, Grande Scène
10. Peter Van Poehl, scène de la Plage